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[Critique] '71

Publié le 16 novembre 2014 par Pauline R. @Carnetscritique

Sorti le 5 novembre 2014.

Réalisé par Yann Demange.

[Critique] '71

     '71 nous projette violement au cœur du conflit entre catholiques et protestants d’Irlande du Nord, dans la ville de Belfast, au début des années 70. Le film relate 24 heures de la vie d’un jeune militaire, Gary Hook, envoyé avec son régiment comme renfort pour sécuriser la ville. Mais Gary, blessé, se retrouve séparé de son unité lors d’un affrontement avec des indépendantistes. Commence alors une course contre la folie des hommes et contre la mort.

  L’unité de temps du film est courte et plonge le spectateur dans la terreur si particulière de la guerre civile. Gary passe par toutes les étapes de l’horreur pendant cette journée. On le suit, on partage sa traque et on découvre alors la population de Belfast, divisée entre l’IRA, la loyauté au gouvernement britannique , l’humanisme et la délation. Le « mauvais » irlandais qui aide le soldat anglais, pourtant gravement blessé, côtoie tous les jours les membres actifs et souvent sans scrupule de l’IRA. On frappe au hasard, sans se soucier des êtres qui tombent. Le film décrit également les luttes internes au sein de l’IRA, concernant les actes politiques et/ou inacceptables, choses dont on parle peu au cinéma.

  La caméra de Yann Demange, dont c’est le premier film, est profondément mobile. Elle suit, bouscule, parfois à outrance, mais toujours en collant aux mouvements ou aux respirations de son personnage principal. L’oppression est tout d’abord dans la ville, avec des plans symétriques, plutôt calmes. Puis, lorsque Gary est touché et obligé de fuir, la caméra ne s’arrête plus. Steady cam, caméra portée, embarquée sur une moto, ou encore accrochée à des filins constituent l’éventail des techniques utilisées pour que l’a caméra « colle » à Gary. Alors qu’il change sans cesse de lieu pour survivre, quelques pauses permettent de voir les décors typiques de l’époque, les costumes, de développer les relations avec les personnes qu’il rencontre. Le scénario, très bien écrit , est percutant et prend la forme d’un thriller dans la vie réelle. Les dialogues sont rares, les accents s’entrechoquent (la version française ne permettra pas de prendre conscience du mélange des genres !). Il émane du film une grande maîtrise, qui fait écho à Green Zone (Paul Greengrass, 2010): une caméra nerveuse, pertinente, qui nous jette la réalité en pleine tête, pour nous faire réfléchir et nous secouer, à tout point de vue. Mais à la différence du film de Greengrass, Demange choisit ici un très jeune soldat, frappé de plein fouet par la solitude, la peur et complètement abasourdis par ce qui lui arrive. L’identification est alors facile pour n’importe quel spectateur, obligé de se projeter dans cet enfer, de compatir avec le sort de Gary. Et l’absurdité de ce conflit est évidente et nous bouleverse. L’acteur Jack O’Connell (Gary) est impeccable, puissant, sensible et fait parfaitement passer les émotions qu’un jeune homme déboussolé peut ressentir en territoire ennemi et inconnu.

  On passe avec ‘71 un vrai moment de cinéma, haletant et intelligent. Yann Demange, par sa maîtrise, donne toute la force qu’il faut à l’état de guerre qu’il filme, sans jamais tomber dans le cliché ni le film d’action bête et méchant. Bravo et longue route !

                         Pauline R.


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