Les expositions d'été au Musée Fabre à Montpellier créent toujours l'événement, et pour cause, après Le Caravage en 2012 et Paul Signac en 2013, c'est désormais Claude Viallat qui est à l'honneur. Le musée lui consacre une rétrospective dont le parcours nous fait découvrir les tâtonnements de ses débuts, ses virages à 180 degrés, jusqu'à ce que son œuvre atteigne sa pleine maturité, une démarche fertile et solide. Pourtant, les œuvres de Claude Viallat semblent toutes un peu bancales, suspendues au gré du vent, fabriquées de bric et de broc.
Portrait de l’artiste peignant, 1970, Le Boulou
© Jean-Louis Vila © ADAGP, Paris 2014
Originaire de Nîmes où il naît en 1936, Claude Viallat intègre l'école des Beaux-Arts de Montpellier et développe à ses débuts une peinture moderne sans surprise. La découverte des peintres américains comme Jackson Pollock lui révèle qu'il existe d'autres manières de peindre. Il développe alors à la fin des années 1960, entouré d'un petit groupe d'artistes du sud de la France, le « mouvement » Supports/Surfaces. Dans le but de désacraliser l’œuvre d'art, ces derniers se livrent à toutes sortes d'expérimentations, renvoyant le tableau à son statut d'objet pur et simple. Tout souci de représentation ou de signification est délaissé au profit des trois notions fondamentales : matérialité/forme/pigment. Ce passage pourtant furtif fut déterminant pour Viallat, qui ne cessa plus dès lors de tester divers procédés afin de libérer sa peinture des carcans de l'art traditionnel.
Sa première prise de position radicale en vue d'atteindre cet objectif est l'abstraction. Car le plus frappant dans cette exposition est sans nul doute la répétition obsessionnelle de cette forme si particulière, qui ne représente rien mais qui recouvre toutes sortes de supports. Un système que l'artiste semble convertir et démultiplier à l'infini, au gré du hasard et de son imagination. Cette « forme » en tant que telle, associée à une palette colorée franche, n'est pas sans évoquer Henri Matisse. Un artiste auquel Claude Viallat rend d'ailleurs hommage avec l’œuvre Fenêtre à Tahiti, où les coutures du support (un store à franges) et la disposition des couleurs, créent une véritable composition, malgré un aspect plat et répétitif au premier abord.
Claude Viallat, Fenêtre à Tahiti, 1976, Colorants mordants et acrylique sur store à
franges, 207 x 170 cm, Centre Pompidou, Paris, Musée national d’art moderne/
Centre de création industrielle, Achat en 1983 © Centre Pompidou, MNAM-CCI,
Dist. RMN-Grand Palais / Droits réservés © ADAGP, Paris 2014
Cette forme, qui envahit tous les espaces de l'exposition, est également le résultat des expérimentations picturales de l'artiste, en particulier de la technique du tamponnage, que l'on retrouve dans cette répétition d'un même motif pour remplir une surface. Claude Viallat témoigne d'un intérêt marqué pour ce rapport entre pigment et surface, pour l'imprégnation, l'absorbement de la couleur par la fibre. Ainsi, on découvre également le long de notre parcours des cordes qui ont été « trempées » dans des pigments de toutes sortes et même des toiles qui ont été brûlées et dont les stigmates des flammes constituent les motifs.
Nous arrivons au dernier point déterminant de cette exposition : l'importance du support. Par sa matérialité, ses couleurs d'origine, ses imperfections, le support ne reçoit pas simplement la peinture, il compose avec elle. Pour Claude Viallat, tout semble prétexte à la peinture. Les textiles tout d'abord : les toiles sans châssis, dont les plis à intervalles réguliers renforcent l'aspect de répétition du motif, les bâches imposantes, dont l'épaisse matière fait corps avec celle de la peinture, ou bien les tissus fins, qui virevoltent dans l'espace d'exposition, et qui permettent de jouer sur les transparences. Les « objets » ensuite : la corde, la pierre, le fameux cannage de chaise, les couvercles de pots de peinture. Tout cela traduit un attrait pour le vernaculaire, le quotidien, toujours dans cette perspective de désacralisation, de libération de la peinture. Car la peinture, loin d'être contrainte, joue, s'adapte à ces formats et matériaux particuliers dans un dialogue fécond.
Claude Viallat, Sans titre, 2014, Acrylique sur tissu imprimé, BD, 140 × 122 cm,
Atelier de l’artiste © Pierre Schwartz © ADAGP, Paris 2014
Si l'on peut craindre une certaine monotonie avant de visiter cette vaste exposition consacrée à un artiste qui utilise toujours le même système, c'est sans compter sur l'étendue et la diversité des techniques et supports utilisés par Viallat, plus inattendus et improbables les uns et que les autres, qui permettent une exposition dynamique, parfois presque ludique et qui attire véritablement la curiosité.
Ophélie.
infos pratiques :
"Viallat - une rétrspective" du 28 juin au 02 novembre 2014
Musée Fabre Montpellier agglomération
Du mardi au dimanche de 10h à 18h. Fermé le lundi.
Plein tarif : 9€ - Pass' agglo : 8€ - Tarif réduit : 7€ - Billet famille : 18€