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Bouh!*

Publié le 23 octobre 2014 par Lifeproof @CcilLifeproof

Il paraît que l'art contemporain fait peur... Un arbre de Noël fait-il peur ? Pourquoi ? Ça fait quelques jours que l'on entend parler de l’œuvre de Paul McCarthy Tree qui devait être installée (enfin : qui a été installée) place Vendôme à Paris pour la Fiac et qui fut la proie de toutes les contestations.

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Paul McCarthy, Tree, place Vendôme, Paris, octobre 2014.

Ne sommes-nous pas les produits de notre société ? Qu'en pensez-vous ? À une époque où il est has been de ne pas être sur un réseau social, où avoir un smartphone est quasi obligatoire, où ce dernier est devenu une extension de nous-mêmes à tel point qu'on ne le quitte pas pour aller dormir (on le quitte peut-être pour aller baiser mais est-ce vraiment le cas ?), pourquoi un arbre de Noël fait-il peur alors qu’on a accès à tellement plus trash en un seul clic ? Pourquoi l'art contemporain est-il de plus en plus la cible de détracteurs ? Détruire (au sens propre), semble être la façon la plus simple de s'exprimer ou du moins celle qui est de plus en plus privilégiée dans notre société qui se dit civilisée... Il est vrai qu'argumenter prend plus d'énergie, plus de temps et surtout plus de réflexion, non ? Néanmoins, à n'importe quelle autre époque, les détracteurs se seraient aussi exprimés, l'apport des nouvelles technologies a permis d'intensifier l'effet et l'impact de leurs actions qui sont beaucoup plus relayées, plus rapidement aussi.

Mais revenons au fait que nous soyons un produit de notre société. On est nombreux à avoir un téléphone portable, un smartphone, une tablette, un ordinateur, la télévision, un accès illimité à internet. Nous vivons, pour beaucoup, dans une société où la vitesse est importante, où on ne prend plus le temps de faire les choses en douceur et de manière réfléchie, où on zappe, où on passe d'une chose à l'autre, d'une info à l'autre, d'un événement à l'autre, d'une personne à l'autre... Bref. C'est cela le mot : en bref, de manière brève, rapide, ne pas prendre trop de temps, être efficace, être compétitifs, être des gagnants, faire du chiffre, voici ce qui est attendu. Quel est le rapport avec un arbre de Noël, me direz-vous ? Le voici en une question que je me pose et que je vous pose : si, ce qui est attendu, est que l'on soit rapides, efficaces, efficients, productifs, sommes-nous autre chose que des individus s'imbriquant dans un moule n'invitant pas à la remise en question ?

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Paul McCarthy, Tree, place Vendôme, Paris, octobre 2014.

Les artistes observent le monde qui les entoure et en rendent compte, ils le questionnent, l'interrogent, le triturent, le remettent en question et nous invitent à faire de même. Ils dénoncent, expriment, s'expriment et pointent là où ça fait mal entre autres choses... mais pourquoi réagir en détruisant plutôt qu'en argumentant ? La semaine passée, des œuvres ont commencé à être mises en places dans Paris pour la Fiac, Foire internationale d'Art Contemporain qui se tient du 23 au 26 octobre au Grand Palais mais aussi au Jardin des Tuileries, dans des galeries et dans divers autres lieux. Dans ce cadre, la sculpture monumentale Tree de Paul McCarthy devait être installée place Vendôme.

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Atelier Brancusi, Centre Pompidou, Paris.

Paul McCarthy, artiste américain né en 1945, réalise des vidéos, des peintures, des performances et des sculptures monumentales ou non. Souvent sexuellement ou scatologiquement explicites, ses œuvres interrogent le corps et notre rapport à lui en y ajoutant une note ironique, humoristique. Depuis une quinzaine d'années, il utilise la figure du plug anal dans ses sculptures, cette forme conique lui ayant fait penser aux sculptures de Constantin Brancusi, artiste de la première moitié du 20è siècle qui a remis en question les codes de la sculpture classique représentative.

