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[Critique] INTERSTELLAR

Par Onrembobine @OnRembobinefr
[Critique] INTERSTELLAR

Titre original : Interstellar

Note:

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Origine : États-Unis
Réalisateur : Christopher Nolan
Distribution : Matthew McConaughey, Anne Hathaway, Michael Caine, John Lithgow, Jessica Chastain, Casey Affleck, Mackenzie Foy, Wes Bentley, David Gyasi, Timothée Chalamet, Topher Grace, Ellen Burstyn, Matt Damon…
Genre : Drame/Science-Fiction
Date de sortie : 5 novembre 2014

Le Pitch :
La Terre se meurt. Les ressources s’épuisent, la nourriture manque et la poussière recouvre tout, comme pour enterrer prématurément l’espèce humaine. Cooper, un ancien pilote devenu par la force des choses agriculteur, accepte de rejoindre l’équipage d’une mission de la dernière chance, dont l’objectif est de rallier un trou noir récemment découvert dans l’espace. Une faille permettant d’accéder à une nouvelle galaxie abritant potentiellement des planètes viables. L’homme est né sur Terre, mais rien ne l’oblige à y mourir…

La Critique :
On le sait, Christopher Nolan est un réalisateur de la vieille école. Non pas qu’il soit allergique aux effets-spéciaux. Non, loin de là même. Disons plutôt que Nolan aime utiliser la technologie avec parcimonie et pertinence, quand il n’y a pas d’autres alternatives possibles (il tourne d’ailleurs encore sur pellicule). Que ce soit devant ou derrière la caméra, c’est donc l’humain qui prime et les émotions inhérentes à notre condition.
Disons-le tout de suite, Interstellar est avant tout un drame. Bien qu’inscrit dans une logique propre à la science-fiction, le film s’attache en permanence à ses personnages et à leurs ressentis, face à des situations extraordinaires. C’est principalement pour cette raison que sa dernière livraison n’est pas un blockbuster comme les autres. Pas comme ceux qui atterrissent dans nos salles ces dernières années en tout cas. Interstellar s’inscrit ainsi plutôt dans la veine des gros budgets d’antan, où les limites de la technologie « boostaient » l’ambition et l’imagination, tout en plaçant irrémédiablement l’être humain au centre de l’équation. Là où un gros machin comme Transformers met en branle une fin du monde programmée par des forces du mal voraces, et où l’humanité est souvent réduite à une poignée de personnages stéréotypés et pas attachants pour deux sous, histoire de laisser la part belle aux gros robots et à leurs échauffourées, Interstellar tient à évoluer dans une réalité palpable.

C’est dans un monde en ruines que prend place l’action. Privé de ressources vitales, l’homme ne finance plus la technologie ou l’armée, et se concentre sur l’agriculture pour tenter de reculer au maximum la date fatidique de son extinction inévitable. Rien n’indique en quelle année nous sommes, mais l’absence de gadgets high-tech donne par contre une bonne indication de la détresse dans laquelle l’espèce humaine se trouve, tout en facilitant une identification puissante et du même coup un maximum d’empathie. Quand commence la mission censée permettre à l’humain de trouver une nouvelle planète afin de perdurer, c’est la même chose. Interstellar reste simple et modeste dans sa matérialisation des moyens mis en œuvre. De l’intérieur du vaisseau, au design des combinaisons, tout traduit le délabrement d’une société qui a mis ses dernières billes dans cette ultime tentative pour sauver les meubles. À l’écran, cette authenticité fait mouche. La puissance du désespoir qui anime les personnages est palpable, tout comme la souffrance de ce père de famille forcé de quitter ses enfants pour embarquer à bord du vaisseau, direction l’espace interstellaire.

Mieux vaut ne rien savoir concernant la seconde partie du long-métrage. Celle durant laquelle l’équipage de la mission atteint les limites du système solaire pour entrer dans une nouvelle dimension.
Interstellar va diviser c’est certain. Et pas qu’un peu tant il fait partie de ces œuvres qui font avant tout appel à des émotions fondamentales, dépourvues de cynisme. Film le plus ambitieux de Christopher Nolan, Interstellar est aussi le plus touchant. Bouleversant, il charrie une somme incroyable de ressentis qui arrivent par vagues successives. D’où le côté dramatique qui prend le dessus sur l’aspect strictement science-fiction de son postulat de départ.
En premier lieu destiné à Steven Spielberg, Interstellar, bien qu’écrit par les frères Nolan, charrie des thématiques chères au papa de E.T.. La famille est au centre de la dynamique de toute l’entreprise. Tout particulièrement cette relation père-fille, dont la force évocatrice nourrit la dynamique de toute l’aventure. En allant bien plus loin que la simple séparation d’une gamine et de son père, quand celui-ci doit partir au front pour sauver le monde, Christopher Nolan livre une réflexion sincère et à fleur de peau sur l’enfance et sur la paternité. Logiquement, Interstellar évoque donc les grandes heures du cinéma de Spielberg.
Quand il file dans les étoiles, le film lorgne par contre vers l’autre grande influence du réalisateur. Évacuons tout de suite la comparaison avec Gravity, qui ne manquera pas d’être faite. Œuvre sensorielle ultra évocatrice et visuelle, repoussant les limites techniques du cinéma, Gravity n’a pas grand chose à voir avec le métrage de Nolan, si ce n’est que tous les deux se déroulent dans l’espace et que tous les deux s’attachent à retranscrire l’action avec un maximum de réalisme. Pour le reste, les deux films partent dans des directions différentes. L’autre grande influence de Nolan, c’est plutôt du côté de Stanley Kubrick et de son monument 2001, l’Odyssée de l’Espace, qu’il faut aller la débusquer. Il ne s’en cache jamais et annonce la couleur d’emblée, notamment par le biais de ces deux robots ultra intelligents et, contrairement au H.A.L. de 2001, plus enclins à soutenir les protagonistes dans leurs actions. Des robots alimentant par ailleurs eux-aussi la filiation avec Spielberg, tant il s’avèrent de plus en plus attachants au fil des minutes, pour devenir de véritables personnages.

