Un pur instant de poésie qui remet de l’humain dans nos vies avec profondeur et humour.
L’auteur Eugène Durif, écrivain, dramaturge et poète du quotidien des grandes joies et petites peines (ou l’inverse) crée, avec les 3 acteurs/musiciens/chanteurs qui lui donnent la réplique, un univers sensible qui m’a emportée, a nourri mon imaginaire et reliée à ceux et celles que j’ai croisés furtivement ou longuement.
Vous retrouverez la pièce « Le désir de l’humain » dans le dernier livre d’Eugène Durif, paru aux éditions « La rumeur libre », en novembre 2014, « Au bord du théâtre », Tome 1.
Extraits pages 319 et 320
JE VOUDRAI PARLER POLITIQUE, JE NE SAIS PLUS TROP QUOI EN DIRE. J’AIMERAI AVOIR DES CERTITUDES, CHANGER LA VIE, TRANSFORMER LE MONDE, ET TOUT CA…
Je voudrai parler d’amour, mais dès que j’essaie, tout ce que je voulais dire m’a déjà filé entre les doigts, et l’amour avec.
De quoi je pourrais parler moi ?
D’art, mais l’art est mort, c’est bien connu.
Finalement, la seule chose dont j’arrive encore à parler, et qui m’intéresse un petit peu, c’est de moi.
Mais en quoi ça peut vous intéresser ?
Non, mais c’est vrai ça, en quoi ça peut vous intéresser ?
Je voudrais parfois savoir parler du bonheur que j’ai de vivre sans avoir l’air d’un con ou d’un ravi de la crèche. Dès que j’essaie, les mots me manquent.
Je me vois, je m’entends, c’est catastrophique. Niaiserie idyllique… Me voilà condamné à tous les clichés.
Avec la souffrance, toujours, j’ai les mots justes. Mais alors là, le bonheur, le bonheur, je ne vois pas comment dire ça, j’ai l’impression même que c’est obscène. Et qu’à parler de bonheur, on va attirer à soi, à coup sûr, tout le malheur du monde, comme un paratonnerre un peu ridicule.
Alors je mets mon bonheur dans la poche et un mouchoir dessus. Et surtout, j’essaie de ne pas trop bouger, de ne pas me faire remarquer.
Il y a quelques années, j’aurais crié partout, il y a du bonheur, du bonheur et rien d’autre, approchez-vous, on va partager, ça va être bien, mais là, maintenant, motus et bouche cousue, j’essaie de préserver ça un petit moment au moins, rien que pour moi tout seul. De toute façon, ça ne dure jamais bien longtemps, ça se dissipe si vite que je ne suis pas sûr, que rien qu’à l’approcher, il ne m’aurait pas déjà filé entre les doigts…
Alors, pour le bonheur, on fait comme si je n’avais rien dit…
Chut, non, je n’ai rien dit, non mais il n’y a pas écrit bonheur, là, non mais pour qui vous me prenez ?
MAIS PEUT-ON CHANTER DANS LE MALHEUR ?(…)
Théâtre de La Girandole du 17 au 24 novembre 2014
Avec Eugène Durif, Karine Quintana (accordéon, chant), Nathalie Goutailler (cornet, chant), Bruno Martins (contrebasse, chant). Mise en scène : Jean-Louis Hourdin