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Variations pour une nuit, par Luc Lavoie…

Publié le 14 septembre 2014 par Chatquilouche @chatquilouche

C’était une nuit.

Une nuit sans lune. Une nuit qui s’éternise. Un combat perdu d’avance. Une autre nuit qui se prostituait sous les regards des voyeurs.

Pour quelques malheureuses clopes…

Une sale nuit. Une nuit comme celles d’avant. Comme celles encore à venir…

À en finir…

Une lutte contre la promiscuité tragique des lieux. Intermittences ; transit entre les gouffres obscurs. Une vie qui s’amenuise. S’atrophie. Là où les étoiles se meurent. Petit à petit. Peu à peu. Emportée. Engloutie dans une redoutable torpeur.

À l’instant d’un dénouement cruel.

C’était une nuit sans nom. Une nuit troublée de l’écho des pas d’une marche funèbre. Loin de toute clarté. Quand le sommeil ne vient pas. Lorsque le triste sort a choisi. Que l’homme perd pied sur les escarpements d’une falaise.

Et que sa chute ne peut être alors… qu’inévitable.

chat qui louche maykan alain gagnon


Opus 2

Nos rêves filent tels des cerfs-volants aux cieux et leurs teintes arc-en-ciel dessinent des mouvements dans l’aube du firmament. Ces oiseaux étranges et fragiles remontent dans les nuées et redescendent. Objets fugaces qui s’estompent parfois sur le bleu azur du ciel noyé de lumière.

Un fil ténu relie leurs ailes d’envergure à notre bras tendu, à notre regard brillant, et c’est lui qui ramène cet oiseau du paradis qui glisse et fend l’air. Pour ne pas qu’il chute. Pour ne pas qu’il s’écrase. La main et le regard en communion. Le rêve et l’oiseau en équilibre. La force et la fragilité dans l’instant.

Tout en mouvement.
Tout en contrôle.

La nuit.

chat qui louche maykan alain gagnon

 Opus 3

La lune est massive et blême par cette nuit de novembre. C’est avec force et détermination qu’elle repousse encore les dernières nuées qui tentent de l’encercler. Un faible halo pénètre par la fenêtre de la cuisine inanimée. Dans ce silence froid, chaque goutte d’eau se gonfle. Se forme. Se sépare du tout. Tombe. Une à une. Pour se fracasser au fond de l’évier. Une perle qui, sur les traces de la suivante, minute après minute, marque un temps qui semble interminable au présent. Une seconde, une vie ; le chaos décomposé s’opère dans l’immense espace qui sépare la mobilité presque parfaite de l’insaisissable et qui, elle, s’oppose au mutisme de l’endroit ainsi qu’aux illusions fortuites de l’existence. Lorsque, au-delà de l’œil se soustrayant au vide, l’infini se révèle, le rythme de l’horloger est projeté dans les affres de l’ultérieur. Masse en mouvement lorsqu’elle fend l’air. Gravité exige. Ce plein vide. Cette sonorité, rythme sur la surface métallique, trouble la rigidité cadavérique d’une scène horrible. D’un événement insolite. D’un spectacle tragique. Gestes passés. Lointains.

Arrêt sur image.

Le couteau repose sur le parquet. Du sang écarlate en macule la lame au carbure. Une courbe liquide cramoisie entoure d’un côté le corps inerte. La plaie est au thorax. Apparente. Yeux vides. Membres tendus. Et ce regard absent plaqué au plafond dans une rigidité grave…

Une mouche bourdonne. Arrivée de nulle part elle exécute un ballet aérien compliqué au-dessus du visage d’une occulte finitude. Le diptère se pose sur le bout de son nez aquilin. Incline sa tête au regard composé. Par moment, l’insecte entre par une narine. Qui sait ce qu’il y mijote. Quel dessein odieux se trame encore par ici. Dans la pénombre. Après quelques minutes il en ressort. Il remonte ses pattes arrière et lisse ses ailes transparentes. Sa trompe sonde la peau froide dans une forêt de capillaires. Une autre fois, c’est par la bouche ouverte que l’intrus pénètre.