Le plug, sex toy pour stimulation anale, peut prendre des formes diverses et variées : le cône tout simple (qui ressemble à un sapin...), mais pas uniquement, il peut avoir une succession de petites sphères (petites sur l'écran de mon ordinateur...), il peut être gonflable, avec un pseudo diamant au bout comme si c'était un joli bijou, il peut être incurvé, avoir une forme de bite, être petit ou très gros... et il peut même avoir la tête de Poutine (si, si, je vous jure). Tout ça pour dire qu'il en existe beaucoup, avec de nombreuses formes et donc pour tous les goûts.

Paul McCarthy a utilisé la forme du plug anal pour son caractère sexuel mais aussi pour toutes les analogies qui peuvent s'y rattacher. En effet, la forme est abstraite et peut être interprétée autrement, chacun va la voir différemment en fonction de son éducation et de son vécu. Un enfant, par exemple, ne verra pas la même chose qu'un adulte tout simplement parce qu'il ne pourra imaginer ce qu'est un plug anal (ou alors c'est qu'il y a un souci ailleurs, non ?), il y a différentes strates de lecture, nous ne voyons pas les mêmes choses. Il en va de même pour certains livres pour enfants : ces derniers, par exemple, ne verront pas que La Grosse Bête de Monsieur Racine de Tomi Ungerer a une tête de bite alors que je connais certains adultes qui pensent que oui.

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La colonne Vendôme à Paris, un exemple de construction "phallique"

Paul McCarthy, place Vendôme, a essayé de présenter une sculpture monumentale gonflable verte ayant la forme d'un sapin de Noël dont le titre était Tree donc "arbre". Beaucoup, n'y ont vu qu'un plug géant... Résultats ? Il y a eu des cris, une agression de l'artiste, beaucoup d'incompréhensions, des propos violents et le dégonflage de l’œuvre pendant la nuit qui a succédé à son érection. Il est étonnant qu'aucune sculpture ou architecture plus ancienne de forme phallique ne pose pas de problèmes... La sculpture a perturbé, choqué, bousculé mais n'a pas entraîné de réflexions plus poussées pour aller au-delà de l'incompréhension : premier dommage. Le second est que Paul McCarthy a fini par choisir de ne pas présenter Tree pendant la Fiac : a-t-il plié devant le bouclier de critiques qui a surgi ? Bonjour la censure et l'auto-censure.

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Paul McCarthy, Chocolate Factory, 2014. Future exposition à la Monnaie de Paris, du 25 octobre 2014 au 4 janvier 2015.

Tout cela s'est passé en deux-trois jours ce qui est extrêmement rapide, il n'y a pas eu d'autres confrontations que par la violence, un débat public aurait peut-être pu être envisagé ou autre chose. Quand la créativité, quand l'art est considéré comme dégénéré, détruit et censuré, ne faut-il pas s'inquiéter des dérives totalitaires qui peuvent accompagner la violence de telles réactions ? De l'impressionnisme avec Manet et sa femme nue entourée d'hommes vêtus dans son Déjeuner sur l'herbe aux sculptures scato de McCarthy en passant par les expressionnistes et autres modernes dont les œuvres ont été détruites sous le régime nazi, les artistes, en voulant remettre en cause les codes classiques, ont déclenché rejet, bânissement et destruction. Ces réactions sont, malheureusement, souvent dues à la peur, à l'incompréhension et la volonté de ne pas voir son monde évoluer et quoi de mieux pour ne pas se remettre en question que de museler les artistes et détruire les œuvres qui font peur ? Ce n'était qu'un sapin qui n'avait même pas d'aiguilles... il n'allait pas faire mal aux fesses en se dressant comme n'importe quelle autre sculpture phallique dans le ciel parisien.

Cécile.

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Pour plus d'infos sur la Fiac, c'est par là :

http://www.fiac.com/fr/paris

Future exposition à la Monnaie de Paris: Paul McCarthy, Chocolate Factory, du 25 octobre 2014 au 4 janvier 2015, pour plus d'infos, c'est par là: http://art.monnaiedeparis.fr/fr/expositions/chocolate-factory

*Il paraît que l'art contemporain fait peur...


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