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Les balbutiements chroniques de Sophie Torris…

Publié le 20 novembre 2014 par Chatquilouche @chatquilouche

Gent Chat,

chat qui louche maykan alain gagnon francophonie
Nous sommes en l’an de grâce 2014 et pourtant ça puire* ! J’ai peur pour ma géniture. Mes fillots sont en train de grandir, persuadés qu’ils ne valent pas un sesterce, qu’ils seront incapables d’amour courtois et prêts aux plus basses félonies pour battre le velours*.

S’il est de bon aloi de confronter le vil couillu qui force le chemin des rondes, celui qui pénètre sans vergogne leurs meurtrières pour y déverser l’huile de ses reins, peste soit de cette croisade peu orthodoxe qui a encouragé dernièrement cette dérive de dénonciations et qui catapulte sur tous les fronts une image bien fourbe de l’homme !

Mortecouille ! Voilà qu’au lieu de rimer avec ripaille, le sexe se décline tout en peur, en violence et en contrainte. J’en suis toute déconfite, gent Chat. On veut nous faire croire que la majorité des Sarrasins sont terroristes, que la majorité des blondes sont nigaudes, que la majorité des curés sont pédophiles et, le jourd’hui, que la majorité des hommes sont de rustauds fornicateurs. Corne de bouc, serait-on encore au Moyen-âge ? Attention, je n’excuse point ces gredins qui esforcent les jouvencelles sans défense et je sais fort bien qu’ici, ailleurs et en tout temps, le blason de moultes femmes a été profané. Ces pendards sont trop nombreux et ils méritent châtiment. Ce que je déplore céans, c’est cet acharnement à chercher des noises à tous les membrus, ce sont ces condamnations anonymes sans aucune forme de procès.

Je suis mère et si l’on touchait à un cheveu de mes fillots, oyez-le bien gent Chat, j’appliquerais sans respit la loi du Talion. J’occirais ! Et pourtant, je suis contre la peine de mort. Qu’y a-t-il de bon à faire justice soi-même ? Comment l’harmonie peut-elle naître d’un processus violent, d’une joute de masse aussi instinctive, qui plus est sur les médias sociaux ? Faut-il être à ce point radical pour faire changer les choses ? Je conçois bien que ce soit libérateur, mais n’est-ce pas également emprunter la voie de toutes les débandades ?

À chacun son pays de Cocagne, à chacun son royaume. Je ne serai jamais mâle et vous ne serez jamais chatte. Par contre, nous sommes tous deux des êtres de pouvoir, et ce parfois indépendamment de notre sexe, de notre âge et de nos conditions socioprofessionnelles. Un troubadour sachant manier la langue peut enivrer une reine. Un royaume scellant de bonnes alliances aura plus de prestige. Je détiens une information que vous n’avez pas et j’ai de l’ascendant sur vous. L’homme que vous êtes m’attire et vous avez du pouvoir sur moi. Qu’y a-t-il de pathologique dans tout cela ? La déviance se tient uniquement dans l’abus de ce pouvoir.

Tout comme l’homme peut abuser de sa force, la femme peut abuser de sa faiblesse. Toutes les damoiselles qui se promènent le corset délacé et la cotte au ras du fessard ne sont pas volontairement sexuellement provocantes. Je me desnude moi-même l’été ou après les vêpres sans penser à mal. Reconnaître que certaines sont dévergoigneuses* n’impliquent pas que toutes le sont. De même que certains damoiseaux guignant ces tétins offerts ne sont pas abuseurs pour autant.

On dit des hommes qu’ils sont vassaux de leur guilleri*, mais je connais quelques coureuses de rempart, des sans-culottes peu farouches qui savent faire la révolution et qui grimpent la contrescarpe sociale, de prise de Bastille en prise de Bastille, sans faire de sentiments. Vous me direz alors que le chevauché était sans doute consentant. Je connais aussi des gentilshommes qu’une donzelle aigrie a salis de ses balivernes et qui, après avoir été innocentés, ne s’en sont jamais remis. Certes, ils se promènent sans crainte qu’on leur force la citadelle, mais les soupçons qui pèsent désormais sur leur pont-levis les empêchent de redresser la tête.

Je suis contre toute forme d’abus. Voilà pourquoi je juge peu orthodoxe cette croisade

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féminine de délation en masse.

Nous sommes en l’an de grâce 2014 et mes fillots deviennent des hommes forts. Ils seront bons comme la majorité des hommes, parce qu’il est des mères qui enseignent le respect et qui savent, par amour, imposer des limites. Il est là mon pouvoir de femme, mon pouvoir de mère. Est-ce en abuser que de faire montre d’un peu d’autorité ?

Que trépasse si je faiblis.

Sophie

*Ça puire ! : Ça pue !

*Battre le velours : Faire l’amour.

*Dévergoigneuse : Dévergondée, sans gêne.

*Guilleri : Pénis.

   Notice biographique

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Sophie Torris est d’origine française, Québécoise d’adoption depuis dix-sept  ans. Elle vit à Chicoutimi, y enseigne le théâtre dans les écoles et l’enseignement des arts à l’université. Elle écrit essentiellement du théâtre scolaire et mène actuellement des recherches doctorales sur l’impact de la voix de l’enfant acteur dans des productions visant à conscientiser l’adulte. Elle partage également une correspondance épistolaire avec l’écrivain Jean-François Caron sur le blogue In absentia. (http://lescorrespondants.wordpress.com)

(Une invitation à visiter le jumeau du Chat Qui Louche :https://maykan2.wordpress.com/)


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