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MBAM: Assurer son indépendance financière

Publié le 24 septembre 2014 par Aude Mathey @Culturecomblog

Deuxième article sur les succès du Musée des beaux-arts de Montréal, nous avons souhaité réaliser une entrevue avec Danielle Champaagne, ancienne directrice de la communication du musée (Pascale Chassée, l’actuelle directrice a été recrutée il y a peu) et directrice de la Fondation du musée.

Danielle Champagne

Danielle Champagne

Mme Champagne représente un peu à elle seule l’histoire du musée. Ce qu’il y a de passionnant, c’est, tout comme Jean-Sébastien Bélanger, elle a été témoin de l’évolution du musée et de son ouverture. En effet, selon Danielle Champagne, le succès actuel du musée résulte d’un travail de longue haleine et d’un ensemble de facteurs. Depuis que Nathalie Bondil [l'actuelle directrice du musée NDLR] est en poste, elle a mis en place une multitude de stratégie afin de rendre pleinement au musée son ambition universaliste.

Ces facteurs, selon Mme Champagne, sont au nombre de 5 :

  • la création d’une panoplie de contenus : les différents sujets des expositions ont touché directement certains publics ;
  • la nouvelle façon de présenter les expositions, les collections grâce à une nouvelle scénographie. Cette réorganisation avaut pour but de faire coller les collections à des réalités et des thèmes très actuels afin d’ancrer le musée encore plus dans son époque. Par exemple : l’exposition Grandeur nature : paysages américains et canadiens de la fin du XIXème siècle bénéficiat d’une scénographie éco-responsable et touchait aux thèmes du développement durable. La grande force selon Danielle Champagne a été de faire appel à des designers et des créatifs en dehors du domaine muséal (Cirque du soleil, théâtre expérientiel, etc.) afin de donner un nouveau regard aux collections du musée et d’élargir les publics.
  • depuis 2008, le musée a marié les arts visuels à la musique dans le salon Bourgie. La musique a également été introduite dans d’autres facettes du musée. Ainsi, on compte aujourd’hui des audioguides musicaux, des archives de radio Canada et des expositions (comme celle de Venise) qui marient les arts visuels et la musique.
  • En 2012, de nouveaux espaces éducatifs ont vu le jour. Le musée est ainsi passé de 3 à 8 ateliers et a vu son nombre de familles  visitant le musée considérablement augmenter. Le musée est ainsi passé de 6 000 à 30 000 familles !
  • Enfin, le musée accueille depuis peu une autre Fondation : celle du Festival international du film sur l’art. Ce projet transforme le musée en une sorte de destination pour la journée, dans laquelle on peut voir des expositions, des films et écouter de la musique.

Un musée ouvert sur les expériences

Le musée est donc rapidement devenu ouvert à toute forme d’idées de contenus et de partenariats. Le musée propose ainsi des événements de yoga au musée (oui, oui, vous avez bien lu). 600 personnes ont donc pu faire du yoga au MBAM, transformant ainsi l’institution en “place de bien être”.

Séance de yoga devant l’oeuvre Le Soleil de Dale Chihuly. Crédits MBAM /Denis Farley

Séance de yoga devant l’oeuvre Le
Soleil de Dale Chihuly. Crédits MBAM /Denis Farley

Le musée cherche donc à être ouvert à tous afin de favoriser un maximum d’expériences et d’être de plus en plus présent dans la vie de son public. Il accueillera également un événement collaboratif les 7, 8 et 9 novembre : MuseomixMTL.

L’exemple de l’exposition Jean-Paul Gaultier

L’exposition : La planète mode de Jean-Paul Gaultier : de la rue aux étoiles s’est tenue au MBAM du 17 juin au 2 octobre 2011 et sa scénographie, point qu’il faut souligner, a remporté en 2012, le second prix de l’International Design and Communication Awards de New York.

La planète mode de Jean-Paul Gaultier : de la rue aux étoiles - crédits MBAM

La planète mode de Jean-Paul Gaultier : de la rue aux étoiles – crédits MBAM

Le service communication du musée a fait de cette exposition un happening à ne pas manquer, avec des brigades de terrain présentes dans les défilés de mode à  Montréal, l’utilisation des réseaux sociaux et des actions concertées avec les partenaires commerciaux de l’exposition (et des défilés). Après son succès à Montréal, l’exposition effectue une tournée mondiale (dont au Grand Palais en 2015).
L’exposition La planète mode de Jean Paul Gaultier : De la rue aux étoiles a accueilli son millionième visiteur au Brooklyn Museum (NY) récemment.

« Cette exposition est pour moi le meilleur passeport afin que mes créations soient vues par le plus de gens possible. Un million de visiteurs depuis le début de la tournée… Dans mes rêves les plus fous je n’aurais pu imaginer de cette belle aventure qui parcourt la planète », indique le couturier.

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Et le financement dans tout ça ?

Le Musée des beaux-arts de Montréal est une institution privée. Elle ne dépend donc pas directement de l’Etat canadien, de la province de Québec ou encore de la ville de Montréal. C’est pourquoi 50% de ses fonds proviennent du financement privé et de la billetterie. Les collections sont d’ailleurs acquises par ces fonds.

Comme je le disais plus haut, Danielle Champagne dirige la Fondation du MBAM. La Fondation prend en charge plusieurs campagens majeures :

  • les grands donateurs (au-dessus de 1,000$) ;
  • les entreprises ;
  • l’achat des oeuvres d’art (40 000 oeuvres ont été achetées par ce biais).

Avant les années 2000, 80% des dons provenaient des entreprises et seulement 20% de la part des particuliers. Depuis une dizaine d’années, cette tendance s’est inversée, notamment suite à la crise économique que le Québec a connu mais également grâce au succès des musées et de leurs campagnes d’appel aux dons. Il y a aussi des initiatives particulières qui ont aidé à renverser cette tendance : le Cercle des jeunes philanthropes par exemple. Il s’agit de jeunes professionnels ayant un intérêt ou un goût pour le MBAM et qui se sont consistués en OBNL afin de récolter des fonds pour le musée en échange de certains avantages (visites exclusives, réseautage, etc.). Cette tendance fait suite aussi à l’émergence d’une culture entrepreneuriale québecoise, avec Quebec Inc. notamment. La nouvelle génération locale est donc plus encline à partager ses richesses et à donner  à une institution qu’elle estime importante pour le lien social.

La mission de la Fondation est par conséquent essentielle puisque grâce à son succès qui ne se démentit pas, le MBAM doit faire face à de nouvelles dépenses : la clientèle a plus que doublé, sans parler des serviecs éducatifs qui ont connu un boom sans précédent.

Trois actions principales rythment la vie de la Fondation :

  • le bal du musée. Cet événement est géré par l’association des bénévoles du musée et non pas directement par la Fondation. Il génère plus d’un million de dollars par an.
  • la création d’événements de levées de fonds en direction des familles avec des chasses aux trésors pour les enfants, des soirées ludiques et familiales.
  • le financement participatif. Le musée teste actuellement ce type de financement avec le soleil de Chihuly. Cette campagne (le musée est au-delà des 60% de l’objectif) a pour mission de financer l’achat de l’oeuvre afin qu’elle reste au musée. Le MBAM a tout géré de A à Z. La campagne a été mise en place sur leur site web, sur place, au musée devant le Soleil, via ses magazines et ses infolettres. Le visiteur a la possibilité d’envoyer un court SMS à un numéro afin de donner 5$. Astucieux, n’est-ce pas ?

Et vous, quels sont vos succès de communication ?


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