"Nous ne serons pas d'obscures disparues
Nous ne disparaitrons pas."
Voilà une pièce que j'attendais avec impatience : au Théâtre 13 côté Seine, Laëtitia Guédon met en scène une adaptation des Troyennes d'Euripide. Un projet que j'ai eu la chance de suivre sur la longueur, depuis ma rencontre avec Laëtitia Guédon la saison dernière.
C'est au printemps dernier, au cours d'une interview, que la metteuse en scène, par ailleurs directrice du Festival au féminin, m'a parlé pour la première fois de cette pièce, des étoiles plein les yeux. Une création dans laquelle elle essayait d'intégrer les collégiens d'Aubervilliers auprès desquels elle anime des ateliers. Ce travail avec les élèves, j'ai pu le suivre il y a quelques semaines pour un un reportage diffusé sur France 3 Ile-de-France. Ici, je m'attacherai plutôt a vous parler de la pièce elle même.
Photo : © Alain Richard
L'adaptation d'abord, signée Kevin Keiss (également interprète du chœur et du Coryphée dans la pièce). Une traduction et une adaptation à la langue d'aujourd'hui qui font de ce texte quelque chose de parfaitement audible sans trop le simplifier. La poésie des mots, le caractère élégiaque de l'ensemble demeurent. En cela cette adaptation est fort bien réussie. On y retrouve la douleur de ces Troyennes, seules survivantes de la ville après la victoire des Grecs au bout de 10 ans de guerre. Hécube, Cassandre, Andromaque ... transformées en butin, elles attendent de connaitre leur funeste destin : de quel guerrier victorieux deviendront-elles chacune l'esclave ?
Photo © Alain Richard
Elles ont le visage maculé de cendres, des vêtements en lambeaux. Autour d'elles, le plateau est presque nu - rien ne reste de leur cité - et l'obscurité règne. Tour à tour, elles s'expriment, invoquent les dieux, les maudissent ... La mise en scène se veut contemporaine - morceaux de beatbox compris - histoire de nous rappeler que ce texte vieux de presque 2500 ans est toujours d'actualité. Ces Troyennes, ce pourrait être vous, moi : des femmes arrachées à leur cité qui vivront l'exil et l'errance. L'histoire se répète à l'infini et l'on se surprend à faire un rapprochement avec les 200 lycéennes nigériannes enlevées par Boko Haram.
En cela, le message des ces Troyennes devient universel et intemporel. Leur sort, elles l'affrontent le front relevé. Loin d'être des victimes, ce sont des combattantes qui nous livrent en testament un message de résistance à la barbarie. Et l'on ne peut qu'admettre qu'effectivement il y a une grande vitalité dans ce "chant de deuil". On ressort de ce spectacle touchés par la tragédie de ces femmes mais en même temps emplis d'espoir et de passion pour la vie.
Troyennes - Les morts se moquent des beaux enterrements de Kevin Keiss, d'après Euripide, mise en scène Laëtitia Guédon. Avec Blade, Mounya Boudiaf, Kevin Keiss, Adrien Michaux, Pierre Mignard, Marie Payen, Valentine Vittoz et Lou Wenzel. Au Théâtre 13 côté Seine (Paris 13e), mardi, jeudi et samedi à 19h30, mercredi et vendredi à 20h30, dimanche à 15h30, jusqu'au 14 décembre 2014.
1h45 sans entracte - à partir de 14 ans