On y était : La Route du Rock été 2014
Cette année encore, Hartzine était à la Route du rock. Et oui, nous sommes certainement un peu maso, mais comme chaque été depuis maintenant près de vingt ans, vos serviteurs sacrifient ce week-end central de leurs congés annuels, congés qui pourraient nous voir mettre les voiles vers des horizons lointains, pour un festival à Saint-Malo en Bretagne (!) qui se déroule le plus souvent sous la pluie et dans un froid relatif (!!). Vous vous demandez pourquoi ? Eh bien même si vous ne vous le demandez pas, nous allons tout de même vous le dire. Parce que certains d’entre nous sont originaires du coin, (ça aide à se motiver quand on n’est pas obligé de dormir dans les champs de maïs voisins du site), parce que nous n’avons pas trouvé meilleure ligne artistique depuis toutes ces années dans l’hexagone (bon, la je vais peut-être me faire allumer par certains collègues de la rédaction pas vraiment en phase…), parce que l’association Rock Tympans qui a lancé le festival est toujours aux manettes avec autant de passion et d’activisme et que ses fondateurs sont à chaque édition sur la corde raide, à ne pas savoir si leur bébé pourra survivre l’année suivante. Pour cette édition 2014, pas vraiment d’exception à la règle… et évidemment, il a plu. Les trombes d’eau tombées toute la journée du jeudi, avant le lancement de la première soirée au mythique Fort Saint-Père, ont bien salopé le site. De mémoire de fidèle, nous n’avions jamais vu autant de boue baignée dans des marres d’eau sur un site de festival (bon on n’aime pas bien les foires aux bestiaux anglaises, c’est certainement pour ça…).
JOUR 1
De quoi bien plomber la soirée qui s’annonçait la meilleure, vu l’affiche proposée ? Et bien pas vraiment : le Breton ne se laisse pas abattre aussi facilement car il sait s’équiper de bottes et de ponchos, le festival lui assurant le ravitaillement en galettes saucisses et bières. Et puis, évidemment, la pluie s’est arrêtée de tomber en début de soirée. Seule Angel Olsen ne joua pas au sec. Nous ne pouvons pas vous en dire grand chose, la faute à une interview de Real Estate programmée en même temps, mais les quelques morceaux vus de son set nous l’ont montrée beaucoup moins introvertie et sauvageonne qu’elle n’y paraissait, même si ses compositions sont moins mises en valeur jouées par son groupe country folk.
Les War On Drugs d’Adam Granduciel étaient ensuite très attendus. Apres les écoutes multiples de leur magnifique Lost In The Dream bien calé sur notre platine depuis des mois (lire la chronique), nous ne voulions pas rater ça. Nous n’avons pas été déçus, même si le groupe est ressorti peu satisfait de sa prestation, il est vrai polluée par divers problèmes techniques liés à la pluie et les décharges électriques qui ont fait dresser les cheveux du chanteur, l’obligeant à chanter dans un micro recouvert d’une serviette de bain (!). Les Américains ont été courageux sur ce coup-là, démontrant la finesse de leurs compositions et toute leur classe dans l’exécution. Ça sera moins le cas avec Kurt Vile et ses Violators, le gars semblant rincé et peu enclin à lâcher les chevaux. Ça a donné un concert assez ennuyeux, et ce malgré un final plus enlevé. La vague de la hype l’avait pourtant porté, mais au final c’est moyen. Non pas que le chevelu n’est pas doué guitare en main, mais ses compositions nous semblent belle et bien surcotées. A moins que ce soit un jour sans ; allez… nous voulons bien lui laisser le bénéfice du doute.
Les problèmes techniques se sont multipliés au cours de cette soirée, preuve en est la fin de concert désastreuse de nos chouchous de Real Estate, que personne ne viendra aider alors qu’un ampli rendait l’âme, poussant le chanteur à la crise de nerfs. La palme va au régisseur de cette petite scène qui leur refusa une légère prolongation de set qui leur aurait permis de placer deux tubes attendus par le public venu nombreux. Car ces bons gars du New Jersey qui ne payent pas de mine, sont de vrais orfèvres pop, devenus maîtres dans l’art d’entrecroiser deux guitares claires avec une basse tout aussi légère, capables de délivrer une qualité de son dans des conditions pourtant vraiment pas avantageuses. Nous allions dire prometteur si le groupe n’avait pas confirmé avec son dernier album. Donc vraiment classe. Proposition à nos chers organisateurs préférés : les faire revenir à la Route du Rock d’hiver après leur avoir payé, en signe d’excuse, une bonne thalasso (salvavatrice vu leur longue tournée en cours, d’autant que certainement assez roots).
Si Thee Oh Sees a bien enchaîné à l’heure, ils auront participé à notre frustration de ne pas pouvoir voir une fin de concert de Real Estate digne de ce nom. A priori pour cause de problème auditif du batteur, leur show n’aura duré qu’une demi-heure. Court, mais finalement suffisant, car si le groupe impressionne par la densité punk produite en simple trio, la recette fini par lasser, sans pour autant que puisse être remis en cause l’engagement total de John Dwyer dans sa musique.
