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Puck off : en quoi les joueurs nord-américains sont-ils utiles à la ligue Magnus ? Second volet.

Publié le 16 octobre 2014 par Guillemette
Cette saison, ils représentent près de 30 % des joueurs de la ligue Magnus. Depuis l'abolition par la fédération du quota d'extra-communautaires, 69 Canadiens et/ou dotés d'un double passeport et 12 Américains sont arrivés en France. Quel est leur réel apport ? Quel bénéfice le championnat peut-il tirer de leur présence ?


En quoi sont-ils plus intéressants que leurs homologues issus de Scandinavie ou des pays de l'Est, où se trouvent d'autres grandes nations du hockey ? Ce sont les questions que GlaceNews a posées à l'unique entraîneur finlandais de la Magnus, Jarmo Tolvanen (Dijon) (voir article Puck off du 9 octobre), et, dans ce second volet de l'enquête, à l'agent de joueurs Stéphane Baills et à Eric Ropert, directeur général de la fédération française de hockey sur glace

Puck off : en quoi les joueurs nord-américains sont-ils utiles à la ligue Magnus ? Second volet.

L'attaquant canadien Joël Champagne, 2e meilleur pointeur d'Amiens


Quelques chiffres 2014/2015 :
- 307 joueurs évoluent en ligue Magnus
- 60,2 % sont Français
- 26,3 % d'entre eux proviennent d'Amérique du Nord
- 9,4 % viennent des pays de l'Est : Slovénie (11), Slovaquie (10), République tchèque (6), Hongrie (1), Russie (1)
- 3,20 % sont de Scandinavie : Suède (7), Finlande (3)
- 0,9 % sont du Benelux : Belgique (2), Pays-Bas (1)
Les trois premiers de ligue Magnus figurent parmi les clubs qui possèdent le moins de joueurs nord-américains : en tête Strasbourg avec 5 nationalités différentes dans le vestiaire et 5 Nord-Américains sur 9 étrangers ; Chamonix 2e avec 4 nationalités différentes et 5 Canadiens sur 7 étrangers ; Epinal 3e avec 5 nationalités différentes et un seul Canadien sur 8 étrangers.
Les clubs ayant le plus de Nord-Américains pointent à la 9e place tel Angers (8 Canadiens sur 10 étrangers), à la 5e place tel Amiens (9 sur 11 étrangers), à la 12e place tel Rouen (9 Canadiens et/ou double passeport sur 9 étrangers) et à la 8e place, tel Grenoble (8 Canadiens pour 11 étrangers). A la 4e place, l'on retrouve Dijon qui compte 14 Français et seulement 6 étrangers, dont 4 Canadiens et 2 Finlandais.
A la question de l'intérêt de privilégier un joueur nord-américain au lieu d'un provenant d'une autre nationalité, Rodolphe Garnier de Rouen a mis en avant le fait que les Scandinaves étaient trop formatés et avaient du mal à se fondre dans un système de jeu donné. A Grenoble, la présidente Stéphanie Carrel-Magnan a évoqué un rapport qualité/prix intéressant.
Il y a aussi le réseau, bien entendu, en fonction de la nationalité ou des dirigeants des clubs. Rouen est connu pour ses affinités canadiennes de part les origines de son manager général, Guy Fournier. L'entraîneur de Grenoble, Richard Martel, tout comme Barry Smith, à Amiens, viennent d'Amérique du Nord. Est-ce pour autant que Jarmo Tolvanen, à Dijon, a privilégié les Finlandais, que Daniel Bourdages, Canadien, a laissé davantage de place à ses compatriotes à Strasbourg, que Philippe Bozon ou son prédécesseur a viré les 4 Slovènes, les 2 Slovaques et le Tchèque de l'effectif ? Non.
Tous ces arguments ont totalement été balayés récemment dans la presse helvétique par les entraîneurs de LNA, ligue Elite suisse, qui suivent le chemin complètement inverse de celui emprunté par les clubs français. Selon eux, les joueurs scandinaves ont une mentalité et une attitude irréprochables, s'adaptent le mieux à un groupe et à un jeu basé sur le travail d'équipe. Et de plus, sont attractifs financièrement à cause de la crise économique que connaissent de plus en plus de clubs suédois et finlandais...
  • Stéphane Baills, agent de joueurs, de l'agence AS+Hockey Network (Grenoble/Meylan)
Qu’est-ce que le fait d’avoir ouvert la ligue Magnus aux joueurs nord-américains a changé par rapport aux joueurs français ?
Stéphane Baills
: ce n’est pas le fait qu’ils viennent d’Amérique du Nord qui change quelque chose. Que tu aies 11 Finlandais ou 11 Canadiens dans une même équipe, ça revient au même. Ce que ça induit, c’est qu’il peut y avoir moins de melting-pot car moins de nations différentes. Je pense qu’avoir des joueurs de différentes nations qui viennent chacun avec leur propre expérience apporte aux joueurs français une plus grande ouverture. Ce qui change, c’est la notion de compétitivité au sens de la concurrence. Jusqu’alors, les joueurs français étaient relativement protégés. Aujourd’hui, ce n’est plus le cas, ils sont soumis de plus en plus à cette concurrence et ça risque de le devenir de plus en plus dans les ligues Elite.
Tout le monde est désormais logé à la même enseigne et est confronté à la réalité du sport de haut niveau. Cela va obliger les joueurs français à professionnaliser leurs démarches. Certains sont dans cette démarche de haut niveau, mais à ces joueurs-là, il faut leur donner de la perspective, leur laisser de la place pour leur ambition. Certains coaches ont cette philosophie. Les jeunes Nord-Américains sont moins chers que les Européens. Ce n’est pas la nationalité qui m’importe. Ce qui m’importe en tant qu’agent c’est que les joueurs répondent au profil de recrutement, à l’état d’esprit recherché par les clubs.
On voit que les étrangers qu’on va chercher sont jeunes, certains sortent du circuit universitaire. Pourquoi ne pas faire confiance plutôt à de jeunes Français ?
Stéphane Baills
: parce qu’ils sont plus professionnels, parce qu’on a besoin de rendement, de productivité immédiate. Parce qu’on ne produit pas en France suffisamment de joueurs de bon niveau. On a réduit le nombre de matches en U18 et en U22. La concurrence vient par le nombre, donc par la hausse du nombre de licenciés. En France, on est sur le quantitatif. S’il n’y a pas suffisamment de joueurs, tout le monde joue, bon ou mauvais. Quand tu poses aux joueurs la question sur les objectifs qu’ils veulent se fixer, rares sont ceux qui ont une réponse précise. Pour qu’ils aient l’objectif de jouer au plus haut niveau, il faut une « carotte ».
Quelles perspectives offrir aux jeunes Français quand on constate que la plupart sont là pour leur licence et ne font que boucher les trous sur une 4e ligne qui ne joue quasiment jamais ?
 

