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Orgueil et préjugés [Jane Austen]

Publié le 28 novembre 2014 par Charlotte @ulostcontrol_
Hello,
A première vue, ce livre ne m'intéressait pas du tout : je pensais que l'histoire serait barbante, ringarde, vue et revue, que les personnages seraient ennuyants à mourir et que le style serait indigeste. Et puis j'ai ouvert les premières pages, et force a été de constater que j'avais tout faux. Bref, j'ai enfin lu Orgueil et Préjugés

Orgueil et préjugés [Jane Austen]Orgueil et préjugés est le plus connu des six romans achevés de Jane Austen. Son histoire, sa question, est en apparence celle d'un mariage: l'héroïne, la vive et ironique Elizabeth Bennett qui n'est pas riche, aimera-t-elle le héros, le riche et orgueilleux Darcy ? Si oui, en sera-t-elle aimée ? Si oui encore, l'épousera-t-elle ? Mais il apparaît clairement qu'il n'y a en fait qu'un héros qui est l'héroïne, et que c'est par elle, en elle et pour elle que tout se passe.

L’histoire commence sur une scène de famille dans laquelle Mrs Bennet suggère à son mari d’aller rendre visite à leur nouveau voisin. En effet, Mr Bingley est un jeune homme « célibataire et très riche » auquel il serait tout à fait judicieux de proposer leurs filles. Car les Bennet ont cinq filles, presque toutes en âge de se marier, et le plus grand rêve de leur mère serait de marier ses filles à de riches héritiers. Tandis que Jane est immédiatement séduite par Bingley, Elizabeth a elle beaucoup de mal à supporter son ami Darcy. La suite de l’histoire est connue : entre manipulations, mariages arrangés et hypocrisie, les couples se formeront et se briseront et les sœurs Bennet entraîneront le lecteur dans leurs péripéties, leurs caprices, leurs doutes et leurs décisions.

D’abord, il y a l’histoire d’amour entre Jane Bennet et Charles Bingley. Elle permet non seulement de mettre en place les éléments qui vont rythmer l’intrigue, mais surtout de réunir Elizabeth et Darcy malgré eux. Les sœurs aînées Jane et Elizabeth sont celles qui mènent le récit, et le couple Elizabeth/Darcy est le couple qui suscite la curiosité du lecteur, mais on se rend vite compte que le seul personnage principal est en réalité Elizabeth Bennet.Tout au long de ce roman, on la suit et on observe en quelque sorte son apprentissage au cours duquel elle va essayer de s’affranchir des obligations sociales, du regard d’autrui et des attentes de sa famille pour se construire son propre bonheur. Elle n’entend pas que sa vie soit dictée par les expectatives de ses proches ni par les conventions sociales. Comme La Princesse de Clèves, Elizabeth Bennet tient compte de tout ce qu’on lui a enseigné, mais elle fait ses propres choix et prend des décisions qui ne regardent qu’elles, et cela dans un seul but : trouver son propre bonheur et s'épanouir.C’est une vraie héroïne romanesque : elle prend des risques, fait ses propres choix, est seule juge de ce qui lui arrive... en somme, elle est un être doué de raison.

« Veuillez m’accorer la liberté de juger pour mon compte et me faire la grâce de croire ce que je vous dis. » p.124 
« Ne me prenez pas pour une coquette qui prendrait plaisir à vous tourmenter, mais pour une personne raisonnable qui parle en toute sincérité. » p.125
Orgueil et préjugés [Jane Austen]
Elle sera ainsi confrontée à de nombreuses personnalités différentes et qui auront un point de vue opposé au sien : des sœurs bêtes, méchantes et uniquement soucieuses de leur intérêt personnel, un cousin imbu de lui-même et complètement soumis aux obligations sociales, une mère vénale... Elizabeth n'hésitera pas à faire valoir ses choix et ne reculera devant rien pour faire imposer ses propres idées et son individualité. En somme, elle prend le contrôle de sa propre vie et de son bonheur.

