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Immersion.

Publié le 09 septembre 2014 par Lifeproof @CcilLifeproof

Une nouvelle exposition est à voir à l'Aubette 1928 depuis samedi : « Céleste Boursier-Mougenot : persistances ». Je suis allée la voir, je m'y suis arrêtée parce que c'est, je crois, ce qu'il faut y faire : s'arrêter, se poser, y faire une pause, ne pas être sollicités par d'autres choses. L'extérieur est présent dans cette exposition mais il n'est qu'image. Donc ce qui importe c'est de ne pas laisser le monde extérieur venir perturber notre (vision n'est pas le terme qui convient, visite non plus) instant à vivre dans cette exposition (ceci me semble plus juste).

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Céleste Boursier-Mougenot, videodrones (200-2014). Installation audio et vidéo, technique mixte, six caméras vidéos, six projecteurs. Vidéo, système multi canal de traitement et de diffusion audio.© Céleste Boursier-Mougenot. Photo: Musées de la Ville de Strasbourg / Mathieu Bertola

La programmation d'expositions à l'Aubette 1928, on vous en a déjà parlé à plusieurs reprises entre ces pages : il y a eu Haegue Yang, Dora Garcia et un vol de livre, Tino Sehgal, Janet Cardiff et son émouvant Forty Part Motet, les histoires sonores de Dominique Petitgand, et d'autres encore. Le lieu est particulier : il s'agit d'un foyer-bar, d'un ciné-dancing et d'une salle des fêtes qui furent décorés, fin des années 1920, par Sophie Taeuber-Arp, Jean Arp et Theo Van Doesburg. Leur décor y est tellement présent qu'il est œuvre se pose donc la question de « comment exposer des artistes dans un lieu où on ne peut rien accrocher au mur ? ». Du son, de la performance sont certaines des formes de l'art le plus actuel que l'on peut voir à l'Aubette 1928.

L'exposition « Céleste Boursier-Mougenot : persistances » ne déroge pas à cela, on y voit des pièces où le son est central. Céleste Boursier-Mougenot est un artiste contemporain né en 1961 qui représentera la France à la Biennale de Venise en 2015. Musicien de formation, l’artiste mêle différents médias dans ses créations et adapte son travail aux lieux dans lesquels il est invité à exposer.

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Céleste Boursier-Mougenot, videodrones (200-2014). Installation audio et vidéo, technique mixte, six caméras vidéos, six projecteurs. Vidéo, système multi canal de traitement et de diffusion audio.© Céleste Boursier-Mougenot. Photo: Musées de la Ville de Strasbourg / Mathieu Bertola

En entrant dans l’Aubette 1928, on est invités à en redécouvrir les espaces. Dans la salle des fêtes, on s’immerge dans des images filmées sont projetées aux murs. On peut voir les passants, marcheurs, cyclistes ou autres, devenus ombres, déambuler à l’un des coins de la place Kléber donc quasi en bas de l’Aubette. Les projections sont faites en temps réel et, alors que l’on se trouve à l’intérieur de cet espace clos, on voit ce qu’il se passe au dehors. Du coup, en sortant de l’expo, on a croisé des gens qui cherchaient la caméra et, pensant l’avoir trouvée, ils se sont mis à sauter dans tous les sens et faire de grands signes. Avec videodrones (2000-2014, l’œuvre est réadaptée pour l’espace de l’Aubette 1928), Céleste Boursier-Mougenot joue avec l’aléatoire : même si la place est passante, les images se succèdent et ne se ressemblent pas. En outre, l’image filmée produit un son qui envahit l’espace et évolue en fonction de ce qui est montré, c’est le flux de l’image qui vient créer le son et accompagne ainsi les images projetées. Immersion, plongée, c’est vraiment la sensation que j’ai eu en entrant dans cette salle où ce qui est projeté, même si c’est l’extérieur qui est montré, est plus sombre, bleuté, englobant, envoûtant. Le son et l’image s’associent pour créer un univers cohérent que nous sommes invités à contempler : une façon de redécouvrir ce qu’on prend rarement le temps d’observer. Combien sommes-nous à traverser cette ville qui est la nôtre trop rapidement, absorbés par d’autres contingences ?

Photo

Céleste Boursier-Mougenot, persistance I (2014). Sculpture, technique mixte. Pompe à air, réservoir, solution tensioactive, modulateur électronique avec des entrées audio, microphones, socle en bois, tuba harmonium. © Céleste Boursier-Mougenot. Photo: Christian Ziane

Mon esprit est resté quelque peu perturbé par la vision de l’euphonium crachant son foutre, pardon laissant échapper sa mousse, dans l’espace du Foyer-bar. Cette œuvre, persistance I (2014), est extrêmement poétique. Une ambiance sonore est créée dans l’espace du ciné-dancing, pas au point d’esquisser quelques pas de danse au milieu de cette salle mais elle englobe, enrobe, et nous invite à prendre le temps de faire silence afin de nous concentrer sur les sons diffusés. Les pièces musicales approches et immersions avaient été créées en 1993 par l’artiste pour une pièce de théâtre, elles envahissent aujourd’hui, le temps de l’exposition, le ciné-dancing, tel un chant des sirènes envoûtant. C’est par les sons, la musique d’approches que Céleste Boursier-Mougenot fait évoluer son œuvre persistance I. La mousse sort de ce tuba au gré des sons sortant de l’espace du ciné-dancing. Lieu de loisirs et de fête, l’Aubette 1928 est réinvestie par des sons, des objets qui invitent au plaisir… de la vue, l'ouïe mais plus que tout le plaisir de voir quelque chose de surprenant, interpellant qui, en dialoguant avec une autre œuvre, convie à aller la découvrir.

 

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Céleste Boursier-Mougenot, persistance I (2014). Sculpture, technique mixte. Pompe à air, réservoir, solution tensioactive, modulateur électronique avec des entrées audio, microphones, socle en bois, tuba harmonium. © Céleste Boursier-Mougenot. Photo: CR

Que dire d'autre à part vous inviter à aller vous immerger et vous confronter au travail de cet artiste qui joue avec les sons, les images, les matières ? L'une des idées qui revient souvent dans ce que j'écris c'est le fait de faire une expérience de vie avec les œuvre, Céleste Boursier-Mougenot, à l'Aubette 1928, a pensé ses œuvres en fonction du lieu et nous propose, pendant un temps, de nous abandonner à leur perception et de les vivre. Bonne visite, bonne expérimentation !

Cécile.

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« Céleste Boursier-Mougenot : persistances » à l'Aubette 1928 du 6 septembre au 22 novembre 2014/ Place Kleber, Strasbourg

Horaires d'ouverture : du mercredi au samedi de 14h à 18h. Entrée libre.


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