Stéphane Baills : la « carotte », c’est leur donner une perspective de temps de jeu qui les pousse à bosser, qui les motive, qui leur donne de l’ambition ! Il faut qu’il y ait un suivi sérieux de ces jeunes joueurs de la part des coaches, des encadrants, qu’il y ait des échanges entre tout ce petit monde. A quoi ça sert de donner 2 000 euros à un étranger qui ne restera qu’une saison ? Trop de clubs ne cherchent encore qu’une licence à travers les Français.
Qu’est-ce que peuvent apporter ces joueurs étrangers aux joueurs français ?
Stéphane Baills
: des choses positives comme jouer à un bon niveau, adopter de bonnes habitudes en termes d’hygiène de vie. Ces joueurs peuvent être des modèles. Tu veux jouer à sa place ? Tu bosses encore plus dur à l’entraînement, en hors glace. Tu apprendras qu’il y a un temps pour s’amuser et qu’on ne peut pas faire n’importe quoi n’importe quand on veut atteindre le haut niveau. Avoir des exemples c’est stimulant ! La question du nombre de joueurs étrangers, quelle que soit leur nationalité, finalement, est secondaire. La question est de savoir quel avenir l’on construit au hockey français. Il faut mieux protéger les jeunes en créant comme en Suède ou en Finlande, deux pays qui possèdent un vivier fertile, une vraie filière de haut niveau dès les juniors Elite ! C’est tellement plus simple de recruter à l’étranger que de se battre pour les joueurs français…
  • Eric Ropert, directeur général de la fédération de hockey sur glace
Pourquoi avoir supprimé le quota de joueurs extra-communautaires en ligue Magnus ?
Eric Ropert
: dans les années 1980, les clubs n'avaient droit qu'à un seul joueur étranger, d'où la grande vague de naturalisation de joueurs canadiens qui s'est produite à cette époque-là. Dès l'arrêt Bosman (cette jurisprudence datant du 15 décembre 1995 met fin à l'exception sportive et autorise la mobilité internationale des joueurs de football à travers l'Europe), l'on ne parle plus de joueurs étrangers, mais de joueurs extra-communautaires. Nous voulions offrir aux clubs un panel de recrutement plus large tout en protégeant les joueurs français et en particulier les gardiens de but. Désormais, les clubs ont l'obligation d'avoir un des deux gardiens de nationalité française. Ils n'ont plus le droit de prendre un joker médical à ce poste sauf si l'absence médicale est égale ou supérieure à 90 jours. Après le 15 décembre, date limite des transferts, il n'y aura pas de joker médical possible pour remplacer un gardien. Ce qui oblige les clubs aujourd'hui à s'occuper de la formation des jeunes gardiens tricolores.
C'est bien d'avoir des Français formés localement dans une équipe, mais à quoi servent-ils et comment peuvent-ils progresser si, comme trop souvent encore, ils ont soit peu de temps de jeu, soit ils sont relégués sur la 4e ligne ?
Eric Ropert
: les clubs qui se comportent ainsi sont dans l'erreur. Quand on regarde sur les 3/4 dernières saisons, tous les clubs qui ont remporté des titres ont beaucoup tourné à 4 blocs, même s'ils ne l'ont pas fait à tous les matches. Il va falloir que les clubs s'habituent à le faire car quand la ligue Magnus passera de 14 à 12 équipes à la saison 2016/2017, la fréquence des matches sera telle qu'ils ne pourront pas tenir en faisant jouer uniquement 3 lignes. Ils ne pourront pas faire autrement car ce sera physiquement impossible. Maintenant, il va falloir également que les jeunes Français haussent leur niveau de jeu pour gagner leur place.
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