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Le Quatrième mur, Sorj Chalandon

Publié le 21 septembre 2014 par Antigone

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 "Et voilà. Sans la petite Antigone, c'est vrai, ils auraient tous été bien tranquilles."

Le quatrième mur, c'est cette illusion créée par les acteurs sur scène, ce mur invisible, qui permet d'accepter le caractère fictionnel de la pièce et d'oublier la présence des spectateurs. Dans la pièce d'Anouilh, seul le personnage qui représente Le Choeur s'adresse au public, il brise l'illusion, présente les personnages, raconte, anticipe, est en marge, unique messager de la mort.

"Voilà. Ces personnages vont vous jouer l'histoire d'Antigone. Antigone, c'est la petite maigre, qui est assise là-bas, et qui ne dit rien. Elle regarde droit devant elle. Elle pense. Elle pense qu'elle va être Antigone tout à l'heure, qu'elle va surgir soudain de la maigre jeune-fille noiraude et renfermée que personne ne prenait au sérieux dans la famille et se dresser seule en face du monde, seule en face de Créon, son Oncle qui est le roi. Elle pense qu'elle va mourir, qu'elle est jeune et qu'elle aussi, elle aurait bien aimé vivre. Mais il n'y a rien à faire. Elle s'appelle Antigone et il va falloir qu'elle joue son rôle jusqu'au bout."

Samuel a eu comme projet fou de monter la pièce d'Anouilh à Beyrouth, et de faire de la petite maigre un étendard de paix, juste pour quelques heures. Il croit au pouvoir de ce personnage, qui a déjà fait ses preuves. Il a trouvé son casting, des acteurs prélevés dans chaque camp, parfois ennemis. Mais il est à l'hôpital, très mal, en France, incapable de mener son rêve à terme. Alors, il fait appel à son ami, son presque frère, et l'envoie là-bas en février 1982, juste avant que la guerre et les massacres n'éclatent et bouleversent à jamais le destin de ce père de famille tranquille.

Vous vous doutez sans peine que je me suis sentie à la maison dès la première page de ce roman. Et il est vrai que dans son livre, Sorj Chalandon a fait d'Antigone son fil rouge. Mais attention, il n'y est pas question que de théâtre. Le quatrième mur explore avec brutalité le thème de la guerre et de l'amitié, thèmes chers à l'auteur, et ce sont ces thèmes qui portent véritablement le texte et lui donnent une force à la fois émouvante et terriblement éprouvante. Je n'avais pas été très séduite par Mon traître, mais malgré un style similaire cette fois-ci le charme a pris. Les bombes explosent tout près de notre oreille, nous pleurons de désespoir avec les survivants devant des corps mutilés, la poussière assèche nos pupilles, la vie connue bascule et perd peu à peu de sa substance. Le monde entier semble tourner à la tragédie alors que s'entendre et se parler paraissait hier presque simple, réalisable. Pourtant, en France, la vie continue, docile et pâle. Aurore a peur, attend que le père de Louise revienne et s'installe dans leur quotidien étroit. Qui en serait capable ? Un livre de poche, troublant, qui laisse son lecteur exsangue. A découvrir, indubitablement.

Editions du Livre de Poche - 7.10€ - 20 août 2014

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