Magazine Culture

MBAM : comment pousser les visiteurs à (re)venir ?

Publié le 14 septembre 2014 par Aude Mathey @Culturecomblog

C’est toute la question du travail de Jean-Sébastien Bélanger au musée des Beaux-Arts de Montréal. Le MBAM rencontre depuis le début de l’année un succès exceptionnel. Cette réussite tient, certes, de la programmation et des collections, mais pas seulement.

Jean-Sébastien Bélanger - crédit Aude Mathey Culture et Communication

Jean-Sébastien Bélanger – crédit Aude Mathey Culture et Communication

Jean-Sébastien Bélanger est chef du service des membres et à la clientèle. Il est donc la personne ressource en ce qui concerne le marketing en direction du grand public, mais aussi des membres.
C’est un parcours assez atypique qu’a suivi ce diplômé en sciences politiques de l’UQAM. Passionné depuis toujours par le musée des Beaux-Arts de Montréal – à l’époque une figure de proue de la culture anglophone de Montréal, il cherche à y candidater. Malheureusement, à cette époque, en 1991, le Québec connaît une grosse crise économique et le seul poste auquel Jean-Sébastien put accéder fut celui de commis à la boutique. Rapidement promu superviseur puis adjoint au développement et au membership, il est en charge aujourd’hui de toute la stratégie marketing en direction du grand public, de “la masse” comme il dit.

Il fait donc partie de ces artisans qui ont contribué au succès du MBAM.

 Pallier les baisses de subventions successives

Le service du développement, puis du membership, trouve sa raison d’être très rapidement avec les baisses de subventions successives depuis une vingtaine d’années. Avec un musée qui connaît de plus en plus de succès grâce au nouveau déploiement de ses collections, les artistes invitées et des expositions-découvertes avec la venue de Nathalie Bondil, le budget des opérations augmente drastiquement, ce qui n’est malheureusement pas le cas des subventions.

#128076948 / gettyimages.com

Le musée doit donc faire appel en priorité à l’autofinancement.

Après plusieurs coupes au niveau du personnel et des mesures afin d’augmenter la productivité des équipes restantes, le MBAM a mis sur place différentes stratégies ayant pour but de développer le nombre de membres (payants).

Remanier les stratégies existantes

Historiquement, ce sont les membres qui ont créé le musée. A l’époque la culture était perçue comme provenant du monde anglophone (plus riche), d’autant plus que le musée est situé dans la partie anglophone de la ville (à l’ouest de McGill). Ces membres sont donc devenus au fur et à mesure des personnes qui avaient un avis consultatif sur le musée et qui participaient à la campagne de collecte de dons annuelle.

Il a fallu que le musée élargisse ses membres tout en les fidélisant et en supprimant les opérations qui coûtaient plus cher à produire et qui n’étaient pas vraiment en lien avec le musée. Le MBAM a donc cherché à développer une stratégie de membership efficace en se recentrant sur son savoir-faire : les collections, les programmes éducatifs, la valorisation de ses membres et le réseautage.

De façon à atteindre ces objectifs, le musée a donc successivement :

  • supprimé l’accès gratuit à la collection permanente du musée (elle est devenue payant depuis le 1er avril 2014 sans aucun impact sur ses visites);
  • simplifié la grille des abonnements (aujourd’hui 5 possibilités) ;
  • enlevé les événements populaires comme Halloween et la St Valentin ;
  • instauré de grandes visites de collection (pour les membres) avec un petit cocktail ;
  • mis en place une visite d’introduction afin que les membres aient l’impression de maximiser leur abonnement ;
  • créé des avant-premières de certaines expositions avec des personnalités (des artistes ou des conférenciers) ;
  • transformé la revue des membres en une revue d’art mais accessible aux néophytes ;
  • créé des visites midi-express ;
  • ouvert la possibilité de s’abonner en ligne.

Les membres bénéficient dès à présent d’un espace VIP en ligne, dont les contenus (visites, midi-express, etc.) sont développés très étroitement avec la direction de l’éducation et des activités culturelles. En effet, de façon à pouvoir apporter des services de visites et des contenus pertinents à ses abonnés, il coulait de source que les deux serviecs travaillassent ensemble.

#477981449 / gettyimages.com

Au niveau marketing, la simplification des catégories n’a pas été aussi évidente. Il y avait bien entendu beaucoup trop de possibilités de s’abonner précédemment, ce qui nuisait à la bonne visibilité des abonnements eux-mêmes et ne poussait pas les visiteurs à l’acte d’achat.

Le MBAM a donc réalisé beaucoup de tests et de sondages pour parvenir aux 5 catégories actuelles. Le terme de VIP (développé par l’agence du musée) a aussi eu un impact très fort auprès des membres, notamment les plus jeunes qui ont très rapidement eu l’impression de faire partie d’un cercle restreint (fort tout de même de 88 000 membres). Enfin, côté catégorie d’âge, seuls les moins de 30 ans ont été ciblés. En effet, selon Jean-Sébastien, la catégorie des aînés est assez complexe à gérer (les personnes ne voulant pas toujours donner leur âge) et c’est surtout une catégorie très rentable dans laquelle les abonnements rencontrent un franc succès.