La grande lose de l’équipe Hartzine aura été le concert de The Fat White Family passé au bar, la faute à une info donnée quelques heures plus tôt à l’espace presse : « Le groupe s’est bastonné et refuse promo et concert !« … Vous ne saurez donc rien de ces sulfureux Anglais (on tremble…), même si les échos reçus le lendemain étaient plutôt positifs. Avant que la pluie – revenue pour de bon pour la nuit – n’ait raison de nous au début du concert de Darkside (très bon également a priori… C’est pas de bol ça… On les aurait bien vu jouer un peu plus tôt pour notre part), nous avons conclu cette soirée en dansant lascivement sur l’électro disco de Caribou jouée par de vrais gens tout de blanc vêtus avec de vrais instruments. Daniel V Snaith est un habitué du festival, que ce soit avec Caribou ou auparavant avec Manitoba, et le lui rend bien : un show bien mis en scène et bien rodé, généreux. Le public a manifestement apprécié. Nous aussi, même si nous tempérerons un peu tout de même car il sera difficile pour le Canadien de reprendre durablement le flambeau laissé par LCD Soundsystem, le genre semblant un peu épuisé.
JOUR 2
Apres une bonne nuit et un bon plateau de fruits de mer chez maman (en pensant bien à la colonie d’Anglais avinée qui s’était installée au « camping » le long d’un tas de lisier du gentil agriculteur ayant mis a disposition son champ pour le week-end), retour au front… enfin dans les douves, où les spectateurs incrédules se sont entassés jusqu’à 18h30, avant que les chers vigiles acceptent d’ouvrir les grilles… Cheatahs en payera les pots cassés, devant jouer son shoegaze devant un public aussi fourni que celui qu’il aurait pu trouver dans un pub londonien. Un peu navrant sur ce coup-là, ce qui vaudra un certain nombre de gentils messages à destination des organisateurs sur les réseaux sociaux du festival.
Et ce n’est pas le set d’Anna Calvi qui amènera les festivaliers à passer l’éponge. C’est convenu, surjoué et ennuyeux. Un réchauffé de PJ Harvey quinze ans plus tard, l’authenticité et l’originalité en moins. Décidément, ce début de soirée nous laissera franchement sur notre faim. Les prétendus allumés de Protomartyr, eux, ne révolutionneront pas le rock. Certes correct, mais trop près des affreux Kaiser Chiefs pour nous convaincre. On doit être honnêtes, on a lâché en cours de route pour s’acheminer tranquillement à travers la paille fraîchement déposée sur la boue de la veille (mélange sympathique !) vers le bar pour un ravitaillement nécessaire avant de se rapprocher de la grande scène pour assister au grand retour de Slowdive, attendu mais craint en même temps tant nous avons été déçus ces dernières années par les réformations financières de gloires passées (The Jesus And Mary Chain !).
Et bien bonne pioche ! Le groupe a su renaître de ses cendres. C’est sobre, propre mais franchement beau. Pas besoin de jeu de scène ; les langoureuses compositions, pour certaines devenues des classiques de l’indie pop, suffisent. Les Américains sont concentrés, peinent à vraiment se lâcher, mais font mieux que bien. Le véritable lancement de ce vendredi soir et une véritable première partie digne de ce nom pour Portishead. Étonnant que, vingt ans après la sortie de son inaugural Dummy, le groupe fasse guichet fermé (car c’est bien le groupe qui a permis au festival de presque atteindre son record d’affluence ce soir là avec 11 000 personnes). La, nous changeons de dimension. On découvre ce qu’est un concert sonorisé par de vrais ingénieurs du son et mis en forme par d’excellents vidéastes. Les Anglais sont au sommet de leur art ; précis, carrés et d’une rare finesse. Ils sont capables de jouer leurs morceaux en live avec la même exigence que ce qui sort du studio. La voix de Beth Gibbons est toujours aussi juste, sensible et possédée. A vrai dire, nous n’en attendions pas moins. Le plus dur avec un tel groupe, à un tel niveau, c’est qu’il aura de fait plus de chance de nous décevoir que de nous surpendre dans l’avenir.
Difficile donc de ne pas s’arrêter là, d’autant que le froid tombe sur Saint-Malo. On se réchauffe tout de même devant l’incandescence de Metz, qui fait subir à nos tympans relâchés ses déflagrations électriques dont ferait bien de s’inspirer Protomartyr. Les gandins donnent tout sur scène. C’est extrêmement sauvage et bourrin mais ça fait drôlement de bien. Nous n’attendions pas grand chose de Liars, suite à la sortie de leur dernier album (lire la chronique). Et bien pire que cela, nous avons assisté à l’imposture du festival. Du grand n’importe quoi, le leader Angus Andrew entrant sur scène en cagoule péruvienne… Ce groupe pourtant prometteur à ses débuts a complètement perdu pied à trop vouloir faire différent et expérimental. Vraiment pas inspiré, voire pénible. Autant vous dire que nous avons vite rendu les armes et répondu à l’appel des bras de Morphée. Tant pis pour Moderat mais Slowdive et Portishead auront suffit à notre bonheur ce vendredi soir.
