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Gone Girl: quand David Fincher va (presque) au delà des Apparences

Par Filou49 @blog_bazart
17 octobre 2014

 ben-again-gone-girl-review-batfleck-david-fincher-epicFaut- il voir au cinéma les adaptations littéraires qu'on a lu il n'y a pas très longtemps ou bien doit on plutôt rester avec l'image du roman en tête, surtout lorsqu'on a beaucoup aimé ce dernier ? Cette sempiternelle question, qui vaut pour tous les genres littéraires, présente encore plus d'acuité lorsque les livres en question sont des thrillers qui jouent énormément sur la surprise et les intrigues à rebondissements.

Et si en général, j'aurais tendance à répondre  par la négative à cette question ( on ne peut pas tout voir au cinoche, et autant privilégier les histoires dont on ignore tout ou presque), il existe des cinéastes pour lesquels il faut quand même faire des exceptions et lorsque j'ai su, quelques jours à peine après avoir lu les Apparences de Gilian Flynn, qu'une adaptation ciné était en train de se faire avec Fincher aux manettes je me suis dit que j'irais quand même la voir par curiosité, et c'est ce que j'ai fait le lendemain de sa sortie en salles, le 8 octobre dernier.

Rosamund Pike

"Les apparences" est un thriller que j'avais lu avec un plaisir constant, tant  j'avais apprécié le  talent de l'auteur à mener son intrigue de main de maitre, un scénario machiavélique tout en n'omettant jamais d'approfondir la psychologie de ses personnages.   Le vrai atout du polar de Gilian Flynn, c'est qu'il  va beaucoup plus loin qu'un simple -et habile- suspens policier.  L'auteur décortique notamment avec une vraie pertinence l'idée qu'on a tendance à se faire d'une histoire d'amour, selon le principe pas bête du tout, qui fait qu'on aime plus souvent l'idée qu'on se fait d'une personne, plus que la personne elle-même. Les masques tombent à plusieurs reprises et nous sommes surpris de nous retrouver aussi souvent familiers de telle attitude, tel comportement. 

"Les apparences" dissèque avec un regard acéré les compromissions du couple, avec une analyse au scalpel des relations conjugales, la romancière américaine nous déroule son intrigue avec un aplomb exemplaire, le tout ponctué de coups de théâtre retentissants.

Cependant, si j'avais beaucoup aimé les deux premières parties du livres( épaté notamemnt par le coup de théâtre  incroyable à la fin de la première partie de ce livre), j'avais un peu moins aimé la troisième, qui virait plus au grand guignol et à l'invraisembable.

 En voyant Gone Girl de Fincher, je dois reconnaitre qu'on a un peu la même impression, même si paradoxalement je trouve la première partie qui présente ce couple un peu plus survolée que dans le livre, et en revanche, le côté too much de la troisième partie passe mieux sous la caméra du réalisateur de Seven que sous la plume de Flynn.

Mais globalement, le film est très fidèle au livre et s'adressera bien plus sûrement à ceux qui ne l'ont pas lu et qui seront forcément épatés à la fois par les rebondissements particulièrement inattendus de l'intrigue, et par cette peinture dérangeante à la fois de l’intimité d’un couple ( que Fincher n'élude pas du tout comme on aurait pu le craindre) et une critique des institutions judiciaires et médiatiques.

Car à ce niveau là, Fincher va encore plus loin que Flynn et on se dit que ses relations avec les médias doivent être particulièrement délicates pour qu'il mette à ce point le curseur sur cet aspect là...

Il faut voir à quel point les médias sont montrés sous un angle particulièrement ingrat, ce désir de  faire de l’audimat avec des vils intentions, à savoir un gôut immodéré pour le larmoyant et le sordide,  tout en manipulant le public  en jouant sur ses émotions les plus triviales. On voit ainsi que les apparences du titre du livre ne sont pas que celles données par le couple, mais aussi celles de la société de l'image cher à Bourdieu. On pourrait trouver que la charge de Fincher manque un peu de nuance, mais elle n'en demeure pas moins plutôt pertinente, et incite durablement à la réflexion, ce qui entraine le film plus loin qu'un simple thriller de divertissement pour consommateurs de pop corns.

Gone Girl: quand David Fincher va (presque) au delà des Apparences

Mais plus que cet aspect là, ce qui permet de distinguer Gone Girl le film par rapport au roman, c'est la mise en scène de Fincher, parfaitement maitrisée et élégante, avec un rythme idéal,  qui fait passer parfaitement ses 2 heures trente sans ennui même  pour ceux qui ont lu : on frise parfois un peu la mise en scène tape à l'oeil avec quelques effets pas toujours du meilleur goût( le sucre qui vole), mais dans l'ensemble la virtuosité évidente de Fincher emporte le morceau.

Concernant le casting, je dois dire qu'il est parfaitement choisi et que, chose rare pour être souligné, les acteurs collent parfaitement à l'idée que je pouvais m'en faire en lisant le livre : Rosamund Pike, actrice que je ne connaissais pas du tout est d'une ambiguité parfaite en jeune fille moins innocente que son image première de l'épatante Amy, et  Ben Affleck, se joue parfaitement de son abord de jeune premier un peu fadasse pour présenter, comme son personnage,  bien plus de charisme et de trouble qu’on ne pourrait lui prêter au premier abord…

 On oubliera pas de citer aussi Neil Patrick Harris,  même si ( le personnage de Desi m'a semblé un peu sacrifié par rapport au livre) ,et surtout  Carrie Coon ( vu dans la série) The Leftovers, qui elle tire largement son épingle du jeu dans le rôle de Margot, la sœur de Nick.

On décernera enfin une belle mention  à la bande originale du film, sombre et glaciale, écrite par Trent Reznor et Atticus Ross, qui participe activement à la mise en place de la tension tout au long du film.

Bref, si pour moi, certainement à cause d'une trop grande fidélité à un roman que j'avais lu,  Gone Girl ne fera pas partie des films incontournables de cette année cinéma, il n'en reste pas moins un divertissement intelligent sur le fond et parfaitement maitrisé sur la forme, donc largement recommandable pour qui aime le très bon cinéma américain.

 GONE GIRL - Bande-Annonce Teaser [VOST|HD1080p]

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Parrallèlement à la sortie du film, la maison d'édition Capprici (éditeur notamment de l'excellente revue So film a eu la bonne idée de rééditer un essai sorti en 2011 "David Fincher ou l'heure numérique". Guillaume Orignac, l’auteur de cet essai ' ( qu'on trouve à moins de 8€), propose ainsi un tour des grands chantiers numériques ouverts par le metteur en scène. Une analyse brève mais complète, idéale   pour découvrir dans les grandes bases de travail d'un des cinéastes comptant parmi les plus respectés de l'industrie et les plus admirés des cinéphiles. Son obsession est toutefois restée la même : reformuler pour notre époque les obsessions et les paranoïas propres au Nouvel Hollywood des années 1970 ; montrer les puissances et les cauchemars d’un monde toujours plus livré aux forces du numérique ; être à la fois un réformateur et un pionnier. C'est donc la continuité et la nouveauté d’une œuvre que met en valeur cet essai. La nouvelle édition est augmentée d'un chapitre sur le "langage amoureux" dans la filmographie du cinéaste, notamment à partir de The Girl With the Dragon Tattoo (2011), d'après la trilogie Millenium.

   

   

   

   

   


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