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La princesse de Clèves ou l’identité spéculative du Désir et du Devoir

Publié le 14 novembre 2014 par Cdsonline

princesse-de-cleves-1960-03-g"Ce que je crois devoir à la mémoire de M. de Clèves serait faible s'il n"était soutenu par l'intérêt de mon repos; et les raisons de mon repos ont besoin d'être soutenues par celles de mon devoir."
(Madame de Lafayette - La Princesse de Clèves)

Si j'avais encore des étudiants en art graphique qui sachent lire, je leur donnerais ce texte à étudier pour qu'ils en élaborent une transposition visuelle.

C'est un livre clé qui présente de façon simple (et donc belle!) des notions complexes:

1/les arcanes du désir, et particulièrement du désir féminin

2/ les idées fausses sur le "sacrifice" qui lui sont souvent corrélées

3/ la manière dont la Loi soutient le désir

4/ le plaisir comme structure de bord d'une jouissance impossible (et dont on ne puisse pas se dépêtrer...

Lumineuse Madame de Lafayette !

(Je me souviens de certaines discussions entre devoir, désir et Loi... Le paradoxe final c'est que la Loi EST désir. Encore faut-il faire le chemin soi-même jusque là, et pas qu'une fois...)

La cure telle que l'envisage Lacan ne conduit nullement à "sacrifier" quoi que ce soit, la castration symbolique étant à l'opposé de toute notion de sacrifice, le sacrifice étant toujours une attraction mortifère, parfois irrésistible, commandée par le surmoi et destiné aux "dieux obscurs"...ce qu'avait parfaitement bien compris Madame de Lafayette qui en savait un bout sur le côté passager de l'amour mâle, et la subtilité du désir féminin dans l'antagonisme qui relie jouissance et plaisir.

On pourrait presque dire qu'une psychanalyse correctement menée est le patient apprentissage de pouvoir résister, au moment crucial, à la quasi-irrésistible tentation de "se" sacrifier, autrement dit de sacrifier son sujet.

(La maladie d'Alzheimer par exemple n'est-elle pas exemplaire de ce sacrifice, en pure perte, du sujet? Une chose est sûre, c'est que Madame de Lafayette, elle, ne risquait pas Alzheimer. Même si cela avait été déclaré contagieux par les "autorités"...)

La "renonciation" de la Princesse de Clèves n'a rien à voir avec ce geste fou au moyen duquel le sujet tente de compenser la culpabilité imposée par l'impossible injonction surmoïque, il ne répond PAS de la logique du "sacrifice" destiné à (se) prouver l'existence de l'Autre...

Elle est prête á payer le prix de sa "paix" intérieure non pas en sacrifiant son désir, mais en posant une borne à sa jouissance, la Loi symbolique étant du côté du principe du plaisir et fonctionnant comme un rempart à la fatale attraction du Réel traumatique.

Disons que Madame de Lafayette campe la position éthique de la première héroïne moderne de la littérature, d'autres lui emboîteront le pas…

Alors comment interpréter cette assertion incroyable que "le désir et la Loi c'est la même chose" ?

Est-ce que cela veut dire que la loi est là pour contenir les manifestations destructrices du désir individuel, aux dépens du désir des autres ?

Pas exactement, non. La Loi est inhérente au désir, pas seulement dans l'acception la plus courante où suscitant sa transgression elle contribue à l'émergence dudit désir (version Bataillenne pourrait-on dire…) mais encore dans la mesure précise où le désir lui-même constitue in fine une défense, un bord contre l'attirance d'une jouissance traumatique marquée du sceau du Réel traumatique...

("Le désir est une défense d'outrepasser une limite dans la jouissance" Lacan - Subversion du sujet et dialectique du désir dans l'inconscient freudien)


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