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Strips Panique : l’humour « outrenoir » de Roland Topor

Publié le 24 septembre 2014 par Savatier

ToporStripPaniqueRoland Topor s’était essayé à presque tous les arts, non par dilettantisme - l’amateurisme lui était étranger - mais probablement pour repousser les limites de sa création. Parmi son œuvre graphique, la bande dessinée reste peut-être l'aspect le moins connu du grand public. Seuls quelques amateurs se souviennent encore des rares numéros d’Hara Kiri ou de Charlie Mensuel dans lesquels il en publia avec parcimonie. Parler d’ailleurs de bande dessinée, s’agissant des travaux de Topor, est assez difficile dans la mesure où il ne respectaient aucune des conventions du genre, tout à son souci de ne jamais se fondre dans un moule. Seul le terme anglo-saxon « Strips » pourrait éventuellement leur convenir. Le lecteur en jugera en parcourant le recueil Strips Panique (Wombat, 160 pages, 15 €) qui vient de sortir en librairie.

Plutôt que de B.D., il faudrait sans doute davantage évoquer la « Suite » de dessins - comme un peintre peut réaliser une « suite » de gravures - reliés par un thème commun, un scénario. Topor ne se pliait pas à la règle familière des images encadrées, des bulles. Ses légendes, imprimées ou calligraphiées, figurent la plupart du temps sous des dessins libres, faisant de chacun une œuvre finalement autonome.

Quant aux thèmes traités, ils s’inscrivent dans la veine habituelle de l’artiste, la veine « Panique » si présente dans ses textes, ses dessins, ses estampes. Ames sensibles s’abstenir, car il s'agit ici d'un humour impitoyable et surtout noir, très noir, voire, pour détourner le mot cher à Pierre Soulages, outrenoir !

Grand pourfendeur des conformismes, du politiquement correct avant l’heure, de ce que Sade appelait « l’imbécilité triomphante », de la bien-pensance sous toutes ses formes, Topor livre ici de menus contes (très) cruels, comme La Vérité sur Max Lampin, petit traité de lynchage d’un bouc-émissaire insignifiant, ou L’Extravagant Monsieur Brok, histoire d’un homme qui scandalise la bonne société dans la mesure où il refuse obstinément de mourir.

Le graphisme, minimaliste, s’offre au lecteur en noir et blanc, cette palette qui sied si bien au fantastique (pensons aux gravures de Goya, de Redon) et à l’humour noir. Seule concession à cette règle, une tache rouge vient ensanglanter une suite intitulée Erik un petit prince des Pays-Bas au bord de la mer, probablement l’histoire la plus féroce de ce recueil.

Du grand art, que les amateurs devraient adorer.


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