Magazine Culture

Histoire: John Bonhomme et le Temps retrouvé, troisième chapitre

Publié le 23 mai 2008 par Ariane_

Le cheval de Peter avance, le champ et les lapins rangés dans une petite malle en osier. Inutile d’insister sur la provenance de ladite malle, achetée chez Merlin et Cie.
Johanna, assise sur le couvercle de l’objet en question, regarde le paysage défiler.
- C’est donc ça, Hawaï, dit-elle en regardant avec acuité les torses bronzés, les cheveux crépus, et quelquefois les visages taquins des enfants.

« Quelle chance ils ont, pense-t-elle intérieurement. Une belle peau, bien dorée, un corps équilibré, proportionné. »
Johanna s’ausculte alors : il y a ses cheveux blonds, ses yeux bleus, quelques taches de rousseur qui, depuis quelques jours, apparaissent ça et là, tout à fait à l’inverse du cours des choses. Mais là n’est pas le plus terrible. C’est sans doute la peau blanche, pale, cadavérique, qui remporterait tous les suffrages de la laideur.
Pourtant, quand Johanna observe les conséquences de son entrée dans la ville, un constat prodigieusement joyeux s’offre à elle : on la regarde, on ouvre grand les yeux. « Je suis belle, pense Johanna, et ces gens l’ont compris. Moi qui pensais que j’étais affreuse, j’étais bien bête de me comparer à eux, puisqu’ils m’observent avec des yeux émerveillés. Qu’elle est rare, c’est ce qu’ils doivent se dire. »
A cet instant, un jeune homme d’une exquise beauté s’adresse à elle.
- Mademoiselle, balbutie-t-il en rougissant.
- Oui ? demande Johanna du haut de sa malle.
« Il va me dire qu’il m’aime, et que je suis bien belle », se félicite Johanna tout en opérant un splendide jeté de tête de façon à chasser une mèche de cheveux trop conquérante.
Peter, amusé de la situation, écoute. Il n’est pas le seul : un cercle d’une centaine de personnes s’est formé autour du trône de Johanna et du jeune homme à peine au niveau des genoux de notre héroïne.
- Je peux vous rendre heureuse, continue le jeune homme.
Dans la foule, chacun y va de sa propre hypothèse : chaussures cirées gratuitement, robe lavée pour presque rien, mariage, hospitalité pour la nuit en échange de la selle, etc.
- Mademoiselle… murmure-t-il, si bien que le cercle d’oreilles se rapproche. Mademoiselle, je peux vous mener à John votre père. Peter exulte à cet instant de joie. Johanna, quant à elle, a comme l’impression qu’elle vient de choir de son trône, que sa beauté l’a quittée pour une autre, ou encore qu’une sombre malédiction la poursuit depuis que son père l’a enlevée, lui, ce père qui a plus de succès qu’elle, et elle, qu’on vient chercher pour son père, et jamais pour elle-même.
- Bravo mon gars, dit Peter, il y a donc bien ici un bel homme blond avec une étrange jument. John ? Serait-ce son nom ?
Le garçon hoche la tête, avant de continuer.
- C’est l’ami de mon père Siméon. Ils sont en ce moment sur la plage, et comme c’est souvent le cas, John raconte ses rêves à mon père. Nous pouvons les rejoindre de suite, je connais le chemin par cœur, et à cheval c’est très rapide.
Johanna, vexée jusqu’au bout des ongles des doigts de pied, n’a pas laissée, sur sa malle de fortune, la moindre place au jeune homme. Pourtant, sa beauté, la sauvagerie exotique du paysage adoucissent son cœur, sans qu’elle puisse s’en protéger. Arrivée à la plage, Johanna se sent autre, elle se sent presque sœur, bonne sœur, prête à tout donner au premier venu, prête à prier cinq jours entiers, prête à sauter en parachute dans trois minutes, prête à reconnaître son père.
- Le voilà, le voilà ! exulte le jeune Timéon.
Johanna, en effet, voit un homme s’approcher. Il est grand, beau, souriant. Johanna est conquise, mais elle dit pourtant :
- Il y a erreur, ce n’est pas mon père.


Retour à La Une de Logo Paperblog

A propos de l’auteur


Ariane_ 33 partages Voir son profil
Voir son blog

l'auteur n'a pas encore renseigné son compte l'auteur n'a pas encore renseigné son compte

Magazine