Ce soir les rires roulent sur la plage. On les entend tomber des gorges avant de s'évanouir. Ils ne ressortent pas mais leur écho traîne encore quelques secondes. Quelques secondes bien mûres pendant lesquelles la légèreté se répand sur les doigts. Quelques secondes trop juteuses. Quelques secondes que l'on dévore comme de petits matins sucrés. Et frais. Délicieusement fragiles.
La nuit est claire. Le feu crépite. La fumée nous pique les yeux. On est repu.
*
Enlever les chaussures et goûter à la fraîcheur du sable. A l'apaisement. A la rudesse. Escalader les dunes pour voir ce qui se prépare derrière. Le sel dans la bouche. L'écume invisible. Le ciel qui s'écroule dans une eau bleue et noire. Grimper pour en finir avec l'envie et le regret. Avec cette nostalgie qui se mêle à la corne. Laisse des traces infimes. Les morts et les vivants. La callosité de l'enfance. Les petits corps qui coulent dans un même regard.
Sacrifier la tempête. Poser une joue sur le sable. Sourire. Et dévaler la pente, lentement, jusqu'à demain.
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Le soleil brille. Les rayons traversent la ville comme des rouleaux compresseurs. Ils sont lourds et opaques et quand ils happent les passants on ne voit plus rien après. Certains s'empressent de disparaître au hasard d'une rue. D'autres dégainent une ombrelle. Peut-être pensent-ils sincèrement repousser la chaleur. Lui barrer le chemin avec quelques grammes de toile. Pourtant même les nuages semblent avoir disparu. Le ciel est vide et la touffeur enserre l'été. On souhaite que cet instant ne finisse pas.
Jean-Baptiste Pedini, Passant l'été (Cheyne, 2012)
image: Edward Hopper, Sun on Prospect Street (wikiart.org)