Le défi était donc de conquérir des populations plus jeunes avec, en tête, l’objectif de les fidéliser.

Cette catégorie des moins de 30 ans a aussi une particularité. Puisqu’elle déménage régulièrement et que c’est le prix (bas) qui est facteur de décision, le musée leur a donc créé une offre sur mesure, en ligne uniquement, leur permettant de bénéficier de tarifs et de contenus propres à leur tranche d’âge.

C’est ainsi qu’en très peu de temps, le MBAM est passé de 2 000 à 11 000 jeunes, et ce sans publicité aucune, le bouche-à-oreille ayant fait le reste. Enfin grâce à l’informatique (CRM) et aux différents outils mis en place au sein du musée, la productivité des services a augmenté.

Gagner puis fidéliser ses publics

Mis à part le télémarketing qui fut beaucoup utilisé, mais malheureusement abandonné pour des questions de coûts, le musée a mis en place quelques actions bien connues des entreprises.

Le Winback

Lorsque Jean-Sébastien Bélanger a évoqué le winback (comprendre la redirection d’un membre qui veut partir vers un service spécial qui va tout faire pour qu’il reste), j’ai immédiatement pensé aux stratégies bien connues des compagnies de télécoms.

Ainsi, lorsque un abonné VIP du musée souhaite résilier son abonnement, il est envoyé vers un agent qui lui offre dans un premier temps 1 ou 2 promotions génériques. Cet agent n’a pas le droit de fermer le compte sans avoir pu proposer à l’abonné toutes les promotions dont il bénéficie.

Le service de télémarketing était principalement utilisé pour les renouvellements (qui ne sont pas automatiques). La prospection téléphonique par contre (outbound) fonctionnait assez mal. C’est ainsi que le musée a redéfinit le rôle des agents d’accueils.

Acquisition de membres à la billetterie

La majorité des acquisitions selon Jean-Sébastien Bélanger s’effectue effectivement à l’accueil du musée. Les agents sont habillés commes les personnes de l’accueil mais ce sont des vendeurs payés à la comission. On en trouve également au comptoir du service des membres. Ces agents ont pour mission de convaincre les visiteurs de prendre un abonnement plutôt que d’acheter un billet unique (environ $14 selon les expositions). Leur mission n’est pas de cibler les touristes en goguette (le musée y perdrait de l’argent  et cela ferait baisser le taux de fidélisation du service de Jean-Sébastien), mais plutôt les familles, les groupes de jeunes ou encore les couples.

Cette stratégie est encore celle qui fonctionne le mieux. Et pour avoir été abordée (et convaincue) au MoMA, je peux souligner que j’ai vraiment effectué une bonne affaire.

Publipostage

Eh oui, le musée utilise toujours la bonne vieille solution du publipostage. Bien qu’assez coûteux, le musée envoie des courriers aux anciens abonnés qui arrivent à échéance, aux abonnés en tout temps pour leur revue mais aussi à des contacts fournis par des achats de listes.

Enfin en ce qui concerne l’usage des réseaux sociaux, on reste sur de l’information pure. Il n’y a pas (ou peu) de conversion par ce biais.

 Et le web dans tout ça ?

Le musée n’a pas de compte dédié aux membres sur Facebook. Le compte sur Facebook n’a en effet pas vocation à être conversationnel mais simplement la voie du musée (dommage…).

Cependant, le nouveau site a été développé dans l’optique du développement des abonnés. Ilest ainsi possible de s’inscrire en ligne, les membres peuvent voir les conférences en direct mais aussi en différé (ce qui fonctionne très bien auprès des jeunes, des familles et des baby-boomers). La revue, par contre, n’est pas disponible sur le site tout simplement à cause des droits qui s’avèreraient trop coûteux pour le musée. La nouvelle version du site, en ce qui concerne le marketing, a servi à enrichir l’expérience client et à pouvoir lui proposer plus de contenus mais aussi une facilité de gestion. La transformation en responsive devra se faire d’ici la fin 2015.

Quels revenus complémentaires attendre ?

On comprendra qu’avec 88 000 membres, le MBAM n’a plus beaucoup de manoeuvre pour développer le nombre d’abonnés.

Il faut donc aussi développer de nouvelles sources de revenus. Les abonnés sont appelés à payer s’ils veulent des services complémentaires ou effectuer des dons.

Ils sont également sollicités pour la campagne de dons annuelle ainsi que pour plusieurs projets spéciaux dans l’année. Tous les dons dépassant 1000$ sont gérés par la Fondation (le donateur fait donc ainsi partie du Cercle du président). Il est bon à rappeler que les dons sont déductibles à 100%. Le Cercle des jeunes philanthropes a donc ainsi été créé pour assurer la relève philanthropique du musée.

Vue de la soirée D-Vernissage, exposition Pérou MBAM © Culture et Communication

Vue de la soirée D-Vernissage, exposition Pérou MBAM © Culture et Communication

Après une telle stratégie, nous ne pouvons que souhaiter bon vent au musée des Beaux-Arts. Et vous quelle stratégie avez-vous mise en place ?


Retour à La Une de Logo Paperblog

A propos de l’auteur


Aude Mathey 3168 partages Voir son profil
Voir son blog