La technologie est signe de puissance. Par ce moyen l’homme est comme maître de la nature. Aucun autre animal n’a su transformer à ce point son milieu naturel. Sans être à l’abri des catastrophes, les hommes ont pu aménager et modeler l’environnement selon leurs besoins. D’où vient ce pouvoir ?
Apparemment, du progrès des connaissances. Après avoir formulé les lois de la réfraction, Descartes déduit les moyens de perfectionner la vision. Connaissant selon quelle loi la lumière traverse les milieux, on peut utiliser ce savoir pour atteindre des fins dont nous décidons, comme de construire un télescope ayant une portée choisie par nous-mêmes.
Quand la connaissance prend les devants, nous savons exactement quelles seront les propriétés de nos inventions, puisque c’est nous qui en formons le plan. La technique est alors une application de la science, et ses effets sont aussi certains que peut l’être le corollaire d’un théorème. Et il y a alors de quoi être fier de l’humanité.
Mais ce cas est exceptionnel. Les premiers télescopes furent construits sans théorie, en tâtonnant. La machine à vapeur fut inventée un siècle avant la naissance de la thermodynamique. On a longtemps lancé des pierres sans rien savoir de la trajectoire d’un corps soumis à la pesanteur. Et aujourd’hui nous savons modifier génétiquement les organismes (O.G.M.) tout en ignorant les effets potentiels de ces modifications.
C’est dire que notre pouvoir excède largement notre savoir. Ne croyons pas trop vite que nos théories soient toutes à la mesure de nos techniques. En règle générale, nous ne savons pas ce que nous faisons : nous essayons, nous tentons, nous tâtonnons, avant de chercher à comprendre. Voilà ce qui rend notre pouvoir si redoutable.