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l'aventure de deux militaires bretons

Publié le 22 octobre 2014 par Dubruel

d'après PETIT SOLDAT de Maupassant

Chaque dimanche vers onze heures, deux soldats,

De naïfs et doux Bretons,

Yves Kerdeven

Et Jean Leguiden,

Traversaient Asnières à grands pas.

Ils ne s’arrêtaient que chez le charcutier,

Le boulanger et l’épicier.

Un morceau de boudin,

Quatre sous de pain et un litre de vin

Allaient constituer leur déjeuner.

Dès qu’ils avaient dépassé

Les dernières maisons,

Ils suivaient

La route de Bezons.

D’un pont, ils regardaient les barques de pêcheurs.

Ce spectacle leur rappelait les caboteurs

Traversant

Le Golfe du Morbihan.

Puis ils pénétraient dans un petit bois

Et s’arrêtaient au pied d’un rocher

Qui leur rappelait le dolmen

De Locneuven.

Ils déjeunaient

Et attendaient

Le passage d’une jeune fermière

Qui allait traire

Sa vache,

La seule vache

Qui pâturait là.

Cette fille leur dit un jour :

-« Bonjour…

Vous v’nez donc toujours là ? »

-« Oui, nous v’nons s’ reposer. »

Elle posa son seau :

-« Qué qu’ vous faites là, c’ tantôt ?

C’est-il l’herbe qu’ vous r’gardez pousser ? »

Yves, égayé, sourit : -« P’tête ben. »

-« Elle pousse pas vite, hein ? »

-« Ah non, pour ça, c’est vrai ! »

Elle demeurait debout devant eux,

Contente du plaisir qu’elle leur faisait.

-« Vous voulez un peu d’ lait ? »

Puis elle les saluait et s’en allait :

-« Allons, adieu. »

Le dimanche suivant,

Yves lui proposa deux croissants

Elle en mangea un

Et accepta un verre de vin.

Mardi, Yves demandait une permission

Et ne rentrait à la caserne qu’à dix heures.

Jean chercha pour quelle raison

S’était si longtemps absenté son ami.

Vendredi,

Yves posait une permission de trois heures.

Dimanche à midi,

Quand les deux soldats quittèrent le quartier,

Jean trouva qu’Yves montrait un air hardi.

Arrivés à leur coin préféré,

Ils attendirent le moment de la traite du lait.

Quand la jeune fermière passa, Yves se leva,

Fit deux pas vers elle et l’embrassa.

Elle, le saisit fougueusement

Sans s’occuper de Jean

Qui venait de comprendre pourquoi

Par deux fois,

Yves avait obtenu un droit de sortie.

À la pensée de perdre son ami,

Jean fut terriblement peiné.

Il avait envie de pleurer.

Le soir, en rentrant, les deux bretons

S’arrêtèrent sur le pont

Pour voir passer les bateaux.

Jean, affolé, monta sur le parapet,

Sauta et disparut dans l’eau.


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