Le lustre du plafond se reflète dans la marre rubiconde qui glisse sur le carrelage en damier noir et blanc. La main féminine aux ongles manucurés y baigne. Elle tient entre ses doigts crispés une photographie. Celle d’un homme. L’image est éclaboussée de sang.

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Opus 4



Un Jack Daniels « on the rocks » sur le comptoir usé de ma vie.
Du midi arrosé aux goulots de mes nuits blues harmonicas étranglées
Les vapes dans ma tête et une taverne au fond d’un verre
Odeurs illicites
Fond de tonne
Quartier du désespoir
Entonnoir
Défonce
cale
De l’autre côté du mur hurle du dedans la douleur du bitume des nuits qui s’écoulent
Les pleurs engourdis sont fleuves lents
Des entrailles démembrées aux éclats de verre brisé dans la glace froide d’une soirée de décembre
Quand le feu brûle la gorge et noie le cœur
Qu’encore une lampée découpe les mots
Lame maudite entre les dents
Ressac
Aphrodite
Fer amer
Instrument pervers
Qui submerge la vie
L’aurore lève le coude et boit à l’eau-de-vie du moment d’osmose avec les brumes
Dans la noirceur le cri du vieux sorcier mohawk hante la langue ancestrale
Écho sur les masses liquides aux palais des mouvances inaudibles aux marées viscérales
Tremble
Du bout des doigts qu’un verre de trop ne tinte les glaciers sur la paroi miroir océane et que tout bascule

La coupe aux lèvres
Regard vitreux sombre aux abîmes dans une geste déséquilibrée aux étranges visions où chavire l’incertain
S’enfonce le lointain
La noirceur avale, la musique cavale et de ses déhanchements,  soubresauts sous les « spotlights » l’ivrogne trinque encore
Voir les corps qui se vrillent et oscillent
Ces femmes qui ondulent fluides sur le « stage » enfumé
Chambranle chancèle vacille
Jusqu’aux chiottes à minuit
Pisse détresse de dégoût aux égouts
Imbibé
Les vapeurs de cognac se libèrent du mal mené aux amygdales déchues
Macère dans ton jus tout le long des rivières en méandres
Rampe vers la claire lune des caniveaux
Couleuvre des forêts endormies et des marécages vaseux loin des villes sauvages
Au retour des mouvances éthyliques
Aux extases mystiques
Boit
Boit au sommeil de l’ivresse
À la kermesse de la veille
Ingurgite
alcoolique du biberon enfant de la boisson ton amour platonique ta bouteille
Cette bouche pâteuse qui dégueule les mots
Cette gueule farouche des héros à tête creuse
Boit
Boit à t’en tordre les boyaux
Branle encore au sommet des gratte-ciel et à l’aube de l’hécatombe meurs
Pleure l’alcool de ta jeunesse
Les déboires de ta vieillesse
ta vie frelatée
Ta fin fermentée
Avale ta tasse
Par les soirs qui passent
Pilier de bar s’écroule buveur éteint plein au bouchon
Le cœur brisé
Saoul
« Last call »
Le barman le videur la ruelle
Destination misère humaine et sacs-poubelle

chat qui louche maykan alain gagnon

Luc Lavoie
© Tous droits réservés 2014

Notice biographique

Âgé de 47 ans, Luc Lavoie vit à Roberval.  Il a suivi une formation en graphisme au Collège de Rivière-du-Loup.  Il est présentement courtier en

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 alimentation. Auteur autodidacte, il écrit pour le plaisir depuis quinze ans.  Il privilégie la nouvelle fantastique, d’anticipation ou de science-fiction.

Il aime voyager à travers l’espace des mots et traverser avec eux le temps.  Il explore la page blanche – cette toile vierge de l’immensité –  comme un cosmonaute aux commandes de son clavier numérique, et qui s’est lancé, de son propre chef,  dans l’infini littéraire.

Son rêve ?  Être un jour remarqué et publié. Il prépare, à cette fin, un recueil de nouvelles.  Il envoie également des textes à des magazines spécialisés.

(Une invitation à visiter le jumeau du Chat Qui Louche :https://maykan2.wordpress.com/)


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