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Les balbutiements chroniques de Sophie Torris…

Publié le 08 octobre 2014 par Chatquilouche @chatquilouche

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Au fil du temps, j’ai noué quelques précieuses amitiés féminines, de ces liaisons qui, de fil en aiguille, se sont tricotées serrées et pour lesquelles j’ai la métaphore qui file d’elle-même. Il n’est lien qui vaille cet écheveau de fil d’Arianes et leurs fibres complices.

Si nos Arianes se comptent généralement sur les doigts de la main, c’est bien parce que les vraies amitiés sont tissées de fil de soi. En effet, peu peuvent prétendre me connaître mieux que moi-même. Cependant, mes amies et moi sommes de la même familiarité et unies par les liens du sens. Sans cela, comment pourraient-elles me démêler et ainsi me rappeler si souvent qui je suis vraiment. N’est-il pas là, le fil conducteur de l’amitié ?

Laissez-moi donc, le Chat, rendre hommage, aujourd’hui, à mes amies, mon sac de nœuds. Parce que ça leur arrive aussi de perdre le fil. On se reprise d’ailleurs souvent, le temps d’une fin de semaine, en s’inventant des histoires cousues de fil blanc. Mais pas seulement.

Ces quelques jours ensemble filent à 100 nœuds. Ça passe toujours trop vite. On commence par se délier la langue sur des qu’en-dira-t-on. On clabaude, on cancane, on potine, on ragote, car les commérages sont bien la preuve qu’on s’intéresse aux autres. La vie de nos semblables nous donne donc du fil à retordre et dans l’enthousiasme, on roule nos délibérations en double file ou en boucles, c’est selon.

Et puis, au fil des discussions, se mettent à défiler nos propres paysages, la géographie de nos humeurs toujours vagabondes. Là, dans le secret de nos huis clos, s’entrelacent nos vies suspendues, ne tenant plus qu’à un fil. Celui de la conversation. Et nous voilà, funambules sur le fil de nos confidences à chercher ensemble l’équilibre. Entre rires toujours et larmes parfois, oser être libres et franches parce que l’intensité de l’amitié dépend souvent de ce que nous voulons bien révéler de nous. On applaudit nos acrobaties, on démystifie nos faux pas, on panse hier et on pense demain. On parle des heures et pourtant on comprend en un clin d’œil ce qu’on ressent et s’il nous arrive de filer du mauvais coton, on s’arrange pour y tresser du ruban pour que l’avenir prenne du galon.

Mais surtout, on desserre les nœuds de nos gorges cravatées par la routine et on se chatouille les cordes vocales. Ces retrouvailles ont indéniablement une dimension très ludique. On joue à se peindre, à sauter dans les flaques d’eau, à dire des gros mots et entre cul et pets, on se déguise et on danse. On laisse libre cours à cet imaginaire enfantin en rêvant d’avoir plus d’un cordon ombilical à son arc. Redevenir petites filles, même celles qu’on n’a pas pris le temps d’être et désirer vivre ainsi l’insouciance jusqu’à nos très vieilles années, irresponsables et frondeuses, sautant parfois à l’élastique du rebord de nos zones de confort parce qu’il fait bon attacher encore nos tuques !

Si l’union féminine fait la folie, fait-elle la force chez l’homme ? Qu’en est-il des amitiés viriles ? Les hommes se baladent-ils avec autant d’aisance sur la corde raide de leurs sentiments, sur le fil du rasoir de leurs émotions ? Enfin, s’épanchent-ils entre eux avant de trancher leurs nœuds gordiens ? Il me semble que leur amitié, quand elle ne tourne pas autour de leurs activités, se construit, plus cérébrale, au fil d’idées et d’évènements et que nous, les femmes, sommes plus intuitives, plus spontanées. Quand les femmes sont liées, les hommes me semblent plutôt juxtaposés. Mais, vous me direz peut-être, le Chat, à juste titre, que c’est un cliché sexiste.

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On pourrait aussi se pencher sur l’amitié fille-garçon et analyser cette forme d’intimité que ne brode apparemment aucun fils de séduction. Mais à moins de ligaturer nos pulsions, ne sommes-nous pas faits pour ensemble joindre les deux bouts ? Ces fils ne sont-ils pas retors et ces liaisons dangereuses ?

Et puis, de toutes les façons, il paraît que seuls les bons moments entre filles aident à produire plus de sérotonine, ce neurotransmetteur qui engendre une sensation de bien-être. Je viens d’en faire le plein et je peux vous assurer, mon Chat, que le cœur cousu d’affection réciproque, I feel good !

Et puis, à force de dérouler le même fil du temps, figurez-vous que mes Arianes finissent curieusement par me ressembler. C’est aujourd’hui, un lien presque gémellaire qui nous réunit. On nous prend de plus en plus pour des sœurs.

J’ai choisi mes amies et elles m’ont choisie sans qu’aucune d’entre nous n’ait la sensation d’avoir un fil à la patte. Entre attirance et besoin d’indépendance. C’est pour cela que je crois en ces amies pour toujours. Elles sont mes suppléments dames.

Sophie

  Notice biographique

Chat Qui Louche maykan maykan2 alain gagnon
Sophie Torris est d’origine française, Québécoise d’adoption depuis dix-sept  ans. Elle vit à Chicoutimi, y enseigne le théâtre dans les écoles et l’enseignement des arts à l’université. Elle écrit essentiellement du théâtre scolaire et mène actuellement des recherches doctorales sur l’impact de la voix de l’enfant acteur dans des productions visant à conscientiser l’adulte. Elle partage également une correspondance épistolaire avec l’écrivain Jean-François Caron sur le blogue In absentia. (http://lescorrespondants.wordpress.com)

(Une invitation à visiter le jumeau du Chat Qui Louche :https://maykan2.wordpress.com/)


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