Le dilemme entre protection par des licences et open source se pose en des termes particuliers pour les entrepreneurs créateurs d’innovation dans les pays en développement.
Il existe actuellement une trop faible exploitation des inventions novatrices dans les pays d'Afrique : moins de 1% des brevets déposés à travers le monde sont d'origine africaine. Au forum mondial Convergences, le sujet de la protection intellectuelle des innovations a en effet été abordé lors de la conférence "Protection vs. Innovation ouverte : Comment concilier l’innovation et l’accès aux nouvelles technologies pour tous ?". S'il y a si peu de brevets, c'est peut-être qu'ils sont considérés comme des freins... "L'enjeu est de savoir si dans les pays en développement où les infrastructures de propriété intellectuelle sont extrêmement réduites, la mise en oeuvre de tels systèmes, de règles et de brevets serait un besoin en vue de développer l'économie.", estime Luc Savage, directeur de la propriété intellectuelle et de l'innovation d'Orange Labs, notamment pour le cas de l’Afrique.
Les projets de développement social ont aussi besoin de rentabilité
En fait, selon le type de projet, un modèle de protection de la propriété intellectuelle se révélera le plus adapté, mais cela implique des études au cas par cas. Luc Savage tente d'identifier le rôle que pourrait revêtir le brevet : "Cela dépend vraiment du business model. Si vous avez besoin de vous appuyer sur une notoriété importante pour le développement de services, le modèle Open source est bien approprié. Si vous avez des investissements techniques lourds et longs à faire en amont, le dépot de brevet est certainement mieux approprié dans la mesure où il vous donne une protection pendant 20 ans...".. On se demande également si la protection de la propriété intellectuelle favorise l'accès à tous ou si au contraire, elle restreint les champs de l'innovation. L'accessibilité des solutions innovantes pour le plus grand nombre ne peut se faire qu'à conditions que des mécanismes rentables existent pour soutenir les développements dans la durée, c'est à dire, que chacun des maillons de la chaîne trouve un intérêt financier dans le projet.
La mise en place d'une licence n'est pas forcément un frein
La recherche du "gagnant-gagnant" était d'ailleurs le mot d'ordre de la séance : la rupture que veut apporter le boost de l'entrepreneuriat dans les pays en développement réside dans la croissance inclusive, trouver des modèles de développement qui profitent à tous. Pour illustrer la capacité de la protection de la propriété intellectuelle à valoriser un secteur d'activité, Luc Savage livre l'exemple de cafés éthiopiens distribués par une grande chaîne américaine. En imposant d'être désignés sous l'appellation "Yirgacheffee" dans les endroits où ils étaient distribués comme condition pour continuer à fournir la chaîne, les producteurs ont créé une marque. Elle fait donc maintenant l'objet d'une licence que doivent payer les distributeurs au producteur éthiopien, en plus de l'achat de la matière première. Le prix de la valeur de la marque a permis de valoriser la reconnaissance du café éthiopien par les consommateurs occidentaux et a généré plus de 200 millions de dollars de gains et donc une amélioration de la qualité de l'ensemble de la chaîne de production du café en Éthiopie.