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Mes coups de cœurs du mois d’août

Publié le 12 septembre 2014 par Bmgeneve

Que Carl Philipp Emanuel Bach ait su trouver la voie qui l’extraie de l’ombre de son Johann Sebastian de père est déjà tout à fait méritoire. Qu’il ait trouvé celle de la modernité dans l’histoire de la musique l’est encore plus. Il a su intégrer et dépasser le style baroque universellement répandu, tout comme ses codes apparemment immuables.

Il a su aussi faire évoluer les superficialités petites-bourgeoises du style galant, inventer les « tempêtes et les emportements »  émotionnels en musique (Sturm und Drang). Après lui, il ne restait plus qu’à Haydn et à Mozart d’advenir pour consolider et magnifier le style classique, puis à Beethoven d’incarner à lui tout seul ces « tempêtes et emportements » qui ouvriront les portes au Romantisme.

Une mention spéciale pour l’interprétation dynamique, légère et soutenue d’Ophélie Gaillard et son Pulcinella orchestra.

BACH, Carl Philipp Emanuel. Concertos . Carl Philipp Emanuel Bach (Aparté, 2013)   Disponibilité

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Ferrandini
Perle de la musique religieuse lacrymale baroque italienne à découvrir absolument, par un compositeur pas réputé du tout.

Le seul qualificatif qu’on ait réussi à lui adjoindre jusqu’à présent est celui de compositeur mineur. Mais je vous l’assure, il n’a de mineur que la longueur des notices biographiques qui lui sont consacrées.

FERRANDINI, Giovanni Battist. Al santo sepolcro (Fra Bernardo, 2014)    Disponibilité

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Hertel
Voici une Passion, héritière directe de celles de Johann Sebastian Bach. Johann Wilhelm Hertel est né à Eisenach, la même ville que le grand Bach, mais 42 ans plus tard.

Une œuvre très pure à découvrir, comme décantée du pathos verbeux et sanguinolent des passions du librettiste Brockes qui eut tant de succès durant le 18ème siècle. Comparativement, on croit retrouver avec cette Passion de Hertel une dimension spirituelle dans l’allègement et l’affinement du discours.

HERTEL, Johann Wilhel. Der sterbende Heiland (CPO, 2014)    Disponibilité

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C’est à pied que le jeune Joachim Raff se rendit à Bâle depuis Zürich car il n’avait pas les moyens de se payer le voyage. Son objectif était d’entendre le grand Franz Liszt qu’il admirait par-dessus tout. En arrivant devant la salle de concert, il ne put y entrer car toutes les places étaient vendues depuis longtemps. Il paraît que Liszt apprenant la déconvenue de son jeune admirateur, l’invita à prendre place directement sur la scène auprès de lui.

Il faut redécouvrir Joachim Raff dont le nom est gravé sur le mur du Victoria Hall de Genève aux côtés des plus grands compositeurs de son siècle.

RAFF, Joachim. Symphony no 5 "Lenore"(Chandos, 2014)    Disponibilité

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Kreisler
C’est par sorte de coquetterie déguisée en modestie que le compositeur et grand virtuose du violon Fritz Kreisler attribua la paternité d’un certain nombre de ses morceaux à des compositeurs des temps anciens : il était embarrassé de voir son nom figurer tant de fois sur les programmes de ses récitals. D’où l’invention de la légende du paquet de manuscrits anciens trouvés dans un monastère et rachetés au prix fort. Il fallut longtemps avant qu’on ne se rendît compte de la supercherie. Certains critiques musicaux qui s’étaient laissés abuser lui en tinrent rigueur leur vie durant !

Voici le magnifique Prélude et Allegro attribué à Pugnani qui fut un des succès les plus permanent de Kreisler :

KREISLER, Fritz. Kreisler violin music (Hyperion, 2014)   Disponibilité

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Mompou
Mompou est de ces compositeurs qui obtiennent le plus d’effet avec le moins de notes. C’est précieux pour ceux qui comme moi ont les oreilles fatiguées.

Une mention particulière pour la pochette la moins engageante de la discothèque… Passez outre, vous ne le regretterez pas.

MOMPOU, Federico. Song of the soul (Naxos, 2014)     Disponibilité

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Mozart
Je connaissais depuis très longtemps l’existence de certaines œuvres du frère… que dis-je, du divin Mozart, mais sans les avoir jamais entendues.

J’ai donc plaisir et fierté d’annoncer à nos fidèles usagers de la discothèque municipale de Genève qu’ils pourront dorénavant emprunter et écouter le canon « Leck mir den Arsch », ce qui en français signifie très précisément : « Lèche-moi le cul » ( !) Ceci dit, ces petites pièces vocales et instrumentales qu’on trouve à la lisière de son énorme production, apportent un éclairage précieux sur la complexité du frère… que dis-je, du divin Mozart dont le côté facétieux n’est pas le moins sympathique !

