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Daniel Graffin : la traversée de la sculpture en solitaire

Publié le 28 octobre 2014 par Pantalaskas @chapeau_noir

Longtemps les paysages de la sculpture n'ont connu que les matériaux naturels comme le bois ou la pierre, précieux pour les plus nobles comme l'or le marbre ou l'ivoire. Puis à l'horizon est apparue une nouvelle génération, celle des artistes récupérateurs. A défaut de marbre ou de bronze trop chers pour leurs carrières débutantes, ces jeunes trublions troquèrent alors le burin pour le fer à souder ou le pot de colle, utilisant tout ce qui leur tombait sous la main : ferrailles, déchets divers, vieux ustensiles.
Au-delà de ces avancées, des territoires ignorés restaient à conquérir. Toutes voiles dehors, Daniel Graffin a entrepris la conquête de ces espaces inconnus de la sculpture. Car le "déjà là " d'un objet ne le satisfait pas : " J'ai besoin de la neutralité étale du matériau, de sa docilité ou de sa résistance aux outils que la technologie me prête."

Le vide et le vent

SPINNING THE SKY Pan Pacific Hotel, Singapore Hauteur : 120m    .

SPINNING THE SKY
Pan Pacific Hotel, Singapore
Hauteur : 120m
Daniel Graffin

Décider que les matériaux qui détermineraient une œuvre s'appelleraient désormais le vide ou le vent  engage la vie d'un artiste dans une voie singulière et peut-être même solitaire. Car peu nombreux sont ceux qui ont choisi, comme Daniel Graffin, de lier leur destin de sculpteur à ces éléments impalpables, indociles, souvent éphémères.
Daniel Graffin est un sculpteur français dont la majeure partie de l’œuvre a trouvé sa place à l’étranger. Voilà qui ajoute encore à la singularité de cet artiste qui a oublié d'être prophète en son pays. En 1973 il expose "Situation triangulaire"  immense triangle indigo fortement ancré entre sol et plafond, dont la spécificité textile balance avec la propension sculpturale.
Dans les années quatre-vingts, il réalise ces grandes sculptures en toile animées par la seule force du vent le plus souvent installées à travers le monde.
Pourtant c'est bien aujourd'hui en France à Paris que la galerie Fatiha Selam nous offre l'occasion de croiser cet artiste rare. Inclassable, une partie importante de son œuvre porte les attributs de l'art cinétique puisque sujette au mouvement. Malgré cela elle n'est pas affiliée à l'histoire de ce courant artistique. Réputé à travers le monde, l'artiste a peu exposé dans son pays. Il se fait connaître à Paris par une exposition à la galerie Suzy Langlois en 1974, puis en 1983 par une exposition au Musée d’Art Moderne de la Ville de Paris. Mais c'est des Pays-Bas au Canada, du Portugal aux Etats-Unis, de l'Italie au Mexique que les expositions seront les plus nombreuses.
La spectaculaire réussite de Daniel Graffin dans la conception et la réalisation des sculptures de vent ou des architectures textiles (notamment l'impressionnante Spinning the sky au Pan Pacific Hotel de Singapour 1986, la plus grande sculpture d'intérieur au monde) installait cette œuvre avec force dans l'éphémère ou dans le conquête délicate du vide. Mais il fallait à cet artiste développer l'antithèse de cette production foisonnante pour préserver sa prise de risque, toujours à la recherche d'un Graal insaisissable.

Les racines du ciel

 Exposition Daniel Graffin Galerie Fatiha Selam Paris 2014

Sculpture "Peinate con mi peine" Exposition Daniel Graffin Galerie Fatiha Selam Paris 2014

Aux antipodes de l'éphémère et du jeu avec le vide, Daniel Graffin, à la poursuite de ses racines, se dit préoccupé "d'une mémoire archaïque et secrète (...) C'est dans cette remontée vers les sources de l'humanité que le travail prend racine et paradoxalement, dans cette traversée des formes archaïques que j'ai le sentiment d'être contemporain ".

Fatiha Selam-Daniel Graffin-026

Exposition Daniel Graffin Galerie Fatiha Selam Paris 2014

Entre le ciel et la terre, le sculpteur trouve, avec ces pièces d'un archaïsme inventé, l'harmonie d'une pensée qui relie ces frères d'armes que sont l'homme du néolithique et l'artiste contemporain. En témoigne l'imposante sculpture "Peinate con mi peine" qui occupe l'espace de la galerie Fatiha Selam, œuvre qui s'érige en résonance avec les recherches sur le textile.
La découverte de fibres de lin naturel et de laine de chèvre datées de trente quatre mille dans des couches d'argile d'une grotte en Géorgie suggère l'utilisation de matériaux textiles. On ne peut sous-estimer cette approche des sources de l'humanité qui passe aussi chez Daniel Graffin par ce recours aux textiles. Comme Sheila Hicks, passant de sa thèse sur les «Textiles Pré-Incas » à sa création contemporaine puisée aux racines des sociétés primitives, Daniel Graffin  poursuit  dans la diversité de ses travaux cette quête permanente. Chaque œuvre, sculpture éphémère ou hiératique, dessin, textile, participe à cette traversée en solitaire d'un art qui interroge le mystère des civilisations.

Photos : Daniel Graffin (Singapour) et galerie Fatiha Selam

Daniel Graffin : ‘metaphorà’
23 octobre au 12 décembre 2014
Galerie Fatiha Selam
58 rue Chapon
75003 Paris


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