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Dans la peau des stars

Publié le 04 décembre 2014 par Savatier

TattooStarEn 1968, sortit sur les écrans une comédie à succès de Denys de la Patellière intitulée Le Tatoué, dont le scénario s’était inspiré d’un roman d’Alphonse Boudard. Le film racontait l’histoire d’un antiquaire cupide (Louis de Funès) bien décidé à acquérir un authentique dessin de Modigliani tatoué sur le dos d’un ancien légionnaire misanthrope et haut en couleurs (Jean Gabin). A cette époque, sur le continent européen, le tatouage, dont la coutume remonte au néolithique, restait encore un marqueur social à connotation négative, porté par les truands, les marins, les prisonniers, les marginaux.

Aujourd’hui, cette pratique ne répond plus aux mêmes critères ; elle s’est largement répandue, démocratisée au point d’être devenue un phénomène socioculturel en pleine croissance, touchant 16% de la population française. Le tatouage s’impose comme un élément esthétique corporel à part entière, un moyen d'affirmation de soi, avec son univers propre, ses codes, ses créateurs, ses amateurs, ses détracteurs, ses lanceurs de mode. Sans doute, au premier rang de ceux-ci, figurent les artistes, appartenant notamment au monde du spectacle. C’est à ces derniers que Gilles Ganzmann vient de consacrer un essai, Tattoo d’une star ! (Editions Carpentier, 176 pages, 19,90 €).

En 25 portraits de personnalités médiatiques - chanteurs, acteurs, mannequins, sportifs des deux sexes - l’auteur décrit les motivations souvent intimes qui ont conduit les uns et les autres à franchir le cap (de l’inspiration sentimentale, spirituelle, militante ou contestataire à la revendication identitaire), décrypte le symbolisme des graphismes choisis et de leur emplacement, livre des anecdotes qui s’y rapportent.

Si certains se limitent à un ou quelques tatouages, parfois très discrets, d’autres les multiplient à l’envi ; se pose alors la question - peu abordée dans le livre, mais qui intéresse forcément tout amateur d’art - de la cohérence esthétique de l’ensemble, telle que peuvent l’atteindre les compositions traditionnelles japonaises d’un maître comme Horikazu, célèbre pour ses « bodysuits ».

Car autant le coquelicot arboré sur son épaule par Lio peut facilement faire sens, autant un assemblage de graphismes hétéroclites (chez Johnny Depp, par exemple) interroge sur sa lisibilité. Il semble, si l’on suit les explications plutôt convaincantes de Gilles Ganzmann, que chaque tatouage marque une étape de la vie, souvent chaotique, de celui ou celle qui le fait réaliser, d’où cette apparente incohérence plastique que seul le porteur serait en mesure d’expliciter. Le corps deviendrait donc un puzzle biographique, un « journal intime » écrit l’auteur, où s’invitent mots, phrases, dessins des plus variés (raffinés, gothiques, basiques, animaliers), références culturelles ou ésotériques, voire œuvres d’art, déclinés en monochrome ou en couleur.

L’ouvrage, bien illustré, se termine sur deux sections qui seront utiles aux novices désireux de pousser la porte d’un professionnel : une série de conseils techniques et pratiques d’abord, tous destinés à éviter les erreurs les plus fréquentes, puis un annuaire des « tatoueurs incontournables » français et américains qui, pour la plupart, comptent les célébrités citées parmi leurs clients.

Si les champs anthropologiques et ethnologiques liés au tatouage ont fait l'objet d'études assez nombreuses, il est clair que sa dimension artistique contemporaine reste un domaine à explorer et ce livre peut s'aborder comme une introduction à d'autres approches plus scientifiques, en particulier à l'exposition "Tatoueurs, tatoués" qui se tient au Musée du quai Branly jusqu'au 18 octobre 2015.


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