Magazine Cinéma

Grizzly, le piège de l’anthropomorphisme

Par Rémy Boeringer @eltcherillo

Grizzly, le piège de l’anthropomorphisme

Grizzly est le dernier-né des documentaires animaliers Disney, réalisé une fois de plus par Alastair Fothergill et Keith Scholey. Les réalisateurs apporte un documentaire enfantin et généraliste sur une année d’une famille de grizzlis en Alaska, n’apprenant pas grand choses et passant à côté de l’essentiel, s’embourbant dans un sentimentalisme anthropomorphique.

Peut-être est-ce parce que nous avons vu le magnifique Terre des Ours de Guillaume Vincent, en début d’année, mais Grizzly ne nous aura procuré aucune émotion. Là ou Terre des Ours sondait les angoisses de l’humanité à travers des espèces qui symbolisait à elle seule la souffrance induite par la chaîne alimentaire et la perpétuation de la vie, Grizzly évoque un monde gentillet où les Ours sont des nounours affectueux, ne faisant que survoler par instant ces notions pourtant si fondamentale. Les ours que l’on suit sont nommés par la voix off (John C. Reilly) par des noms anglophones, Scout, Amber et Skye. La voix française nous fait amèrement regretter Marion Cotillard. Cette voix-off se fait omniprésente et ramène Grizzly au niveau d’un reportage safari télé alors même que l’immersion devrait être le cœur d’un tel projet cinématographique.

Grizzly, le piège de l’anthropomorphisme

Scout, Skies et Amber

Outrancièrement anthropomorphe, Grizzly ne se soucie que de la famille d’ours et leur prête des intentions humaines, essayant au maximum de les rendre agréable au public parce que ce sont les stars du films. Quelques méchants bien placés sont là tels le renard ou le loup. Le cas des saumons qui se sacrifient par milliers pour retrouver leur source avant de mourir n’est même pas effleuré. De nos jours, où la nécessité de comprendre la vie, sa pérennisation, sa magie et sa part d’absurde, devient de plus en plus prégnante, il est dommage de s’arrêter à une « chouette » histoire d’amour filiale alors que tellement d’enjeux se jouent. Certes la voix-off nous dit de temps à autre que les oursons risquent de ne pas passer l’hiver mais toujours pour éluder immédiatement la question par une fin heureuse. Disney tente de donner des traits de caractères humains : la joie, l’amour, le courage et la peur par exemple. Parfois attendrissant, les événements pris sous cette angle semblent surtout niais. Mais finalement, cette démarche éloigne ces ours de nous car la seule chose qui nous lient réellement aux autres espèces, c’est la perpétuation de la vie pour elle-même (et non pour nous), un cercle insolent dont personne n’échappe. Si l’amour transcende beaucoup de sentiments humains, c’est probablement parce qu’il est le plus apte à assurer notre reproduction. C’est cela qu’aurait gagné à illustrer Grizzly dans le rapport entre Skies et ses enfants.

Grizzly, le piège de l’anthropomorphisme

Scout, Skies et Amber

Grizzly n’est pas un mauvais documentaire mais c’est un sacré mauvais film. Didactique, il ne prend pas le temps de montrer la « sublime absurdité » du règne de la vie. Il plaira aux enfants qui identifieront la famille ursidé aux peluches de leur chambre. Pour les amateurs de natures, de grands espaces et aussi de philosophie, nous vous conseillons bien davantage Terre des Ours.

Boeringer Rémy

Pour voir la bande-annonce :


Retour à La Une de Logo Paperblog

A propos de l’auteur


Rémy Boeringer 8262 partages Voir son profil
Voir son blog

Magazines