S’il fallait reconstituer dans un temps futur ce qu’a bien pu être la genèse du label Berceuse Heroique, tout en dépeignant l’esprit qui y présidait, les historiens de la chose musicale seraient somme toute bien emmerdés : des bribes éparses d’interview de ci de là, un blog, un profil facebook à la logorrhée nihiliste et cryptique, soit au final rien de tangible pour faire tenir un début d’approximation quant au chemin consciemment emprunté par KEMAΛ. Une saillie quand même, indicative, dans les pages d’un Tsugi consacré à l’underground techno en mai 2004 : « les membres de la classe ouvrières ne sont pas censés s’amuser à faire de l’art, on est donc voué à l’échec. Ce label ne grossira pas, on fera des disques jusqu’à ce qu’on n’ait plus de fric. » Si KEMAΛ n’est pas du style à s’étendre sur sa vie, ses envies, ses projets, d’autant plus avec le quidam de journaliste, il reste le concret, les disques, l’esthétique, pour donner le La d’une structure n’ayant pas l’once d’un plan promo pour chacune de ses sorties : tout est balancé sur soundcloud, ceux voulant s’enquérir des disques se précipitant alors sur les sites de vente par correspondance pour faire sien l’un des trois cent exemplaires de chacun d’entre eux. Le logo, les flyers comme les pochettes témoignent d’une défiance anarcho-libertaire à l’adresse de l’ordre établi et verrouillé politiquement, l’aigle comme les photos ronéotées et tirées des plus sales pages de l’Histoire sont juxtaposées à des citations lourdes de sens, extraites pour la plupart d’auteurs d’hier et de journaux d’aujourd’hui. Pour sa part, l’orientation musicale est multiple, presque inconciliable dans ses ramifications propres. Proche de labels tels que The Trilogy Tapes de Will Bankhead, d’Opal Tapes, de PAN, de l’américain L.I.E.S (lire) ou du français In Paradisum (lire) avec notamment Qoso et Low Jack, les sonorités professées s’égrainent des faisceaux les plus bruitistes de la musique électronique contemporaine – tel l’Ekman de Reform ou le Vereker de Murder License – , à des plages d’ambient plus que perché – Hole du russe Gesloten Cirkel, Dynasty du suédois Koehler – , en passant par des édits disco signés Duster Valentine, Jamal Moss ou Japan Blues avec The Brasserie Heroique (lire). Et ce, sans omettre un sous label créé dans une optique de réédition documentaire, agrémenté de relectures contemporaine, ayant sorti coup sur coup un double LP consacré à la musique folklorique grecque intitulé Anastenaria flanqué de deux remixes de Pete Swanson et Vatican Shadow, et une réédition du 12″ Smell of Metal de Charles Hayward, batteur anglais du milieu du vingtième siècle et fondateur de This Heat, bardé de relectures de JD Twitch et Maxmillion Dunbar. S’il fallait une analogie quelconque à établir avec les quelques décennies écoulées, le curseur serait dur à arrêter, entre les bombardiers techno hollandais du début des années quatre-vingt-dix à la Bunker Records et les chantres du DIY d’une Angleterre chevauchant le punk pour se vautrer gaiement dans la musique industrielle.
Ekman, autre personnage énigmatique qui a tout de même accepté de se confier à nous en avril dernier (lire), est sans détour : « On se concentre surtout sur la musique, et ça fonctionne (…). Il a, comme beaucoup de gens biens, ses propres psychoses au lieu d’être dans l’hystérie collective comme les gens « normaux ». » Pas de crampe du cerveau gratuite donc, juste un état d’esprit, comme l’indiqua d’ailleurs KEMAΛ à l’adresse de l’un de ses followers sur facebook : « Listen to the edits. They are RAW as our others releases. BH = RAW. No genre.. » C’est ainsi que quand les deux derniers cités préparent chacun un mix afin de pitcher la label night du label vendredi 26 septembre à Petit Bain, avec Koehler en sus, les résultats, à écouter et télécharger ci-après, sont radicalement différents. Le rendez-vous est donné (Event FB).
Jeu de briques
Snake
Pacman
Bubble