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la vengeance d'une femme

Publié le 13 octobre 2014 par Dubruel

d'après LA CONFIDENCE de Maupassant

La petite baronne de La Grangerie

Sommeillait sur son lit,

Quand la marquise de Rédan

Entra dans sa chambre brusquement,

L’air agité,

Le corsage fripé,

Le chapeau un peu tourné

Et lui annonça : -« Ouf ! C’est fait ! »

La baronne s’était redressée :

-« Quoi ? Qu’est-ce que tu as fait ? »

-« Jure-moi, chérie, de ne jamais répéter

Ce que je vais t’avouer. »

-« Je te le jure. » –« Sur ton salut éternel ? »

-« Sur mon salut éternel »

-« Eh bien ! Je viens de me venger. »

-« Oh ! Que tu as bien fait ! »

-« Figure-toi

Que mon mari était devenu depuis six mois,

Encore plus insupportable

Qu’autrefois.

Quand j’ai épousé Simon, je savais

Qu’il était laid

Mais je le croyais bon. Je m’étais trompée.

Il s’était imaginé que je l’aimais.

Mais quand il a compris que je n’avais

Pour lui que de l’amitié,

Il est devenu soupçonneux.

Il restait pourtant amoureux…

Et me le prouvait souvent !

Beaucoup trop souvent !

En voilà un supplice que d’être aimée

Par un homme vilain, répugnant,

Et ridicule. Vraiment,

Je n’en pouvais plus :

Son gros ventre, ses mollets velus !

Me donnaient des nausées,

De pénibles et longues nausées…

Il devrait y avoir une loi

Pour nous protéger

Des hommes

Quand nous sommes

Dans ces situations-là.

Ce n’est pas que j’avais rêvé

D’amours poétiques. Non, jamais.

Les hommes sont banquiers

…Ou bien palefreniers.

Ils n’aiment que l’argent ou les chevaux.

Ils achètent leurs femmes et les montent

À la façon de leurs chevaux.

Quelle honte !

Imagine, chère amie,

Cette vilaine impression :

Voir entrer mon mari

Dans mon boudoir en caleçon !

J’ai employé tous les moyens,

Tu entends bien,

Tous les moyens, pour l’éloigner

Et pour le dégoûter. Sans succès.

Il s’est imaginé

Que je le trompais.

Il devint jaloux.

Dans les premiers temps, il s’est contenté

De me faire surveiller.

Ensuite, il me suivait lui-même partout.

Aux bals, il m’interdisait de danser.

Il m’a fait passer pour une je ne sais quoi.

Et dans l’intimité, figure-toi

Que ce misérable me traitait

…De catin, de rouée !

Un soir, il m’a demandé :

-’’ Avec qui as-tu couché dans la journée ? ’’

J’en ai pleuré.

Lui, sarcastique, riait !

L’autre semaine, il m’a emmenée dîner

Aux Champs-Élysées.

Le hasard voulut que le marquis d’Armine

Déjeunait à une table voisine.

Voilà que Simon m’écrase les pieds

Et grogne : -’’ Tu lui as donné

Rendez-vous ici, sale coquette.’’

Et avec sa fourchette,

Il m’a piqué le bras.

À ce moment-là,

Je me suis dit : ’’ je vais me venger,

Et sans tarder.’’

-« Quoi,… tu l’as… »

-« Oui, ma chére. Mais surtout ne le répète pas. »

-« Raconte-moi

Comment tu as fait ça…raconte-moi…

C’est si drôle ! » -« Je me suis dit…

Allons…, vite…, il faut que ce soit aujourd’hui.

Et ensuite, j’ai demandé à mon mari

De venir me chercher chez toi, ici.

Afin que, de visu,

Tu admires une tête de cocu. »

-« Oh ! Et comment as-tu fait ?…»

-« J’ai pensé :

Il est jaloux d’Armine.

Eh bien ! Ce sera d’Armine.

Alors, après le déjeuner,

J’ai été chez lui. »

-« Tu as été chez lui ?

Sous quel prétexte ? »

-« Pour les orphelins… une quête.

En me voyant, il était si étonné

Qu’il ne pouvait plus parler.

Il m’a donné deux louis.

Je lui ai dit merci

Et comme je me levai pour m’en aller,

Il m’a demandé

Des nouvelles de mon mari.

Je lui ai raconté

Tout ce que j’avais

Sur le cœur.

J’ai fait mon mari encore plus noir qu’il n’est.

D’Armine s’est ému. Il voulait m’aider.

Moi, j’ai versé des pleurs.

Il m’a consolé,

M’a fait asseoir, m’a embrassé…

Moi, je soupirais : -« Oh ! Mon pauvre ami…

Mon pauvre ami…! »

Et lui répétait : -’’ Ma pauvre amie,

Ma pauvre amie.’’

Et il m’embrassait toujours…

Toujours…

Jusqu’au bout. Voilà…»

Un coup de timbre arrêta

La marquise dans sa narration

Et elle murmura : -« C’est sûrement Simon.

Regarde bien sa tête en entrant ! »

-« Oh ! Comme ça va être amusant ! »


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