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Nicolas Tourte : Esquisses pour une vidéo buissonnière

Publié le 07 novembre 2014 par Pantalaskas @chapeau_noir

Au regard d'autres pratiques de la vidéo, que ce soit l'emphase hégémonique d'un Bill Viola ou l'insatiable investigation d'un Fred Forest, Nicolas Tourte donne le sentiment d'avoir emprunté des sentiers de traverse, de s'être volontairement engagé dans  les chemins buissonniers de la vidéo.

Nicolas Tourte : Esquisses pour une vidéo buissonnière

"Paraciel" Nicolas Tourte

Avant d'appréhender son exposition de la galerie Laure Roynette à Paris, c'est la découverte de son "Paraciel" avec la projection animée d'un ciel dans  un parapluie ouvert qui m'avait séduit et interpellé sur sa pratique de la vidéo. Si bien que c'est sur cette spécificité de son travail que l'accent sera mis dans ces lignes.
Depuis plus d'un demi-siècle que la vidéo s'est retrouvée impliquée dans les arts plastiques, avec les pionniers Nam June Paik, Wolf Vostel et Fred Forest, cet outil  s'est installé dans l'art contemporain. Au-delà des créations spécifiques de la vidéo pour l'œuvre, parfois  les documents bruts domestiques sont mis en situation, à l'image des caméras des voitures de la police américaine par Jill Magid dans «The Status of the Shooter» à la galerie Yvon Lambert à Paris en 2012.

Sentiers de la création

Nicolas Tourte fait dans sa relation au monde, me semble-t-il, la quête des petits riens auxquels il trouve ou donne un sens. Mais il ne se contente pas de cette collecte faite par un écolier rêveur en rupture de ban, il  part de ces trésors inattendus pour mettre en place un système dans lequel la vidéo se plie à un jeu nouveau, à une mise en scène inédite au service d'une poésie inventive. Un autre artiste lui aussi engagé sur les sentiers de la création, Jean-Loup Cornilleau, décrivait ainsi sa propre démarche: « Les « œuvres » que je donne à voir, explique-t-il, sont davantage le résultat d’un art de vivre que d’un art de faire. Elles sont au plus proche de la fluidité de la vie avec ses moments d’intensité fragile. La vie, l’art, entre l’éblouissement et la révolte. ». Nicolas Tourte, proche je crois d'une telle relation à l'art, appartient à une génération dans laquelle la vidéo est partie prenante de la proposition artistique.

Nicolas Tourte : Esquisses pour une vidéo buissonnière

"Mise à jour v4.0 (Homo Disparitus"
Nicolas Tourte Galerie Laure Roynette 2014

Avec "Mise à jour v4.0 (Homo Disparitus)", il crée  une échappatoire quasiment physique qui plie le théâtre de la galerie à son désir d'évasion. La vidéo n'est plus au service d'une projection, elle génère une dramaturgie, force notre imaginaire à suivre l'artiste dans son scénario libérateur de notre vision habituelle du quotidien. Un autre artiste, Céleste Boursier-Mougenot, au collège des Bernardins à Paris en 2012, avait lui aussi réussi à abolir les murailles du bâtiment grâce une vidéo prise en direct dans la rue voisine.

Diapason

Nicolas Tourte : Esquisses pour une vidéo buissonnière

"La 440" Nicolas Tourte 2014.
Objet sculptural.

Dans l'exposition, une petite pièce pourrait passer inaperçue. Ce diapason tordu, torturé par l'artiste, serait-il révélateur d'une relation conflictuelle avec les objets ?  Assurément, il ne donnera plus le "La" d'un accord conventionnel, indiscutable avec le monde qui nous entoure.
La façon dont Nicolas Tourte domestique l'outil vidéo pour nous impliquer dans sa vision personnelle me semble prometteuse et il faudra porter  attention, dans la suite de son cheminement, à cette pratique personnelle mise au service d'une poésie délicate, sans effets de manches, mais qui laisse une trace entêtante. Comme l'écolier fautif d'avoir préféré la découverte sauvage à l'enseignement formaté, nous nous sommes retrouvés complices de cette dérobade jubilatoire.
Avec ses touches discrètes, Nicolas Tourte dessine les contours d'une nouvelle voie, celle d'une vidéo buissonnière prenant place à côté des autres pratiques déjà installées.

Photos: galerie Laure Roynette

"Pete and Repeat " Nicolas Tourte

Du 9 Octobre au 15 Novembre 2014
Galerie Laure Roynette
20 rue de Thorigny
75003 Paris


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