Treize courtes histoires d'avant l'Indépendance, denses, terribles, vraies. Treize destins de femmes de toutes origines et religions, toutes murées dans leur dépendance vis-à-vis des traditions, de leur famille, des préjugés, du combat politique.
L'époque semble tellement lointaine pour nous et pourtant : Halima la laveuse ressemble tellement à ma propre grand-mère venue à pied de l'autre côté des Alpes, qui marchait de villa en villa, elle aussi, pour faire la lessive des « riches », les mains gercées plongées dans l'eau froide et touillant avec un grand bâton les immenses baquets fumants. Son histoire fut moins triste que celle de la pauvre Fatiha qui économise sou à sou pour acheter une maison et meurt sous les coups de son mari pour avoir voulu récupérer les pièces d'or qu'elle avait cachées. Plus insouciantes, ces filles-fleurs dans leurs jupons empesés froufroutants sous des jupes en Vichy rose et blanc, qui vont danser dans les surprises-parties pour trouver un mari convenable … exactement comme en Métropole à la même époque. Il y a aussi cette petite fille perdue après une manifestation pacifique des Algériens de Paris, recueillie par un jeune couple qui remuera ciel et terre et parcourt tous les bidonville pour retrouver sa famille.
Il n'est pas nécessaire d'écrire des kilomètres pour transmettre l'émotion et le chagrin, mais il faut le style : imagé, pur, sincère. Pour que nul n'oublie la détresse de cette petite bonne femme blonde qui se croit comblée par la vie et découvre la trahison ou pour partager le sort de la petite Leïla, lapidée par ses frères pour une question d'honneur …
Michèle Perret, la linguiste distinguée, la médiéviste diplômée qui met à la portée des jeunes générations les grands textes du Français ancien, nous replonge - après Terre du vent - dans un monde colonial oublié, fait de générosités et de mesquineries, de poésie et de cruauté … Peu de pages, beaucoup d'émotion.
D'ocre et de cendres, Femmes en Algérie (1950 – 1962), édité par L'Harmattan, collection Amarante, 113 p. 13€