Le narrateur a seize ans et est en première ES. C'est un élève lambda, réservé, sans histoire. Un rêveur qui passe son temps à observer, contempler le monde. Et son monde, justement, change radicalement le jour où le proviseur décide de mettre un terme au laisser-aller ambiant. Pour lui, avant d'être un lieu de vie, le lycée doit être un lieu de travail. La reprise en main se fait à coup de mesures de rétorsions inédites : tenue impeccable exigée, plus personne d'assis dans les couloirs, interdiction aux amoureux de « se frotter », etc. De la discipline et de l'autorité avant toute autre considération. Effaré par le manque de réaction de ses camarades, l'adolescent va s'insurger à sa façon. Caméra au poing, il va filmer les petits riens du quotidien pour montrer que le lycée, c'est aussi et surtout la vie.
Jean-Philippe Blondel est prof d'anglais, il connaît parfaitement les rouages de l'administration scolaire. Il sait que, d'un établissement à l'autre, le personnel de direction peut imposer sa patte de manière plus ou moins intelligente. Et s'il prend soin de préciser à la fin de son texte que « ceci est une œuvre de fiction, toute ressemblance avec des personnes existantes ou ayant existé serait purement fortuite », son histoire sent le vécu à plein nez.
« Un endroit pour vivre » n'est pas une ode au laxisme post soixante-huitarde.C'est plus fin. Avec sa caméra, son personnage capte une humanité en mouvement. L'amour bien sûr, mais aussi l'amitié, le dialogue permanent entre enseignants et élèves, la souffrance, la violence, la haine, la solidarité ou le courage. La vie dans toute sa diversité, encore et toujours. L'acte militant est ici relaté dans un long monologue, d'une seule voix. A l'image de cette collection dont je ne cesse avec ma complice Noukette de vous vanter les mérites depuis plusieurs mois.
Un endroit pour vivre de Jean-Philippe Blondel. Actes sud Junior, 2014 (première édition en 2007). 64 pages. 9,00 euros.