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Rentrée littéraire 2014 : Les Mots qu'on ne me dit pas [Véronique Poulain]

Publié le 23 octobre 2014 par Charlotte @ulostcontrol_
Hello !

Le livre que je vais vous présenter est un petit bijou. Les Mots qu’on ne me dit pas fait beaucoup parler de lui en cette rentrée, et c'est absolument justifié. Malgré le sujet difficile abordé par Véronique Poulain dans ce livre (la surdité de ses parents), cette lecture est terriblement agréable et émouvante.

Rentrée littéraire 2014 : Les Mots qu'on ne me dit pas [Véronique Poulain]« “ Salut, bande d’enculés ! ” C’est comme ça que je salue mes parents quand je rentre à la maison. Mes copains me croient jamais quand je leur dis qu’ils sont sourds. Je vais leur prouver que je dis vrai. “ Salut, bande d’enculés ! ” Et ma mère vient m’embrasser tendrement. »
Sans tabou, avec un humour corrosif, elle raconte. Son père, sourd-muet. Sa mère, sourde-muette. L’oncle Guy, sourd lui aussi, comme un pot. Le quotidien. Les sorties. Les vacances. Le sexe. D’un écartèlement entre deux mondes, elle fait une richesse. De ce qui aurait pu être un drame, une comédie. D’une famille différente, un livre pas comme les autres.

Ce ne sont pas de grandes aventures que nous raconte Véronique Poulain mais des instants de son quotidien. Les scènes qu’elle nous décrit sont comme des photos prises à un moment précis, des instants volés dont elle se souvient. En faisant remonter tous ces souvenirs à la surface, elle fait le point sur ces moments heureux et on sent dans cette autobiographie (comme dans celle de Cohen : Le Livre de ma mère), que le livre a un double destinataire, car Véronique Poulain écrit non seulement pour ses lecteurs, mais aussi pour elle.A nous lecteurs, c’est comme si elle voulait nous dire que cette vie qu’on imagine peut-être n’est pas malheureuse. C’est un message de tolérance que l’auteur transmet à travers ce livre : elle nous rappelle les difficultés qu’on ne soupçonne pas, nos regards blessants notre manque d’attention... Véronique Poulain pointe du doigt nos indélicatesses et se révolte parfois contre notre manque de compréhension, d’effort.Mais ce qui est surtout intéressant et touchant, c’est que Véronique Poulain écrit aussi ce roman pour elle-même. En mettant des mots sur ses souvenirs, elle se rappelle le chemin parcouru et se rend compte de l’évolution qu’il y a eue.Il s’agit ainsi d’une vraie déclaration d’amour à ses parents. On sent parfois une certaine culpabilité chez la narratrice : comme si elle s’en voulait d’avoir voulu des parents entendant, de leur avoir reproché leur surdité, etc. Parmi tous ces souvenirs drôles et heureux racontés, Véronique Poulain nous explique également à quel point elle aurait voulu que ses parents lui disent qu’ils l’aiment, elle nous explique la gêne au supermarché ou dans les transports en commun, à quel point elle a pu leur en vouloir d’être bruyants.Ce livre peut ainsi apparaître comme un moyen de se pardonner elle-même pour ces moments où elle a pu être ingrate, de se prouver qu’il n’y a pas que des moments difficiles.Pendant cette lecture, j'ai d'ailleurs beaucoup pensé à Où on va, papa ? de Jean-Louis Fournier. Le sujet est assez similaire puisque l’auteur raconte dans ce livre sa vie en tant que père de deux garçons trisomiques. Le livre est construit de la même manière : des instants de vie y sont racontés au fur et à mesure qu’ils reviennent à la mémoire de l’auteur. L’humour y est également très présent, même s’il est beaucoup plus noir et cynique. En effet, ce ne sont pas les coups en douce d’enfants espiègles qui y sont racontés, mais les désillusions, le chagrin et l’amertume d’un père qui voit ses enfants privés de trop de choses.La difficulté de communiquer est enfin un des thèmes essentiels de ce livre. L’auteur nous parle en effet de la difficulté qu’elle trouvait à dialoguer avec ses parents et de ce que la langue des signes lui imposait. Elle nous apprend ainsi qu’il n’y a pas de conjugaison, que les dictons sont impossible à traduire, etc. ce qui restreint la palette d’expression. Mais si Véronique Poulain regrette « les mots qu’on ne lui a pas dit », ce roman lui permet de se libérer des mots qu’elle n’a pas su exprimer.Ce livre m’a beaucoup fait rire, certains sont passages sont vraiment très drôles, très frais. L’écriture de Véronique Poulain est concise, brève, percutante, elle manie aussi bien les mots quand elle raconte des anecdotes drôles que quand elle décrit sa gêne, sa tristesse, son indignation. J’ai eu d’ailleurs du mal à sélectionner un extrait à vous présenter car chaque phrase de ce livre pourrait être une citation à retenir, à inscrire dans un carnet. Chaque mot percute, touche et vise juste.En définitive, Les Mots qu’on ne me dit pas est un livre qui parle de joie, d’amour et de révolte. Si on sent l’auteur révoltée des inégalités qui persistent, on sent aussi et surtout l’amour qu’elle porte à ses parents. Je rejoins ceux qui ont déjà lu ce livre et qui l’ont adoré ; enfin un très beau livre pour cette rentrée littéraire !

Rentrée littéraire 2014 : Les Mots qu'on ne me dit pas [Véronique Poulain]
« Je veux des parents qui parlent, qui ME Parlent, qui entendent, qui M’écoutent. Et j’ai l’impression qu’ailleurs c’est mieux. Evidemment, je me trompe. Aucune famille n’est normale. » p.90 

« J’ai la langue bien pendue. C’est ce que tout le monde dit. Et pourtant si vous saviez à quel point je me tais. Dans la famille, la vraie muette, c’est moi. Pour tout ce qui concerne l’affectif, les sentiments, muette comme une carpe. Mes enfants sont les seuls être au monde auxquels je puisse dire « Je t’aime. » » p.137


Ce livre vous plaira forcément et vous touchera à coup sur, que vous soyez un petit ou un grand lecteur ; j'en mets ma main à couper ! Un petit détail mais qui a parfois son importance : les chapitres sont courts ce qui rend la lecture très facile à interrompre, idéal donc pour lire dans les transports en commun ou entre deux activités quand vous avez un moment de libre ;-)



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