MOZART, Wolfgang Amadeus. Gehn wir im Prater (Brilliant, 2013)    Disponibilité

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Muffat
Certes, Georg Muffat passa une vie entière dans les pays germaniques où il se fit connaître. Je suis néanmoins surpris que la France ne revendique pas plus cet enfant du pays, puisqu’il est né à Megève (Meuh-gève, comme disent les Parisiens !), au bon air des montagnes de Haute-Savoie.

MUFFAT, Georg.  Missa in labores requies (Note 1, 2014)   Disponibilité

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Pandolfi
Le cornet à bouquin est un instrument à vent de forme conique et courbe, à embouchure et percé de sept trous, six devant, un derrière. Il était très répandu entre la fin du XVIe siècle et le milieu du XVIIe, principalement en Italie du Nord et en Allemagne. L’exemple le plus célèbre de son usage se trouve dans les Vêpres à la Vierge (1610) de Claudio Monteverdi.
Cornet

Sa virtuosité et la chaleur du son n’ont été égalés que par le violon qui l’a progressivement supplanté dès le 17ème siècle. Le parti-pris de William Dongois d’interpréter ces sonates de violon au cornet n’est donc pas du tout incongrue. Il nous donne en tout cas la possibilité d’entendre cet instrument absolument enchanteur.

Serpent

La basse du cornet à bouquin est appelée serpent, du fait de son aspect sinueux. A noter que nous aurons une soirée de Salon musical consacrée au serpent au printemps 2015 avec la participation, entre autres, de Stephan Berger, un artisan du cuir qui fabrique aujourd’hui à l’identique et fait vivre cet instrument ancien. A surveiller sur le site des BMs et à ne pas manquer !

PANDOLFI, Giovanni Antoni. Style fantasique (Carpe Diem, 2010)    Disponibilité

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Poulenc
A la suite de Fauré et Duruflé et de leurs Requiems « sans désespoir », Poulenc est le noble continuateur de cette tradition purement française d’œuvres religieuses graves mais sans désespoir explicite. Une merveille de poésie contemplative, et un de mes coups de cœur permanent.

POULENC, Francis. Stabat Mater (Harmonia Mundi, 2014)    Disponibilité

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Rossini
Une jeune emprunteuse, apercevant un jour sur un album la mention « Music for strings », me demanda sans rire s’il s’agissait de musique pour accompagner les strip-teases. Je me vois donc obligé de confirmer ici que les présentes sonates « for strings » de Rossini ne sont pas prévues à cet usage.

Quoi que… Ces sonates – qui ne s’appellent pas quatuors bien qu’elles soient écrites pour 4 instruments – sont prévues pour 2 violons, 1 violoncelle et 1 contrebasse. Cette formation instrumentale particulière pourrait favoriser les pensées vagabondes. Qui sait ? Les voies de l’érotisme sont ontologiquement tortueuses !

ROSSINI, Gioacchino. 6 sonatas for strings (Dux, 2013)   Disponibilité

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Ensemble Indigo
Depuis longtemps la chaîne de Radio France-Musique explore les frontières du jazz avec son émission « Le jazz probablement ». Le présent album, qui pourrait y figurer sans problème, pourrait aussi être présent avec le même bonheur dans une émission intitulée « La musique contemporaine probablement ». Mais celle-ci reste à inventer.

Finalement, quand la musique est belle, quelle importance qu’elle soit au centre ou aux marges d’un style particulier ou d’un genre défini… n’est-ce pas ?

ENSEMBLE INDIGO. Reflection (Enja, 2001)   Disponibilité

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Sciascia
Comme son titre l’indique, il s’agit de courtes pièces de genre dans le rayon "larmes, spleen, mélancolie, nostalgie, regrets et soupirs".

Après avoir entendu cet album, plus personne n’osera prétendre que la contrebasse est juste bonne à planter les clous et marquer le temps. Elle est parfaitement à même de larmoyer et faire pleurer dans les chaumières, pourvu qu’on ait encore le lecteur de CD pour faire tourner la galette !

D’ailleurs – et ceci est une révélation – en hongrois, la contrebasse, du moins dans sa version populaire, s’appelle bien « nagy bögö », ce qui signifie très exactement « le grand pleureur ». Le « kiss bögö », le petit pleureur, étant réservé au violoncelle. Cela ne s’invente pas !

SCIASCIA, Stefano. Elégie (Newton, 2013)    Disponibilité

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Alqhai
Pour ceux qui auraient remarqués la présence de Joe Satriani le grand guitariste de rock américain dans la catégorie « musique ancienne » et qui s’en seraient peut-être étonnés, il convient de rappeler que nous somme bien au 21ème siècle, et que c’est définitivement une drôle d’époque !

ALQHAI, Fahmi. A piacere (Note 1 Glossa, 2014)   Disponibilité

Paul Kristof


Classé dans:Coups de coeur, Musique classique

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