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"Le Marchand de Venise" de Shakespeare / Pascal Faber / Le Lucernaire

Publié le 03 décembre 2014 par Mes Illusions Comiques @audreynatalizi

"Un théâtre où chacun doit jouer son rôle."

Pascal Faber nous avait enchanté avec sa mise en scène de Marie Tudor, en 2012 dans le cadre du festival Off d'Avignon. Cette fois-ci, c'est à Shakespeare qu'il s'attaque avec Le Marchand de Venise, à découvrir à Paris au théâtre du Lucernaire.


Photo © Julien Bielher

Pour sortir de la gêne son ami Bassanio et lui permettre de courtiser la femme qu'il aime, Antonio, marchand à Venise, contracte un prêt auprès de Shylock, un usurier juif. Mais Shylock exige une clause étrange pour ce contrat : en cas de non paiement de l'emprunt dans les délais, il prélèvera une livre de chair d'Antonio. Le marchand est confiant : ses bateaux seront bientôt au port, chargés de marchandises. C'est sans compter sur les naufrages ... Ruiné, Antonio ne peut régler la créance dans les délais. Pour le sauver, Bassanio qui a obtenu entre-temps la main de la belle et riche Portia, se présente devant le tribunal avec le double de la somme prêtée. Mais Shylock reste inflexible : le contrat doit être honoré.
Il n'est pas évident de monter aujourd'hui ce Marchand de Venise. Principalement parce qu'il y est question des relations entre juifs et chrétiens telles qu'on les concevait au 16e siècle. Des mots dont l'antisémitisme pourrait choquer aujourd'hui. Par l'habileté de sa mise en scène, Pascal Faber évite cet écueil. D'abord parce qu'il pose le contexte en préambule : l'action se situe à une époque où les juifs ne peuvent posséder des terres et sont obligés pour subsister de se livrer à l'usure. Une  pratique réprouvée par les chrétiens. Ils sont cantonnés dans un quartier et doivent porter un bonnet rouge lorsqu'ils se mêlent à la population. Par ces quelques mots, on comprend immédiatement la stigmatisation dont ils sont victimes. Mais Pascal Faber va encore plus loin : une première scène silencieuse dans laquelle on voit Antonio cracher sur Shylock. Dès lors, l'entêtement du juif à faire honorer le contrat s'explique par cette blessure et la rancune qu'elle engendre plus que par une propension à la haine inhérente à une quelconque appartenance religieuse.


Photo © Julien Bielher

Style épuré et intrigue resserrée : voilà la marque de fabrique de Pascal Faber. Par manque de moyens, certes, mais les pièces ainsi présentées se révèlent sous un autre jour. Le décor se résume à quelques accessoires - des caisses en bois - et plusieurs personnages ont été supprimés. Six comédiens se partagent ainsi l'affiche. En tête Michel Papineschi, magistral dans le rôle de Shylock. Il insuffle au personnage une dignité qui renforce le propos.

La pièce oscille entre cette intrigue centrale - dans le registre dramatique - et des passages plus drôles, tirant vers la farce, où l'on voit se succéder les prétendants de Portia. De quoi conférer un peu de légèreté à la pièce, qui sans cela serait bien sombre. 

Le Marchand de Venise de William Shakespeare, mise en scène Pascal Faber, traduction Florence Le Corre-Person. Avec Michel Papineschi, Philippe Blondelle, Séverine Cojannot, Frédéric Jeannot, Régis Vlachos, Charlotte Zotto. Au Théâtre du Lucernaire, du mardi au samedi à 21h30, dimanche à 17h, jusqu'au 4 janvier 2015. Réservations au 01 45 44 57 34. Durée : 1h35


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