JOUR 3
Ce dernier soir commencera par un constat : l’équipe de Hartzine aura boycotté la plage durant ces trois jours où étaient programmés Johnny Hawai, Aquaserge et Pégase… Pas bien mais on renvoie volontiers la faute au soleil qui n’a pas daigné pointer le bout de ses rayons. De même, comme les jours se ressemblent, nous avons assez vite passé notre chemin à l’écoute des premières notes du premier groupe du soir, Perfect Pussy, certes signé sur Captured Tracks mais pas très intéressant pour autant.
Une bien médiocre première partie pour leur compagnon de label, Mac DeMarco, devenu en quelques mois la tête de proue de l’écurie de Mike Sniper grâce à trois excellents albums. Et sur scène, me direz-vous ? Et bien nous avons tout d’abord failli ne jamais pouvoir en juger, le Canadien et sa bande de weirdos ayant longtemps été coincés dans les bouchons de Saint-Malo (là encore, classique le 15 août… mais pourtant…). Arrivés quelques minutes avant de monter sur scène, ces jeunes gens ultra cool sont de bonne humeur, jouent tranquilles les tubes de leur patron qui, lui, est bien fidèle à son image : bordélique, drôle et un peu crado, mais aucun gonflage de cheville ni de tête chez Mac DeMarco. Le spectacle nous a paru un chouïa court (un long changement de corde ayant en outre été magnifiquement meublé par une reprise totalement foutraque de Coldplay par un bassiste franchement jouasse) mais c’est bon signe ; la prestation a bien plu.
Baxter Dury est quant à lui beaucoup plus « professionnel » aujourd’hui. Son set est carré mais le dandy briton gagne toujours un peu plus en charisme pour atteindre un niveau dont nous ne l’aurions pas cru capable après un de ses premiers concerts en France lors de la première Route du Rock d’hiver en 2006. Les morceaux tirés de Happy Soup, dernier album en date, passent toujours aussi bien, et avant écoute du nouvel album, It’s A Pleasure, à paraître en octobre, il semble que les extraits soient dans la même lignée, bien que moins immédiats et mélodiques, plus minimaliste. En tout cas, l’Anglais a su se faire un prénom et on prédit qu’il fera passer son glorieux géniteur aux oubliettes d’ici quelques années. L’interview (lire) réalisée quelques minutes après sa sortie de scène nous confirmera le professionnalisme et la gentillesse du garçon, pourtant totalement cuit après une journée semble-t-il harassante.
Ses concitoyens de Toy, eux, seront l’agréable surprise de la soirée. Leurs compositions psychédéliques ont hypnotisé le festivalier pourtant fatigué, l’augmentation des décibels l’empêchant de sombrer après ce calme début de nuit pop. Ça ressemble à pas mal de choses déjà vues et entendues mais ça fonctionne plutôt bien sur scène. Temples enchaînera ensuite par un show assez convenu, bien que très maîtrisé. On sent que le groupe tourne depuis près d’un an et joue à la perfection les très bonnes chansons de son premier album, bien aidé par un excellent son (d’ailleurs assez surprenant pour un groupe aussi jeune). Il manque pourtant un grain de folie dans tout ça. Ce groupe a atteint le haut des affiches très vite, certainement trop. A la différence d’un Mac DeMarco, parfait opposé des Anglais en tout, ça manque d’âme. La suite est un grand écart: ça fait toujours tout bizarre de se prendre une bonne vieille baffe par Cheveu. Le show est enragé, ultra énergique. Les Parisiens jubilent d’être sur cette scène. C’est punk, c’est fort, c’est pas souvent très fin mais ça réveille !
La fin de soirée devait nous dégourdir les jambes. L’honneur était donné a Jamie XX, que nous étions un peu étonnés de retrouver à la Route du Rock, tant le festival avait été mis dans la panade par son refus tardif d’assurer son set dans une boîte de Saint-Malo après le concert de ses corbeaux de The XX lors de l’édition 2012. Pas rancuniers, les organisateurs. On n’est pourtant pas sûr que cela valait vraiment la peine de persévérer. On danse quelques minutes avant de finalement s’ennuyer très vite. L’Anglais est incontestablement doué, mais son dubstep ne nous surprend plus vraiment…Todd Terje peut lui en vouloir, car la mollesse du set aura eu raison de nous et nous aura entraîné à déclarer forfait pour la suite.
Bilan : du bon et du moins bon comme toujours, mais l’impression d’une édition réussie. Le public ne s’y est pas trompé et l’affluence permettra à Rock Tympans de repartir pour une saison de plus… et évidemment, nous serons au rendez-vous pour souffler les bougies des 25 ans. Ça nous rajeunit pas ces conneries !