Magazine Culture

Bande de filles – celine sciamma│pour la pose

Publié le 25 octobre 2014 par Acrossthedays @AcrossTheDays

Au mois de mai dernier, lors de la dernière édition du Festival de Cannes, trois films français se sont imposés dans les sections parallèles. Cinq réalisateurs et réalisatrices plutôt jeunes, tous sortants de la Fémis, deux premiers films et un troisième long-métrage: Party Girl, Les combattants, et enfin Bande de filles, de Céline Sciamma, qui débarque sur les écrans cette semaine. Précédé d’une excellente réputation, le film se concentre sur Marieme, élève redoublante de troisième vivant au cœur d’une cité de la banlieue parisienne qui ne tarde pas à intégrer la dite « bande de filles ».

fdKNryQ BANDE DE FILLES   CELINE SCIAMMA│POUR LA POSE

Bien qu’il ne faille jamais se fier à nos premières impressions, force est de constater que la première séquence du film annonce bien la couleur. Sur un terrain de foot gigantesque, en pleine nuit, un groupe de filles se livre à un match de football américain, accompagné par une musique tonitruante, avant que les lumières ne s’éteignent complètement, laissant apparaître le titre. Si l’image est magnifique, si la musique est on ne peut plus entraînante, si, enfin, le cadre est impressionnant de rigueur, quelque chose à du mal à passer: même une fois leurs casques de protection enlevés, on perçoit difficilement les visages des jeunes filles, qui sont réduites à l’état de silhouettes. Un souci dont le film n’arrivera jamais à se débarrasser, préférant esquisser quelques clichés plutôt que d’affronter ses personnages, tout en ajoutant par dessus une musique onirique pour faire beau.

Sans qu’une histoire ne se trouve racontée, les séquences s’enchaînent sur un rythme un peu évident qui voudrait alterner les moments de bonheur et de tristesse. Malheureusement, les personnages ne suivent aucune trajectoire particulière, n’ont pas vraiment de but, et le film manque ainsi cruellement d’enjeux. Faussement structuré en actes ou épisodes (on distingue au moins cinq morceaux différents, séparés par des fondus au noir étendus et nappés de musique), le récit peine à avancer, se contentant finalement de remontrer la même chose ad nauseam.

Si le film ne raconte pas vraiment l’histoire de Marieme, il essaye en tout cas d’installer une ambiance pop, bleutée, électrique et euphorisante, à grands coups de musique pop, de lumières bleues électriques et d’éclats de rires un peu forcés supposés euphorisants. La séquence tant vantée à Cannes du Diamonds de Rihanna est parfaitement symptomatique de cette maladie de la poésie qui ne sait pas surgir du réel mais se fabrique de manière autonome au-dessus et en dépit du film. Les personnages ont beau danser et chanter plus fort et plus haut, la scène est étouffée par tous ces éclairages artificiels et autres effets de mise en scène. Il n’y a rien de beau à voir à l’écran, puisque l’émotion a déserté le film depuis déjà un moment.

Le résultat est non seulement longuet et peu intéressant, mais cela devient franchement désagréable quand les clichés de la banlieue sont accumulés comme on rayerait les articles d’une liste de courses. Donner une représentation exhaustive du milieu (du moins, du point de vue d’une jeune fille) est une noble ambition, mais elle se prête assez peu au cinéma de fiction. On voit ainsi défiler le frère dangereux, les dealers, les proxénètes, les mères adolescentes, les combats de rue, le vol à l’étalage, le racket… La surenchère de clichés force la compassion, alors même que certains faits et gestes des personnages sont hautement critiquables en dépit de toute excuse misérabiliste. Cette impression est renforcée par une logique du dévoilement: chaque nouveau motif est introduit par un glissement de la caméra ou le déplacement subtil d’un personnage, soulignant ainsi la volonté de surprendre et de prendre le spectateur par les tripes.

WqFRwpc BANDE DE FILLES   CELINE SCIAMMA│POUR LA POSE

Bien que le récit semble demander une confiance totale en ses héroïnes, on ne peut s’empêcher de trouver celles-ci particulièrement antipathiques et difficiles à défendre. Le film ne juge presque jamais, maniant un manichéisme simpliste et prétendant montrer les choses comme elles sont, comme si la notion de point de vue n’existait plus quand il s’agit de parler de misère sociale.

Avec un pied dans le réalisme social et un autre dans l’esthétique clip-esque, la mise en scène tente de construire un personnage central fort sans pour autant lui donner une existence propre: Marieme, comme ses copines, n’existe ici que par le milieu dans lequel elle évolue. On comprend la volonté de la transformer en symbole féministe, mais la transformation n’a jamais lieu: l’héroïne n’aurait pas besoin de se construire en symbole, elle est filmée comme tel d’entrée de jeu. On reconnaitra à Céline Sciamma la volonté de réhabiliter des personnages trop peu vus au cinéma, mais le film oublie au passage de poser un regard politique et nuancé sur la réalité qu’il prétend montrer.

The Adobe Flash Player is required for video playback.
Get the latest Flash Player or Watch this video on YouTube.


Retour à La Une de Logo Paperblog

A propos de l’auteur


Acrossthedays 8489 partages Voir son profil
Voir son blog

Magazines