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La magie des mots, par Francesca Tremblay…

Publié le 01 novembre 2014 par Chatquilouche @chatquilouche
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Crédit photo : Gemma Booth

Ni le temps ni les hommes n’avaient emprise sur cette femme. Seuls les cafés qu’elle savourait avaient cette chance. Ou les pages d’un livre quelconque qui se tournaient pour lui dévoiler leurs secrets. Ses yeux posés sur les mots, il aurait voulu qu’elle les lève dans sa direction, mais la belle du Café La Romance colorait les miroirs de son plaisant reflet et lui n’était qu’un fantôme parmi les autres qui l’épiaient.

Ce soir-là n’était pas un soir comme les autres. Il avait osé. Osé franchir l’espace qui les séparait. Osé l’approcher et… l’aborder. Le courage avait dressé sur sa ligne de vie un rendez-vous des plus insensés. Ils s’étaient rencontrés plus tôt dans la journée et il l’avait complimentée sur son choix de lecture. Ils avaient échangé des sourires entendus et elle se trouvait maintenant dans sa demeure. Il redoutait de faire un faux pas. Son parfum le rendait fou.

Ils étaient allés voir un concert et après, histoire de terminer la soirée sur une bonne note, il l’avait invitée à prendre un verre chez lui. Pendant le spectacle, au lieu de se perdre dans les méandres des mélodies délicieusement jazzées que l’orchestre interprétait avec ferveur en hommage au compositeur décédé, il s’était laissé aller à fantasmer, contemplant, du coin de l’œil, les longues jambes qui, dans des bas nylon noirs, se croisaient et se décroisaient. La courte robe rouge remontait jusqu’à mi-cuisse et excitait de plus belle celui qui tentait de demeurer patient. La jambe bougeait légèrement et au bout de l’exquise cheville se balançait un pied dont le soulier à talon haut pointait la sortie. L’entracte avait été si long à venir…

Désormais, dans la lumière tamisée de son séjour, ses cheveux ondulés, blonds comme ceux des anges, descendaient jusqu’à mi-épaules. Ils encadraient un visage angélique qu’il ne se lassait pas d’admirer. Elle avait le charme des femmes frêles et passionnées. Perdu dans le bleu lapis de ses yeux, il demeurait assis sur le canapé devant elle, séparés qu’ils étaient par une table basse. Il servit le vin et lui en offrit une coupe.

Ses lèvres charnues demeuraient entrouvertes. Sa langue passait et repassait sur ses dents du bas, hésitante, tandis qu’elle le jaugeait du regard. Soudain, elle sourit, prit un air aguichant. L’homme avala avec peine. Elle voulait le troubler. Il prit une gorgée de vin rouge et déposa la coupe.

Il se voulait confiant, mais sentait désespérément que c’était lui la proie. Son regard l’envoûtait. Et que dire de ces courbes, et de cette tenue qui leur rendait grâce ! Nul besoin d’un soutien-gorge ; car le fin tissu de sa robe épousait le galbe de ses seins, ainsi que la pointe de ses mamelons dressés. Jaloux de ce vêtement qui la caressait, il voulut poser ses mains sur ses hanches, toucher ses épaules, son cou et embrasser ses lèvres. La prendre ici, là, maintenant ! Mais il demeurait tétanisé par sa seule présence chez lui. Par la possibilité, simplement.

Percevant son désir, elle se leva doucement. D’une démarche féline, elle contourna la table et glissa ses doigts sur le manteau de la cheminée. Elle balaya du regard ses souvenirs en noir et blanc, encadrés d’une enfance lointaine et posa de nouveau les yeux sur lui. Au fond de ses prunelles brillait une lueur de malice. Lentement, elle défit la fermeture éclair de sa robe et dénuda tour à tour ses épaules ; le tissu rouge chuta à ses pieds. Puis, ce furent les bas nylon qu’elle fit descendre doucement. Elle ne l’avait pas quitté du regard. Sa respiration s’accélérait à la vue de cette peau de satin. Il la désirait tellement.

Il se leva et s’approcha d’elle. Sourire en coin, elle posa une main sur son torse et le força à se rasseoir. Confus, il obéit tout de même et se laissa choir sur le canapé. Elle s’avança et elle s’assit confortablement à califourchon sur lui. Il lui sourit nerveusement et passa une main sur sa cuisse tandis que de l’autre, il caressait la ligne de sa mâchoire. Il approcha son visage pour l’embrasser, mais elle esquiva le baiser, tout en cambrant les reins et en commençant des mouvements de va-et-vient qui le grisaient. Mais, en même temps, il ne savait trop comment réagir devant cette femme qui contrôlait la danse. Il contemplait ce corps nacre qui ondoyait sous la lumière filtrée et de ses paumes il caressait ces seins aux pointes dures. Il voulut lui montrer son désir. Il pressa son bassin contre le sien. Elle renversa la tête, et ses yeux bleus, ivres de volupté, plongèrent dans les siens, marron, fiévreux. Elle prit son visage entre ses mains et l’approcha du sien, et se mêlèrent leurs souffles saccadés.

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Elle l’embrassa avec force, passa ses doigts dans son épaisse chevelure châtaigne. Les mains de l’homme caressèrent son dos, s’emparèrent fermement de ses hanches, voulant accélérer le mouvement répété et exigé maintenant. Il voulait la posséder, entrer en elle. Le baiser prit fin, et ses vêtements, qui entravaient son plaisir, l’agacèrent.

Il déboutonna avec presse sa chemise et défit son pantalon. Elle se leva pour qu’il puisse aisément retirer tout le reste. Il lança à l’autre bout de la pièce ses sous-vêtements, mais lorsqu’il se retourna, haletant, la femme n’était plus là.

Son regard chercha une ombre blonde dans tous les recoins du salon, mais en vain. Il tenta de crier son nom, mais il ne le connaissait même pas. Sur le parquet du salon, aucune trace : ni de la robe, ni des bas nylon, ni des souliers… Sur la table, un seul verre, le sien. Celui qu’elle avait porté à ses lèvres n’y était pas. Où était-elle ?

Déconfit, il se rassit et d’un trait acheva son verre. Il s’en servit un deuxième, puis un autre… Demain, il retournerait sans doute au Café La Romance et il complimenterait la belle inconnue, sur sa tenue cette fois. Mais il espérait trouver le courage, au détour d’un coin de rue de…

NOTICE BIOGRAPHIQUE

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En 2012, Francesca Tremblay quittait son poste à la Police militaire pour se consacrer à temps plein à la création– poésie, littérature populaire et illustration de ses ouvrages.  Dans la même année, elle fonde Publications Saguenay et devient la présidente de ce service d’aide à l’autoédition, qui a comme mission de conseiller les gens qui désirent autopublier leur livre.  À ce titre, elle remporte le premier prix du concours québécois en Entrepreneuriat du Saguenay–Lac-Saint-Jean, volet Création d’entreprises.  Elle participe à des lectures publiques et anime des rencontres littéraires.

Cette jeune femme a à son actif un recueil de poésie intitulé Dans un cadeau (2011), ainsi que deux romans jeunesse : Le médaillon ensorcelé et La quête d’Éléanore qui constituent les tomes 1 et 2 d’une trilogie : Le secret du livre enchanté.  Au printemps 2013, paraîtra le troisième tome, La statue de pierre.  Plusieurs autres projets d’écriture sont en chantier, dont un recueil de poèmes et de nouvelles.

(Une invitation à visiter le jumeau du Chat Qui Louche :https://maykan2.wordpress.com/)

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