Ils seront ainsi cueillis par l'exposition "The Parisianer" qui se déroule actuellement et jusqu'à la fin de l'année à la librairie Candide (1 place Brugmann précisément). Elle présente vingt des originaux du livre graphique "The Parisianer" (10/18, 152 pages), riche, lui, de 127 illustrations, qui vient juste de sortir.
"Quoi? Une nouveauté?", me glissez-vous dans l'oreillette. "Ce livre existait déjà."
Bien sûr, vous avez raison, mais je n'ai pas tort.
La version 10/18 est une édition revue et augmentée du livre qui a été coédité sous le même titre par l'association La Lettre P et les éditions Michel Lagarde l'an dernier. Sorti à l'occasion de l'exposition des originaux à la Galerie de la Cité internationale des Arts de Paris en décembre 2013, il est arrivé en librairie en mars 2014. Mais, pfffuuiiittt, de ces 1.700 exemplaires, il n'en reste aucun.
The Parisianer, Julien Phoque. (c) 10/18.
Le livre "The Parisianer" rassemble donc largement plus de cent couvertures d'un magazine imaginaire célébrant Paris, hommage superbe au "New Yorker" dont il pourrait être la version française. L'ouvrage est extrêmement réussi et propose un portrait multiple, kaléidoscopique, de la ville lumière, loin des clichés de base. On y voit bien sûr des Tour Eiffel, des métros, des touristes japonais et des pigeons mais, entre cinq selfies et cinq fois plus de graffitis, on y découvre surtout un formidable élan pour cette ville à laquelle on n'échappe pas. C'est au moins de l'intérêt, souvent de l'amitié et même régulièrement de l'amour. Ce recueil d'images superbes permet de savourer une multiplicité de visions posées par des artistes contemporains, dont aucun, paradoxe amusant, n'a dessiné de couverture pour le vrai "New Yorker".The Parisianer, Aurélie Pollet. (c) 10/18.
Le projet a été graphique dès le départ. Il s'agissait de l'exposition de 500 m2 à la Cité des Arts. Ayant bénéficié d'une année pour la monter, les artistes Aurélie Pollet et Michael Prigent ont invité une centaine de leurs pairs à leur dessiner un ou des Parisiens. Mais avec des consignes. "Un brief commun a été envoyé aux illustrateurs", m'explique Aurélie Pollet, venue à Bruxelles pour le vernissage de l'exposition chez Candide. "Il comportait le format, la technique, plutôt classique pour rendre hommage au "New Yorker", et surtout la demande d'un Paris positif, même si celui-ci était décalé ou humoristique. Histoire de sortir de l'habitude de critiquer continuellement Paris. Des croquis préparatoires étaient aussi demandés, pour éviter les redondances et les clichés."The Parisianer, Michael Prigent. (c) 10/18.
L'artiste se souvient de la période où arrivaient les croquis: "C'était Noël tous les jours. Nous avons eu des très bonnes surprises, des points de vue justes, efficaces tout de suite. Quelques images clichés qui ont été tout de suite revues quand nous avons proposé aux auteurs d'aller plus loin."The Parisianer, Martin Jarrie. (c) 10/18.
Si le talent des artistes sélectionnés est réel, on est parfois surpris de découvrir plein de nouveaux noms en plus d'auteurs de livres pour enfants ou de dessinateurs de presse connus, Edmond Baudoin, Serge Bloch, Marc Boutavant, Martin Jarrie, Gwendal Le Bec, Jean-François Martin, Aude Picault, Olimpia Zagnoli, pour ne citer qu'eux."Au début du projet", reprend Aurélie Pollet, "nous avons choisi des artistes que nous admirions ou que nous connaissions, parce qu'ils sont des références ou parce que nous avons découvert leur travail. Nous avons activé notre réseau. Plein d'entre eux viennent de l’école des Arts Décos à Paris, du cinéma d'animation, comme nous. Mais certains ont voulu tenter autre chose comme Catherine Meurisse qu'on connaît dans d'autres genres. Tous ont un rapport à Paris même s'ils n'y habitent pas ou plus. J'ai moi-même passé dix années de mon enfance en Belgique. Dominique Corbasson, par exemple, vit à Bruxelles." Occasion aussi de se rendre compte en tournant les pages des familles que compte l'illustration et de ses héritages heureux.
Le livre est arrivé ensuite lors d'une rencontre avec l'éditeur et agent d'illustrateurs Michel Lagarde. "Faire le livre a été notre plaisir", sourit Aurélie Pollet. "C'était la partie artistique du projet, associer ces images ouvertes. C'est pour cela qu'il n'y a pas de pagination, pour que chacun puisse se promener dans les pages."
Il y a toutefois des chapitres, introduits chacun par une citation, qui donnent du rythme, une respiration.
The Parisianer, Quentin Vijoux. (c) 10/18.
La nouvelle édition enrichie a permis d'ajouter quarante nouveaux auteurs, dont les deux Belges Tom Schamp et Brecht Vandenbroucke, "afin d'enrichir les chapitres et d'en ajouter un, "Les Mystères de Paris", plus onirique", précise Aurélie Pollet.Michel Lagarde m'explique qu'après l'épuisement de la première édition de "The Parisianer", coédition de La lettre P et de ses propres éditions avec deux versions de couverture, une de Thomas Baas et une de François Avril, il a été contacté par Bénédicte Hadrien de 10/18 pour le reprendre dans une version augmentée. Cette fois, le tirage est de 20.000 exemplaires; le prix inférieur à 20 euros pour un ouvrage de cette qualité vaut d'être signalé.
Quant aux couvertures des deux Belges, apparues dans la version deux, elles sont exposées à la librairie Candide que tient Eric Haegelsteen. Il me dit: "Quand j'ai vu le livre de Michel Lagarde, avant même la réédition en 10/18, j'ai voulu faire venir le projet ici. Ce qui m'a plu, c'est la diversité des regards sur Paris. Pour l'exposition à la librairie, j'ai choisi vingt illustrations sur un échantillon de cinquante."
A noter la vente de vingt-sept reproductions encadrées en format 30 x 40, produits dérivés intelligents du livre original.
Deux anecdotes d'artistes
The Parisianer, Vincent Bergier. (c) 10/18.
Vincent Bergier"J'avais acheté un parapluie à Monoprix, très solide, que j'ai malheureusement perdu. J'ai racheté un autre parapluie qui ne valait rien, qui s'est retourné tout de suite. Je me suis dit qu'on n'est pas égaux devant la pluie. J'ai choisi cette anecdote de la vie quotidienne pour en faire une sorte de chorégraphie parisienne avec le paradoxe que je représente une scène de pluie sans une goutte d'eau."Une autre histoire de parapluies, c'est celle de l'autre Belge, Brecht Vandenbroucke.
Tom Schamp"L'idée me plaisait car je connais bien les couvertures du "New Yorker". Personnellement, j'ai travaillé en collages sur les liens entre Paris et New York. J'ai même fait mon dessin le 14 juillet!J'ai dessiné une fille puisqu'on dit "une" tour Eiffel. Elle va d'une ville à l'autre, comme pour rencontrer la Statue de la Liberté. Elle fait le voyage de la France aux Etats-Unis."Aux pieds de la tour-jeune fille, plein d’éléments symbolisent chacun des deux pays.
A noter que Tom Schamp devrait être en dédicace chez Candide le samedi 13 décembre.