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Encrer, s'ancrer, Latifa Echakhch au Centre Pompidou

Publié le 04 décembre 2014 par Lifeproof @CcilLifeproof

Paris, Centre Pompidou, plusieurs expositions, celle qui m'a le plus touchée se situe dans l'espace 315 : Latifa Echakhch y expose des nuages suspendus, ils sont autant de réminiscences de la vie et du passé, mais pas uniquement... L'artiste nous conte une histoire avec laquelle on peut (ou non) créer des parallèles avec nous-mêmes et le monde dans lequel nous viv(i)ons.

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Vue de l’exposition Latifa Echakhch, L’Air du temps – Prix Marcel Duchamp 2013, Centre Pompidou, Paris, 2014. Courtesy de l’artiste et des galeries Dvir, Tel Aviv, Kaufmann Repetto, Milan, kamel mennour, Paris, Eva Presenhuber, Zurich

À l'entrée, on peut lire les légendes des différents encrages... Les titres des différents nuages donc. Derrière le mur, l'exposition.

Recto : on est face à des formes bossues, noires, suspendues, qui se balancent doucement en fonction de l'air qui circule. Par terre, devant chacun de ces groupes d'éléments éparpillés dans l'espace au niveau du sol, se trouve des objets partiellement noircis, partiellement encrés par l'artiste. Ici, des Que sais-je ?; là, une malle vide ouverte ; plus loin, L'air du temps, flacon de parfum de Nina Ricci ; mais on peut aussi voir des roses des sables partiellement encrées de noir, des pièces de puzzle mélangées, un bouquet de fleur dans son vase, une malle d'où s'échappe des photos de famille (elles aussi recouvertes de noir), une bouteille couchée dont le paysage réalisé par des couches de sable se déverse au sol, des cassettes VHS, etc. Tous les objets présentés dans l'espace 315 ont été choisis par l'artiste, ils ont tous une histoire, ils ont tous été sélectionnés pour leur caractère passé, dépassé, obsolète : « Les objets et matériaux que j’utilise sont choisis pour leur caractère banal et reconnaissable, ils me permettent de donner à voir des actions artistiques facilement appréhendables, et ainsi de montrer les failles critiques de ce qui nous entoure », nous dit-elle. Néanmoins, même s'il est vrai qu'ils sont identifiables et révolus, ils ne sont pas identifiables pour tous. Il y a de fortes chances (ou risques) qu'un enfant ignore ce qu'est une cassette VHS... et il n'a peut-être jamais vu un paysage en sable dans une bouteille en verre, déco typique des années 1980, si je ne m'abuse.

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Vue de l’exposition Latifa Echakhch, L’Air du temps – Prix Marcel Duchamp 2013, Centre Pompidou, Paris, 2014. Courtesy de l’artiste et des galeries Dvir, Tel Aviv, Kaufmann Repetto, Milan, kamel mennour, Paris, Eva Presenhuber, Zurich

On passe d'une forme bossue noire à une autre, suspendues près du sol, elles se balancent et devant elles se trouvent les objets évoqués précédemment. Quand on se tourne, les formes deviennent nuages : verso. Proches du sol, ces nuages se reflètent sur le parquet de l'espace 315 et créent un paysage poétique. Ce que Latifa Echakhch a créé au Centre Pompidou, ce n'est pas seulement une installation mais un véritable paysage. Quand elle est face à un espace à investir elle ne pense pas l’œuvre en tant qu'elle-même, mais en fonction de l'espace dans lequel elle va l'insérer. En étant si proche du sol, ces nuages sont presque en-dessous de nous quand on passe à côté d'eux, et ils sont à notre niveau quand on s'assoit au fond de la salle et qu'on leur fait face. Étrange impression, étonnante, les nuages sont toujours au-dessus de nous habituellement. On pourrait y entrer s'ils étaient faits d'air, ici, on peut passer autour et les observer. Les nuages de Latifa Echakhch sont solides et empêchent de voir ce qui est recouvert d'encre noire quand on regarde par le verso. « Ces nuages n’ont pas une signification arrêtée, précise. Ils permettent une forme de condensation. Il s’agit d’offrir une seule et même vue d’un ensemble, comme un paysage de bord de lac où l’on peut voir le ciel, l’eau et les berges se refléter les uns sur les autres, les uns dans les autres. Il y a ici un jeu avec le haut et le bas, le recto et le verso. Un jeu de basculement qui permet une forme de synthèse, et concourt à créer une sensation onirique tout en attirant l’attention du visiteur sur les sculptures », nous dit l'artiste.

Cette installation est à la fois poétique, sensible et d'une extrême simplicité. Des nuages suspendus, de l'encre noire recouvrant des objets semblant surgir d'une passé plus ou moins récent, d'une histoire, celle de l'artiste mais la nôtre peut-être aussi. Que ce soit les roses des sables, le paysage asiatique dans un objet en verre arrondi, les VHS, le paysage en sable s'échappant de sa bouteille ou encore les pièces de puzzle, toutes ont évoqué quelque chose dans mon esprit, une réminiscence de quelque chose de passé, oublié mais pas si lointain finalement.

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Vue de l’exposition Latifa Echakhch, L’Air du temps – Prix Marcel Duchamp 2013, Centre Pompidou, Paris, 2014. Courtesy de l’artiste et des galeries Dvir, Tel Aviv, Kaufmann Repetto, Milan, kamel mennour, Paris, Eva Presenhuber, Zurich

C'est dans le cadre du prix Marcel Duchamp que se tient cette exposition, c'est l'artiste qui a reçu ce prix qui a, ensuite, l'opportunité de présenter une exposition dans ce lieu. Latifa Echakhch, prix Marcel Duchamp 2013, présente une installation qui invite à s'immerger dans un espace d'air à la fois solide et léger, bien que ce soit étrange dit comme cela. Entre légèreté et profondeur, le lieu investi avec son Air du temps nous confronte à des objets, un environnement, un passé, des recouvrements, des oublis, des résurgences d'un temps révolu et les e/ancrent dans notre temps... espace onirique à découvrir jusqu'au 26 janvier.

Cécile.

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Informations

01 44 78 12 33

www.centrepompidou.fr

Exposition ouverte au public du 8 octobre 2014 au 26 janvier 2015

Espace 315, niveau 1, tous les jours sauf le mardi de 11h à 21h

Fermeture des caisses à 20h

Tarifs :

Accès avec le billet « Musée & expositions » 13€, tarif réduit 10€

Valable le jour même au Musée, dans toutes les expositions et au Panorama pour une seule entrée dans chaque espace. Gratuit avec le Laissez-passer annuel et pour les moins de 18 ans


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