Interstellar Chastain 300x200 [Critique] INTERSTELLAR

En cela, certains vont certainement réduire Interstellar à une somme d’influences. À une sorte de menu maxi best-of estampillé s.f.. Ce que le film n’est pas du tout.
Conscient de l’héritage qui est le sien, Nolan livre sa vision des choses concernant tout un pan du septième-art, dont les premières véritables fondations furent en effet posées par Kubrick. Il fait aussi quelques clins d’œil à Star Wars et à Doctor Who, tout en restant ancré dans une dynamique proche de L’Étoffe des Héros, de Philip Kauffman, sans s’en cacher non plus.
Monumental et humble hommage, le long-métrage de Nolan est surtout une extrapolation d’une somme de thèmes pionniers, appréhendés à l’aune de notre époque et de la situation qui est la nôtre. Le scénario ne brode pas des masses et livre un futur malheureusement envisageable. Le reste s’attache à restituer une universalité propre au cinéma fantastique et à la remettre formellement au goût du jour, en restant néanmoins réaliste dans l’exécution (pas trop de fonds verts, peu d’images de synthèse, un maximum de décors en dur…)
Conte métaphysique et philosophique appelant à la réflexion et à l’introspection, parfois vraiment effrayant, car terriblement immersif, Interstellar fait appel à l’intelligence des spectateurs, sans pour autant chercher à les paumer dans les méandres de réflexions « vitrines » plus artificielles qu’autre chose, comme Inception avait tendance à le faire. Le dosage est parfait. Dans l’émotion, l’humour (qui intervient par petites touches remarquablement intégrées) et l’action, le film s’avère de plus rythmé à la perfection, au point que les 2h45 semblent en durer deux fois moins.

Comme souligné précédemment, Interstellar est donc un film profondément humaniste. C’est aussi une fable écologique pleine d’une poésie éloquente. Une œuvre qui n’aurait pas pu pas résonner avec tant de puissance sans le talent et la sensibilité des acteurs impliqués. Au centre, Matthew McConaughey est une fois encore parfait. Tiraillé entre le désir de retrouver les siens et la volonté de mener sa mission à bien, Cooper, son personnage incarne, une certaine idée, elle aussi universelle, du grand héros américain (comme ceux de L’Étoffe des Héros, on y revient). Un héros ici plein de failles, mais néanmoins parfait pour créer l’émulation indispensable à la bonne tenue de l’équipe qu’il dirige. À ses côtés, Anne Hathaway surprend, dans un rôle fort et complexe, pleine d’émotions contenues et de désirs contradictoires, tout comme Wes Bentley et David Gyasi. Casey Affleck est également impeccable, tandis que Michael Caine tient la barre avec toute la prestance qu’on lui connait, très à l’aise chez Nolan. Il faut également à tout prix saluer la performance de la jeune surdouée Mackenzie Foy, qui incarne la jeune fille de Cooper, et il est bien sûr indispensable de couvrir de louanges Jessica Chastain, sans pour autant trop s’étendre, au risque de déflorer le mystère entourant le film.

Déjà considéré, à juste titre, comme l’un des cinéastes les plus importants de sa génération, Christopher Nolan livre avec Interstellar, un classique instantané. Son film laisse pantois d’admiration, fascine et passionne. Modèle absolu de maîtrise technique et scénaristique, il démontre d’une passion pour le grand cinéma, retranscrite ici avec une sincérité poignante. À la manière de Scorsese qui, avec Hugo Cabret, rendait hommage au septième-art en s’attaquant à ses fondations, Nolan offre un film en forme de déclaration d’amour aux bobines qui ont déclenché sa vocation et aux pionniers du genre. À ce stade de sa carrière, cette déclaration prend la forme d’une œuvre complexe et simple à la fois. Interstellar est terriblement contemporain, mais aussi furieusement vintage (une impression renforcée par la superbe photographie de Hoyte Van Hoytema). Ce qu’il dégage est unique. C’est pour cela qu’il va diviser et que ce qu’il procure n’appartient qu’à chacun. Une chose est sûre cependant : quand on accroche, on accroche. On pleure, on vibre, on tremble et au final, on s’incline. Chef-d’œuvre absolu.

@ Gilles Rolland

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Crédits photos : Warner Bros. France

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