C’était lors d’une manifestation spontanée…
Où on a du mal à distinguer les bons, des mauvais
J’ai entendu des hommes crier « Mort aux rats » !
Crier comme un seul homme : Mort aux rats
Crier d’une seule voix : Mort aux rats
Sans aucune distinction de race ou de classe.
Sous l’effet de la masse : ils criaient tous : mort aux rats
Leur haine atteignait presque le septième ciel
Leur volonté d’extermination était réelle, bien réelle
Sous leurs pieds, c’est la terre qui tremblait…
Imaginez des milliers et des milliers d’hommes
Exprimer en même temps une seule et même volonté
Leur volonté de néant
Pour des sous-êtres soit disant
En hurlant : mort aux rats ! Mort aux rats !
En transe et sur un pas de danse
On aurait dit : la fin d’un monde…
pour quelque chose d’immonde
La fin de l’infini…
La haine devint aussitôt souveraine
Une peine qui fait de la peine : mort aux rats
Le désir d’extinction faisait vibrer toutes les voix
Mort aux rats… mort aux rats
C’est le vœu, c’est la voix… mort aux rats
Cassez la voix… il y avait de quoi… tout casser
La loi du nombre qu’est-ce que c’est sinon la Loi
Le nombre sans nombre qui s’enfonce petit à petit dans la pénombre
Mort aux rats… le cri s’intensifia
Celui de la mauvaise Foi
La Foi de ceux qui n’ont pas la Foi : mort aux rats
Oubliant ou faisant semblant d’oublier
Qu’ils doivent tous quelque chose aux rats
Qui pourrait jurer : n’avoir jamais rien raté dans sa vie ?
Il n’y a pas de nature sans rature, ni de culture sans ratage
Aux rats, nous devons tous une part de notre art…
Qu’est-ce qu’un rat, sinon l’anagramme de tout art ?
Nous avons une dette envers eux, énorme, hors norme
C’est ce devoir qui a rendu les hommes si mornes
Déficit de l’être, que plus personne ne désire combler.
Il paraît que les hommes ne se posent que les problèmes qu’ils peuvent résoudre :
Celui des rats n’est pas soluble… il faudrait donc le dissoudre !
Mort aux rats… pour ne plus avoir de mauvais grains à moudre
Et moi qui cherchais à sauver la planète…
J’ai commencé à songer à me sauver de la planète !
et en cherchant à sauver ma tête… j’ai fini par devenir comme eux… simples sans tête.
Même si je n’ai pas poussé une seule fois dans ma vie, le même cri : Mort aux rats !
Je ne voulais plus ressembler à mes semblables.
Je les subis même si je les fuis… parce que j’en fais partie… Partie d’un monde qui crie : mort aux rats !
Pour ne pas devenir complice de cette ignoble anomalie…
Je me suis identifiée aux rats… en l’exprimant dans une formule négative et définitive :
« L’homme n’est qu’un rat pour l’homme »…