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Chronique des idées et des livres, par Frédéric Gagnon…

Publié le 15 octobre 2014 par Chatquilouche @chatquilouche

   Ça fait trois fois que je lis Le chien de Dieu et je suis toujours aussi enthousiaste. Il s’agit d’un ouvragechat qui louche maykan alain gagnon francophonie mené de main de maître dans lequel l’auteur exprime librement ses idées.

   Il faut d’abord parler du style de Gagnon et de sa poétique puisqu’il s’est d’abord et avant tout fait connaître par ses fictions. Ce livre est fort bien écrit ; on reconnaît ici l’écrivain qui s’est formé au contact d’auteurs aussi exigeants que Maupassant et Hemingway. Il y a d’ailleurs des expressions que j’ai soulignées tellement je les trouvais belles, dont celle-ci : « le rut des vagues ». Il y a également de très beaux passages que devrait méditer tout écrivain et, a fortiori, tout écrivain en devenir. Ainsi, la description du manoir seigneurial de Saint-Roch-des-Aulnaies (p. 234-235) est un modèle du genre. En outre, les propos que tient Alain Gagnon sur la littérature et plus spécialement la poésie sont révélateurs d’une sensibilité et d’une pensée qui détermine l’évolution de son œuvre. Gagnon fuit comme la peste tout ce qui ressemble à de la sensiblerie. À la page 416, il explique très bien ce qu’il entend faire en poésie : « Surprendre la conscience dans son acte de perception… » Et un peu plus loin, à la page suivante, il ajoute ce qui suit : « Ce que je recherche, c’est la tangente entre ma conscience et le monde ; là où l’on s’émerveille du geste même de percevoir – non pas la recherche de ce qui est perçu, mais la recherche de « ce qui perçoit ». »

   Gagnon, par ailleurs, se débrouille très bien dans le monde des idées. Ses carnets sont le fruit de longues réflexions nourries d’auteurs illustres et de première importance (Marc-Aurèle, Hegel, Nietzsche, Teilhard, Bernanos, Popper, etc.). Plusieurs de ses affirmations trouvèrent chez moi un acquiescement enthousiaste, dont ces pensées sur le suicide que vous retrouverez à la page 355 : « De ceux qu’on exhorte à refuser le suicide, mon regard se tourne vers tous ceux, travailleurs sociaux ou parents, qui tentent de les dissuader. Qu’ont-ils de si enthousiasmant à proposer ? La pensée laïque et postmoderne ennuie mortellement, dès les premières explications. Ce qui pourrait enthousiasmer dans l’existence – les valeurs spirituelles, le sacré, le transcendant… – notre génération l’a saccagé, tourné en dérision ou a honte d’en parler. Reste notre avachissement d’hommes roses, reste ce monde criard, hédoniste et cyniquement cruel qu’illustrent à merveille Loft Story et la toute-puissante Loto. » (Ici j’ai envie de dire : Bravo !) Je dois ajouter que l’auteur a le courage d’éviter le confort intellectuel : il ne choisit pas son camp quand tous les camps semblent déshumanisants. S’il tape fort sur un hyperlibéralisme qui voudrait tout réduire à l’état de marchandise, il se montre également très critique envers les tendances étatistes de la gauche. En fait, Alain Gagnon ne semble avoir qu’un parti, celui de ces auteurs qui défendent des valeurs spirituelles vers lesquelles il faut toujours revenir. Gagnon ne craint pas de se dire croyant et il ose, chose rare dans une époque de spécialistes obtus, s’adonner à la spéculation métaphysique.

 Frédéric Gagnon

Alain Gagnon, Le chien de Dieu : carnets 2000-2004, Montréal, Éditions du CRAM, 2009.

Notice biographique

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Frédéric Gagnon a vécu dans plusieurs villes canadiennes, dont Montréal, Kingston et Chicoutimi.  Il habite aujourd’hui Québec.  Il a étudié, entre autres, la philosophie et la littérature.  À ce jour, il a publié trois ouvrages, dont Nirvana Blues, paru, à l’automne 2009, aux Éditions de la Grenouille Bleue.  Lire et écrire sont ses activités préférées, mais il apprécie également la bonne compagnie et la bonne musique.

(Une invitation à visiter le jumeau du Chat Qui Louche : https ://maykan2.wordpress.com/)


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