Je suis en congés maladie cette semaine et c’est l’occasion pour moi de faire un peu de pédagogie. La raison, c’est que j’en ai marre des gens. Bon, c’est aussi parce que je fais une rechute depuis le mois de mai, avec des hauts et des bas. Et le bas, cette fois, c’est que j’en ai marre des gens.
Chaque personne travaillant au contact du public peut en avoir régulièrement marre des gens, surtout quand les derniers congés sont loin. Marre d’entendre la même question vingt fois par jour, marre de gérer l’agressivité des clients, patients ou autres, marre du bruit, marre de devoir être disponible plusieurs heures par jour et d’entendre sans arrêt « Madame, s’il vous plaît? ». Dans ces cas-là, les vacances font du bien et on revient avec une patience d’ange (ou presque).
Alors, quelle est la différence entre ce ras-le-bol que je connais aussi quand je vais bien, et le fait d’en avoir marre des gens quand on est schizophrène? Elle est fondamentale, même si on utilise les mêmes mots pour en parler.
En crise psychotique, ce n’est pas seulement que j’en ai marre des gens, c’est qu’être au milieu d’eux est insupportable. L’angoisse est là dès le matin, dévorante. Trop de bruit, trop de gens autour de moi et le monde se met à tourner, les mots à se mélanger, mon regard à fuir, mes mains à trembler. Je me mords en douce pour ne pas hurler. Je ne peux faire bonne figure que si je prends un anxiolytique. Je commence à me dire que les autres disent du mal de moi, que je suis un poids pour mon médecin, que si je n’arrête pas de me tordre les mains les gens vont savoir que je suis psychotique. Je peux me mettre à pleurer dans la salle d’attente du médecin parce que les gens qui parlent à la radio me rendent folle. J’ai besoin de boule Quies au cas où des enfants crieraient trop fort dans les jardins pendant que je lis sur mon lit. Oui, parce que ce n’est pas seulement un trop plein au travail, c’est un besoin de calme et de solitude permanent. Je choisis l’heure où je sortirai acheter mes cigarettes en fonction du monde qu’il y aura en rue à ce moment-là. Je ne peux pas sortir sans mon I-Pod, j’en ai besoin au cas où des gens téléphoneraient dans le train ou crieraient dans la rue. Je ne supporte le bruit que si je le choisis. Je ne me sens en sécurité que chez moi, au calme, sans personne.
Je n’ai pas juste besoin de me reposer, j’ai un besoin vital de calme et de solitude pour ne pas devenir folle.
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