d'après LE MARQUIS DE FUMEROL de Maupassant
Nous dinions quand on apporta un pli.
Mon père l’ouvrit :
’’ Votre frère, le marquis Grégoire-Paul
De Fumerol,
Est à la dernière extrémité.
Venez vite le visiter.’’
Maman pâlit et dit : -« Avec Mgr Piétri
Et notre fils Guy
Rendons-nous vite chez lui.
Si Paul mourrait sans les sacrements,
Le coup assurément
Serait terrible pour l’aristocratie.
Les libres penseurs triompheraient.
Les mauvais journaux chanteraient
Victoire pendant six mois.
Et mon nom, celui des Tournefoix,
Serait trainé dans la boue.
Quel immense malheur ! »
(Mon oncle est libre penseur)
Et nous voici partis, l’évêque et nous.
Arrivés chez mon oncle Grégoire,
Maman demanda :
-« Peut-on le voir ? »
-« Il est bien bas.
Il n’en a pas pour longtemps. »
Répondit sa servante Gina.
Nous entrâmes à pas lents.
Quand mon oncle vit Mgr Piétri
Il s’offusqua :
-« Que venez-vous faire ici ? »
-« C’est Gina qui nous a écrit… »
-« Sortez d’ici…Sortez d’ici…
Voleurs d’âmes,…sortez d’ici,
Violeurs de conscience,…sortez d’ici ! »
Nous sortîmes dans la rue pour délibérer.
Nous avons discuté
Plus d’une demi-heure
De la méthode la meilleure
Pour arriver à nos fins.
Quand enfin
Nous sommes remontés,
Nous fûmes très étonnés
D’entendre mon oncle crier encore :
-« Dehors, manants...Gredins, dehors ! »
Et de voir un pasteur protestant discuter
Avec l’infirmier.
Ce dernier
Appartenait au culte des réformés.
Il nous avait entendu tout à l’heure
Et avait couru chercher un pasteur
Imaginant
Que le mourant
Accepterait plus facilement
Sa bénédiction. Or, si notre ordinant
Avait irrité le marquis,
Le ministre proposé
Par l’infirmier
L’avait mis tout à fait hors de lui.
Dans sa colère,
Mon oncle tomba par terre.
Mgr Piétri en profita pour l’administrer
Et lui remettre ses péchés.