#Hyperincinérateur
Paul Delègue
En Charente-Maritime, Vinci mène un projet d’incinérateur de déchets ménagers. Problème : il est inutile. Une politique volontaire de réduction des déchets permettrait aux incinérateurs actuels d’absorber les besoins. Mme Royal a exprimé son opposition, mais de volte-face politique en renoncement des maires, le projet suit son cours...
La compagnie Vinci a le projet de construire un nouvel incinérateur de déchets ménagers à Echillais, au sud de la Charente, en face de Rochefort-sur-Mer (17). Le porteur de projet est le SIL, Syndicat Intercommunautaire du littoral qui regroupe cinq Communautés d’agglomération (Royan, Marennes, Oléron, Rochefort, Gemozac).
Le projet prévoit donc la destruction des deux incinérateurs actuels, l’un situé à Oléron datant de 1975, l’autre construit en 1990, déjà à Echillais, pour construire une usine plus importante pouvant brûler 75 000 tonnes de déchets par an.
Il est aussi prévu d’associer à ce projet « multi filière » un TMB, Tri Mécano Biologique, procédé de plus en plus controversé et probablement interdit en 2016. Ce projet a été établi dans la plus grande opacité et ce n’est qu’en octobre 2013 qu’il a été dévoilé au grand jour avec la création d’une association d’opposants Pays Rochefortais Alert,qui compte, à ce jour, plus d’un millier d’adhérents.
Un incinérateur inutile
Très vite il est apparu que ce nouvel incinérateur était inutile. Le dimensionnement du projet a été fait sur une base de 356 kg de déchets ménagers par habitant et par an, à l’horizon 2023. Partout dans le monde, les politiques Zéro déchet ont démontré leur efficacité permettant de passer sous les 80 kg/hab/an.
A San Francisco, les déchets ont été réduit de 80 %. A Capannori, ville toscane de la taille de Rochefort, une politique volontaire Zéro déchet a permis d’éviter de construire un incinérateur. En France, une expérience similaire a été menée dans la Communauté de la Porte d’Alsace, permettant de passer en quelques années de 400 kg/an/habitant à moins de 100, tout en réduisant la redevance déchet par deux.
En se situant à un objectif raisonnable de 190 kg/an/habitant l’incinérateur actuel d’Echillais était suffisant pour l’ensemble des cinq communautés. Il a une capacité de 40 000 tonnes par an, ces filtres ont été changés en 2005 pour répondre aux dernières normes et il valorise en chauffant la base militaire aérienne voisine.
Une alternative réalisable
Un projet alternatif documenté et chiffré a été constitué. Les bases de l’alternative sont bien connues : le tri à la source avec une collecte séparée des biodéchets accompagné de mesures incitatives ainsi que le développement de toutes les formes de recyclage, activités créatrices d’emplois.
L’opposition a aussi insisté sur le coût du projet, établi actuellement autour de 85 millions d’euro HT, sur l’image d’une telle construction dans la zone touristique de l’estuaire de la Charente et sur les conséquences écologiques et sanitaires d’une telle usine.
Un texte a été signé par 102 médecins du Pays Rochefortais, reprenant les études sur le risque de cancer autour des incinérateurs, pointant les incertitudes sur l’efficacité des filtres et exprimant leur inquiétude sur l’impact sanitaire du projet.
Politique contradictoire
Ce projet avait été validé par les politiques locaux avant sa révélation publique. Certains élus ont fait un voyage d’étude, avec conjointe, pour visiter l’incinérateur de la Martinique. Lors des dernières élections municipales, tous les candidats, à Echillais comme à Rochefort se sont prononcés contre le projet.
A Rochefort, H. Blanché (UMP) a été élu maire et président de la communauté d’agglomération. Sa position a évolué, d’abord vers une diminution de la taille de l’incinérateur et l’abandon du TMB, puis il a avalisé le projet dans sa totalité, promettant d’y associer une démarche « Zéro déchet ».
L’association nationale Zéro Waste France (anciennement CNIID) s’est inquiétée de la contradiction entre cette démarche « Territoires Zéro gaspillage Zéro déchet » et la construction de nouvelles capacités d’incinération.
« Il n’est pas envisageable de reconnaître l’engagement dans la démarche d’un syndicat qui maintiendrait la construction d’une installation d’incinération qui apparaît inutile au regard des flux de déchets actuels et des marges de progrès du territoire », a déclaré D. Lévi Alvarès, une des responsables de Zero Waste France au sujet d’Echillais.
- Tract d’Hervé Blanché, maire de Rochefort, entre les deux tours des élections municipales, en mars 2014, où il est écrit en gras : "Nous disons NON à l’incinérateur." -
Le volte-face de Mme Royal
Ségolène Royal, ancienne présidente de région, ministre de l’Ecologie, a exprimé clairement son hostilité au projet de nouvel incinérateur à Echilais dans le 7/9 de France Inter en juin et en septembre 2014.
« Si j’étais élue de ce territoire, jamais je ne ferais d’incinérateur. » « Moi, mon rôle de ministre, c’est de dire qu’il y a d’autres solutions. » On l’a connue plus incisive dans son rôle de ministre, sachant interdire les projets de gaz de schiste dans le Lubéron ou dernièrement l’écotaxe. S. Royal a laissé le projet VINCI poursuivre son chemin en préfecture, validé par le CODERST et actuellement soumise à la signature de la Préfète.
Malgré ces volte-face politiques, l’opposition cherche tous les moyens pour faire échouer ce projet dangereux, coûteux et inutile. Des recours juridiques ont été déposés. La mobilisation citoyenne s’amplifie avec samedi 11 octobre, 2 000 manifestants à Rochefort, ville de 29 000 habitants.
Il nous reste à obtenir une audience nationale. S’opposer à Vinci et son influence, c’est pot de terre contre pot de fer, cela peut être aussi David contre Goliath.
Source : Courriel de Paul Delègue (Pays Rochefortais Alert) à Reporterre
Photos : Pays Rochefortais Alert
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