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Mohammad & Marc Baron aux Instants Chavirés

Publié le 07 novembre 2014 par Hartzine

LAMNÈ GASTAMA
Mohammad & Marc Baron, Instants Chavirés, le 28 octobre à Montreuil

Face à l’entrée discrète des Instants Chavirés ce soir, quelques comédiens sous une perche et des éclairages sont réunis sans qu’on comprenne s’ils jouent ou non ni si la caméra tourne. Ils entretiennent eux-mêmes la confusion en engageant facilement la conversation quand on s’approche d’eux, trahissant délibérément un tournage naturaliste et cherchant la complicité implicite de participants fortuits, le tout dans une ambiance de soir d’automne dans cette rue sombre de Montreuil. C’est en fait le trop rare Philippe Grandrieux qui profite des allers et venues d’un concert pour mettre en scène à la sauvage son prochain film (qui parle de drogue et de musique, tant qu’à faire), et fait office de mise-en-bouche à une soirée d’énigmes et de puits sans fonds.

Les énigmes, c’est celles que renferment les archives de Marc Baron, planté au milieu de la salle comme pour mettre l’accent sur son dispositif : magnétophones, vieux lecteurs de bandes magnétiques, et toute une série de bobines qu’il manipule, interrompt, échange, rembobine. On rentre dans son set avec l’impression d’entendre des documents défendus – son album sorti cette année s’intitule d’ailleurs Hidden Tapes. Présences et silences, souffles et fantômes, prise d’assaut synthétiques ou musique concrète, le Montreuillois capture l’auditoire dans un théâtre perturbant et imprévisible, et invoque la mythologie des tapes. On pense à James Ferraro comme à Call Back The Giants, à beaucoup de field recordings, mais c’est surtout un moment unique et une stimulante première partie.

Pour les puis sans fonds, ce sont bien sûr ceux de Mohammad, dont le live est noir et sourd comme un Pierre Soulages. Leur formule se maintient dans des tonalités graves et maronnasses, tout juste ponctuée par quelques glissandos qui vous mettent l’estomac aux bords des lèvres, et le grincement occasionnel des arches. Leurs drones organiques (violoncelle, contrebasse et une sorte de basse-oscillateur sobre d’apparence mais redoutable en portée) laissent néanmoins apparaître des compositions minimes mais parfois variées. En labourant au pied du spectre harmonique sous de faibles spots rouges, ces trois grecs nous poussent dans un repli solennel et réconfortant, et inspirent un moment d’humilité et d’humanité dans des Instants Chavirés qui ont trouvé bon de faire salle assise pour l’occasion. Jusqu’à ce que la dernière vibration, le dernier silence, ne vienne clore la parenthèse dans laquelle on a glissé ce soir.

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