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Passé imparfait

Publié le 14 novembre 2014 par Adtraviata

Passé imparfait

Quatrième de couverture :

Lorsque commence cette histoire, le narrateur est sans nouvelles de Damian Baxter depuis près de quarante ans. Inséparables durant leurs études à Cambridge, leur indéfectible amitié s’est muée en une haine féroce, suite à de mystérieux événements survenus lors de vacances au Portugal en 1970. Aussi, le jour où notre homme reçoit une invitation de Damian, la surprise est-elle de taille. Après des retrouvailles déconcertantes dans un magnifique manoir de la campagne anglaise où Damien vit seul, entouré de son personnel, ce dernier fait à son invité une révélation inattendue : il est atteint d’une maladie incurable et n’a pas d’héritier à qui léguer son immense fortune. À moins que… Quelques années auparavant, une femme lui a adressé une lettre anonyme dans laquelle elle prétendait qu’il était le père de son enfant. Une femme rencontrée entre 1968 et 1970. Damian propose alors à notre héros de partir à la recherche de ses anciennes conquêtes, cinq jeunes filles de bonne famille que les deux amis ont fréquentées dans le Londres des Swinging Sixties. C’est le début d’un voyage vers un passé plein de fantômes, de secrets et de révélations surprenantes.

Retraçant l’évolution de la haute société anglaise depuis la fin des années 1960, Julian Fellowes dresse le tableau d’une classe et d’un pays en pleine mutation. Il nous offre surtout un personnage inoubliable qui, au rythme de révélations qui le bouleverseront tout autant que le lecteur, va peu à peu prendre conscience que si les temps ont changé, lui aussi.

C’est dans un monde vraiment à part que nous emmène Julian Fellowes, sans doute le double parfait du narrateur de son Passé imparfait. Le monde de la haute société anglaise, de l’aristocratie, qu’il met en scène à la fin des sixties. Si, pour le commun des mortels (c’est-à-dire moi), les sixties évoquent les Beatles, les Rolling Stones, le concile Vatican II, mai 68 (ah tiens c’est aussi la décennie de ma naissance), il n’en va pas du tout de même pour les lady Claremont, lord Belton et autre sir Rawnsley-Price de son roman. Ceux-ci sont en train de vivre, souvent sans s’en rendre compte, leurs dernières heures de gloire et de luxe fastueux, car ce monde doré est en train de s’effondrer et ils verront bientôt leurs propriétés se diviser, voire se vendre, leurs fortunes se ratatiner et leur statut social s’effilocher. Mais en attendant, ils continuent à vivre leurs obligations sociales, en particulier organiser les bals et autres thés dansants de « la Saison », calendrier riche en émotions (et en vacheries) où les jeunes filles devront trouver un prétendant digne de leur rang. Cette année-là (comme chantait Cloclo), en 1968, un « intrus » parvient à se glisser dans le club très fermé des débutantes et de leurs soupirants. C’est Damian Baxter, que nous retrouverons quarante ans plus tard, alors qu’l est mourant.

Car le véritable intérêt du roman, comme l’explique Julian Fellowes lui-même dans cette interview (tirée du site de Paris-Match), ce sont ces aller-retour incessants entre le passé et le présent, c’est permettre au lecteur d’accompagner le narrateur (qui ne porte pas de nom) dans sa recherche de six jeunes femmes qu’il a très bien connues lors de cette saison 68. Une quête bourrée de nostalgie (que sommes-nous devenus ? qu’avons-nous fait de nos rêves ? avons-nous fait perdurer le monde de nos parents ?) mais non dénuée d’humour, un humour forcément très british, de ce regard noir que l’Anglais est capable de poser sur lui et sur sa société presque engloutie.

Dans ce jeu de flash-back, tout ce monde aristocratique passe à la moulinette : le port de la queue-de-pie ou de la jaquette, la loge royale à Ascot, l’épaisseur des cartons d’invitation, les quartiers chics de Londres en 1968 ou la décoration des manoirs,  tout est disséqué avec une précision extrêmement bien documentée par Julian Fellowes. Normal, il appartient à ce monde… (Et puisque le bandeau de la couverture fait référence à Downton Abbey, si on connaît la série, cela donne encore un éclairage supplémentaire au drame que sont en train de vivre ces grandes familles à la fin des années 60.( Cela donne parfois quelques longueurs au roman, mais cela se lit facilement, et puis l’auteur ménage un suspense dont on a envie de découvrir la clé que l’on sait attendre jusqu’à la fin. L’humour et quelques moments d’émotion, comme le destin de Joanna, agrémentent le voyage dans le passé et nous serrent la gorge de retour au présent. Et puis ce narrateur est bien attachant… De quoi passer un bon moment au long de ces quelque 650 pages…

J’y ai trouvé une nouvelle perle que je vais pouvoir ajouter à ma collection « La réputation des Belges chez les écrivains étrangers » : (en parlant de l’éducation des filles à l’époque) « En revanche, les parents raclaient leurs fonds de tiroir pour pouvoir envoyer leurs fils à Eton, Winchester ou Harrow, tandis que leurs soeurs se retrouvaient sous la tutelle d’une comtesse belge alcoolique qui enseignait essentiellement l’art de ne pas enquiquiner ses parents. » (p. 116)

Julian FELLOWES, Passé imparfait, traduit de l’anglais par Jean Szlamowicz, Sonatine Editions, 2014

L’avis d’Anne Souris

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