Magazine Culture

L’Apollon à la fourrure

Publié le 09 novembre 2014 par Morduedetheatre @_MDT_

66065a6a7bd03e20e1313f51fc17cae4Critique de La Vénus à la fourrure, vu le 29 octobre 2014 au Théâtre Tristan Bernard
Avec Marie Gillain et Nicolas Briançon, dans une mise en scène de Jérémie Liepmann

Déjà lors de la sortie du film de Roman Polanski, j’avais été étonnée par la bande-annonce, et curieuse d’en savoir plus, mais n’avais pas trouvé le temps. Ayant été contactée par les Théâtres Parisiens Associés pour assister à une représentation de La Vénus à la fourrure au Tristan Bernard, et dans le but de savoir à quoi m’attendre, j’ai regardé le film de Polanski quelques jours avant. J’ai alors trouvé que si Mathieu Amalric était parfait dans le rôle, Emmanuelle Seigner, quant à elle, ne poussait pas assez loin le vice. Seulement, après avoir vu Marie Gillain sur scène, j’ai compris que le rôle était encore plus délicat que ce que je pensais.

L’histoire est complexe : alors qu’un metteur en scène semble désespéré après avoir auditionné des actrices toute la journée pour le rôle de Vanda dans sa future pièce, La Vénus à la fourrure, tiré du roman de Sacher-Masoch, une jeune femme débarque dans le théâtre. Elle est trempée jusqu’aux os, elle est vulgaire, elle est directe, et elle se présente comme s’appelant Vanda, qui voudrait passer les auditions pour jouer Vanda. Déjà, on perçoit la confusion qui va s’installer entre la réalité et la pièce de théâtre. Et tout va aller très vite : elle convainc le metteur en scène de passer l’audition et s’empare du personnage avec une étrange facilité : elle connaît le texte par coeur, et séduit assez vite le metteur en scène. Mais tout va alors s’intensifier, et le rapport metteur en scène – actrice en audition va se transformer pour conduire à un jeu de rôle entre Vanda et Thomas, en apparence personnages de la pièce qu’ils interprètent, mais tendant pourtant vers leurs réelles personnalités. La mise en abyme du théâtre prend alors une tournure étonnante, puisque les deux personnages vont s’installer dans un jeu de domination/soumission d’abord inattendu.

Marie Gillain manque de brio. On devrait observer un réel changement entre son entrée en tant que jeune femme moderne, un peu vulgaire et totalement opposée à la conduite de Thomas, et son entrée en scène comme actrice, dans le rôle de Vanda. Elle devrait alors être passionnée, sensuelle, inquiétante. Sa relation avec Thomas devrait être charnelle et gênante à la fois. Mais elle ne pousse pas assez loin son incarnation, et on voit trop la Marie Gillain, douce et inoffensive, pour y croire réellement. On attendait quelque chose de poignant, qui nous prend aux tripes. On n’a eu qu’une pâle imitation, qu’un essai vague de domination, quelque chose qui reste en surface. Dommage.

A ses côtés, Nicolas Briançon illumine le plateau. Il s’empare de chaque aspect de son rôle avec facilité et passe de l’une à l’autre des facettes de Thomas avec agilité et simplicité. Lorsque les deux personnages échangent leurs rôles, il s’avère même meilleur dans le rôle de Vénus que Marie Gillain. Tour à tour dominant, dominé, inquiet, curieux, ou dans l’incompréhension totale, il nous séduit d’un bout à l’autre du spectacle. Lorsque Vanda conseille à Thomas d’interpréter le personnage de Vanda lui-même, on ne peut que savourer le double sens, et approuver ce conseil. Bravo.

La mise en scène de Jérémie Liepmann est plus qu’honorable : certaines scènes sont de véritables bijoux. Par exemple, lorsque leur jeu devient particulièrement dangereux, cette scène où la mise en abîme devient totale, est comme accélérée par une musique sourde et un effet stroboscopique des plus ingénieux. Cependant, on lui reproche de n’être pas allé assez loin dans la gêne, de ne pas avoir imposé une gradation dans la personnalité des deux personnages, qui s’opposerait : si on le voit s’aplatir progressivement, on ne la voit commencer à dominer que parce qu’il a plié devant elle. En ce point, la direction d’acteur aurait pu être plus ferme. On aurait aimé être véritablement dérangé depuis notre siège, pas seulement assister à un spectacle de l’extérieur.

On conseillera plutôt le film de Polanski, qui accentue plus le jeu qui se déroule entre les deux personnages, jusqu’à l’humiliation, et qui rétablit mieux l’ambiance qu’on attendait pour un tel spectacle.  

Marie Gillain 2 La Vénus à la fourrure Fabienne Rappeneau-1



Retour à La Une de Logo Paperblog

A propos de l’auteur


Morduedetheatre 2245 partages Voir son profil
Voir son blog