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[note de lecture] Lawrence Ferlinghetti, "Poésie, Art de l’insurrection", par Jean-Pascal Dubost

Par Florence Trocmé

[note de lecture] Lawrence Ferlinghetti, Le livre est présenté par son auteur comme un manifeste, lequel voulut qu'il fût à l'identique du célèbre " Petit Livre Rouge " ( Les Citations du président Mao Tsetoung), petit format et rouge, et composé d'inscriptions qu'on pourrait nommer citations, aphorismes, apophtegmes sinon phrases, en comparaisons aux phrases de Rimbaud. Donc, ça se veut comme le petit livre rouge de la poésie, mais une défense également de la poésie dans sa mise en place au quotidien et dans la pensée. Livre de la révolution poétique, il est livre de l'art poétique d'un poète au parcours exceptionnel, l'un des derniers poètes de la Beat Generation encore en vie, éditeur et libraire de la City Light Book, et qui, à 95 ans, présente la garde haute de la résistance. La première version de cet ensemble remonte aux années 50 et fut transcrite par l'auteur suite à une émission de radio, puis l'ensemble connut plusieurs éditions dans la presse underground avant de connaître un succès qui amena certains extraits à être publiés par le New York Times et le Los Angeles Times.
Très vite, au commencement de la lecture, viennent à l'esprit le compagnonnage avec Jack Kerouac et ses " Principes de prose spontanée " et " Croyance et technique pour la prose moderne "(1). En une longue litanie de principes et de préceptes, Lawrence Ferlinghetti croise vision de la poésie et vision du monde avec un zeste de philosophie bouddhiste, un zeste d'humanisme et un zeste de tradition.
Trois sections ponctuent ce petit livre : " Poésie, Art de l'Insurrection ", " Qu'est-ce que la Poésie ? ", " Prémonitions ", plus un petit texte clausule titré " La Poésie moderne est de la prose ". C'est un livre d'une poétique, un livre politique, " Si tu te dis poète, ne reste pas bêtement sur ta chaise. La poésie n'est pas une activité sédentaire, ni un fauteuil à prendre. Lève-toi et montre-leur ce que tu sais faire ", car l'appel est récurrent chez Ferlinghetti, il faut se lever et se remuer, mots et actes ensemblement, pour entrer en résistance poétique. Ces appels, ces emportées, ces sagesses, qui se croisent, ont une vertu stimulante, et n'ont pour dessein premier d'amener à une réflexion poussée de la poésie, mais à agir en poésie, pour paraphraser Raymond Carver : des vitamines du bon heur poétique.
Entre vision traditionnelle de la poésie (" la poésie tient la mort à distance "), parfois naïve (" la poésie donne des mots au cœur "), et une vision moderne (" Si tu veux être un grand poète expérimente toutes sortes de poétiques, grammaires érotiques barbares, religions extatiques, épanchements païens glossolaliques, et l'emphase des discours publics, les gribouillis automatiques, les perceptions surréalistes, les flots de conscience, sons trouvés, cris et récriminations - et crée ta voix limbique, ta voix sous-jacente, ta voix, la tienne "), tout lecteur, selon ses préférences esthétiques trouvera une flèche à poser à son arc ; et on posera des accords, ou des désaccords, sur la litanie en faveur d'un mouvement poétique insurrectionnel, mais on y puisera une fraîcheur qui contrevient magnifiquement, en temps de discours blasés sur le poétique : " Poètes, sortez de vos placards [...]/Poètes, descendez/dans les rues du monde une fois de plus " Pressentant une mort possible de la poésie, Lawrence Ferlinghetti s'insurge contre les premiers responsables, les poètes eux-mêmes.


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