Je trouve que c'est un peu délicat de vous parler du style et de l’écriture de l’auteur étant donné que j’ai lu une traduction et non pas la version originale en anglais ; mais je peux quand même vous faire remarquer que j’ai été très surprise de voir à quel point le ton de l'auteur est ironique ! C’est comme si, à chaque mot, à chaque phrase, on sentait le regard de Jane Austen sur ses personnages et le jugement qu’elle portait sur eux.Regardez par exemple l’incipit du roman, ses premières lignes :
« C’est une vérité universellement reconnue qu’un célibataire pourvu d’une belle fortune doit avoir envie de se marier, et, si peu que l’on sache de son sentiment à cet égard, lorsqu’il arrive dans une nouvelle résidence, cette idée est si bien fixée dans l’esprit de ses voisins qu’ils le considèrent sur-le-champ comme la propriété légitime de l’une ou de l’autre de leurs filles. 
- Savez-vous, mon cher ami, dit un jour Mrs. Bennet à son mari, que Netherfield Park est enfin loué ? »
Jane Austen commence par nous mettre une bonne couche d’ironie avec l’expression « vérité universellement reconnue », et en rajoute encore avec le ton généraliste qu’elle continue d’adopter dans la suite du paragraphe (grâce au pronom indéfini « on » et les verbes conjugués à l'impératif notamment). Viennent ensuite les « idées fixes » et préconçues (que l’on « considère sur-le champ »), qui achèvent de montrer avec beaucoup d’ironie et de plaisanterie à quel point le monde dans lequel s’engage le lecteur est rempli de préjugés.J’adore ce paragraphe. C’est certainement un des meilleurs débuts de romans que j’ai eu l’occasion de lire ; je le trouve vif, dynamique, drôle, ironique sans être amer ou cruel, intelligent et prenant. Bref, j’adore.Orgueil et préjugés [Jane Austen]


Mais si l’auteur juge ses personnages assez sévèrement et est la première à se moquer d’eux, on sent aussi une certaine tendresse et sympathie d’Austen envers ses héros. Jamais de cruauté ni d’amertume. Oui, certains des personnages mis en scène sont bêtes, mais bêtes… Ils sont à un niveau de bêtise assez inédit. Malgré ça, j’ai quand même eu du mal à leur en vouloir ou à les détester vraiment, et cela est sûrement dû au fait qu’ils sont assez inoffensifs. En fait, ils sont tellement bêtes qu’ils insignifiants et que leurs actions sont vaines et infructueuses. Pas de vrai méchant dans cette histoire, juste des gens bêtes auxquels on ne peut pas vraiment faire de reproche au final, et c’est cela qui, selon moi, rend ce livre attachant et passionnant.Et enfin, il y a cette happy end qui nous met du baume au cœur et qui permet au lecteur de refermer le livre avec une pointe de nostalgie, et d’en garder un souvenir très tendre.Bref, vous l’avez compris, j’ai adoré ce livre. Je l'ai tellement aimé que je ne sais même pas si c'est un coup de cœur ou une énorme claque. Je l’ai trouvé très drôle et intelligent (de par son ironie), mais aussi très attachant, un peu comme si c’était un livre doudou. La palette de personnage proposée par Jane Austen est très intéressante, même si je trouve qu’elle est assez dualiste et qu’elle s’articule autour de l’intelligence : ceux qui en ont, et ceux qui en sont dépourvus (même si c'est un peu plus compliqué que ça). Après, ce type de « catégorisation » met en évidence les personnalités plus complexes et permet de ce fait au lecteur de se focaliser sur les personnages les plus intéressants (Elizabeth, Darcy, le père Bennet, Jane,...) et de vraiment s'y attacher.En définitive, je recommande ce roman à plein de monde : à ceux qui aiment les romances, les classiques, La Princesse de Clèves, qui ont envie de lire un roman drôle, ironique, intelligent ou dans lequel une femme a le premier rôle. Une belle histoire, très actuelle et qui inspirera sûrement beaucoup de femmes aujourd'hui.



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