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Oona & Salinger, Frédéric Beigbeder, Grasset

Par Elledit8 @elledit8

L’écart d’âge serait le secret des couples qui durent, d’après Frédéric Beigbeder. Puisse-il dire vrai, je viens d’épouser un charmant quadra! (Sourire) Je l’ai entendu parler de son dernier roman dans l’émission C à vous, puis dans La Grande Librairie. Il a piqué ma curiosité en évoquant l’histoire d’amour entre l’illustre écrivain américain J.D. Salinger et Oona O’Neill, la fille d’Eugene O’Neill, Prix Pulitzer et Nobel de Littérature; une histoire vécue juste avant qu’elle ne rencontre Charlie Chaplin, son futur époux. Chagrin d’amour, amour tout court, succès, échec, guerre, exil, jalonnent le parcours de personnages d’exception. On croise aussi Truman Capote et Ernest Hemingway lors de moments qui ont véritablement existé, mais dont Beigbeder a  imaginé le contenu.

Oona & Salinger, Frédéric Beigbeder, Grasset

Une faction peu ordinaire

Frédéric Beigbeder s’est livré à un exercice de style particulier. Les personnages de son roman, les lieux, les événements, tout est vrai sauf la teneur des propos. N’ayant pas obtenu l’autorisation de la famille d’Oona de consulter les lettres échangées avec Salinger, il a laissé libre cours à son imagination à la lumière de son ressenti, des biographies publiées et des témoignages de quelques proches les ayant côtoyés. J’ai été davantage séduite par sa description de la guerre de la bouche de Salinger que par les échanges entre Oona et Jerry. Néanmoins la quête de protection d’Oona rejetée par son père, le désespoir de Salinger, son syndrome post-traumatique à son retour de la seconde guerre mondiale lorsqu’il a réalisé que la vie avait continué malgré le monde en feu, je les ai ressentis à travers les mots choisis. Il s’est livré à cet exercice de façon très personnelle en y mêlant quelques éléments le concernant au début et à la fin du roman. Il se confie sur sa soif de jeunesse, sa rencontre avec sa jeune épouse, l’énergie qu’elle lui insuffle et la foi en l’avenir que lui apportent les illustres couples mariés qui ont fait le choix avant lui de la différence d’âge en amour.

« Love is a touch and yet not a touch »

Initié à Salinger durant son son adolescence, Beigbeder nous offre un bel hommage avec ce roman d’amour, son oeuvre la plus réussie jusqu’ici selon moi. Il raconte la rencontre entre Oona et Jerry, l’émoi qu’il devine, leur timidité, les silences éloquents, les maladresses. Il imagine les nuits platoniques, les disputes, les incompréhensions, les attentes… On assiste au départ d’Oona pour la Californie après le départ de Jerry à la guerre, lui qui espérait définitivement la conquérir grâce au manque suscité par son absence.  C’est avec Oona au coeur que Salinger a survécu à la Seconde Guerre Mondiale. C’est avec son souvenir à l’esprit qu’il rédigera quelques nouvelles sur le front publiées dans la presse. La nouvelle Slight Rebellion Off Madison posera les jalons de l’un des romans les plus lus dans le monde: L‘attrape-coeurs, son unique roman. Ce rendez-vous manqué a bouleversé la destinée de Jerry. Salinger finira par épouser, comme Chaplin avant lui, une très jeune femme nommée O’Neill… Il n’y a pas de hasard. Devenu agoraphobe à son retour de la guerre, il se retirera du monde, comme le lui avait conseillé le père d’Oona avant de disparaître.

A l’issue de cette lecture, J.D. Salinger que je connaissais sans avoir tout lu de lui ne m’a pas quitté… J’en veux davantage. Nul doute que je me plongerai dans ses écrits ces prochaines semaines et que je partirai sur ses traces à mon prochain voyage à New-York. « Merci pour ce moment, » Frédéric Beigbeder. Si j’ose dire…


Oona & Salinger, Frédéric Beigbeder, Grasset, 19€

Crédits photos: Elle dit 8


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