Titre original : Fehér Isten
Note:
Origine : Hongrie/Allemagne/Suède
Réalisateur : Kornel Mundruczó
Distribution : Zsófia Psotta, Sándor Zsótér, Lili Horváth…
Genre : Drame
Date de sortie : 3 décembre 2014
Le Pitch :
Une jeune fille tiraillée entre deux parents divorcés est forcée d’abandonner son chien, une loi obligeant les propriétaires de bâtards à payer un impôt ou à s’en débarrasser. S’ensuit alors un jeu de piste entre les destin de la fille et de son animal, avant qu’une étrange révolte canine ne plonge la ville dans le chaos…
La Critique :
Il est quand même difficile quand on sait que White God parle des chiens, de ne pas faire le lien avec l’incroyable White Dog, de Samuel Fuller non ? Habitué aux drames, c’est donc avec un film très différent de ces prédécesseurs que le réalisateur Kornel Mundruczó nous propose son White God. Le propos est assez éloigné du film de Fuller et même si des passerelles métaphoriques existent entre les deux, White God n’est pas aussi puissant que Dressé pour tuer (le titre français de White Dog). Dommage, car le film a de sacrés atouts dans sa manche ainsi qu’une première heure à tomber à la renverse !
Dès les premières minutes, on comprend que White God est un film à double entrée : une première immédiate et viscérale, et une deuxième plus profonde et métaphorique. En ce sens, le film est parfaitement réussi, car il parvient à jongler entre un propos éminemment politique et une mise en scène percutante et immersive.
J’imagine que vous avez compris que le principal héros du film, c’est Hagen, le chien bâtard au regard doré. Accompagné de plusieurs de ses compatriotes canins, Hagen semble aux portes de l’intelligence humaine tellement ses expressions semblent pleines de sentiments. C’est là un des tours de force technique les plus manifestes du film. White God présentant des scènes avec les animaux particulièrement impressionnantes… 100% naturelle par dessus le marché !
Avec ses plans rapprochés de la tête d’Hagen qui donne l’impression qu’il communique avec nous, aux spectaculaires courses poursuites de la meute en pleine centre ville, Kornel Mundruczó réalise de véritables exploits visuels à l’image de la première scène littéralement à couper le souffle.
White God a pour décor une ville d’Europe de l’Est, et prend pied dans un futur plus ou moins proche. On y apprend de manière un peu détournée que les chiens bâtards et/ou errants n’y sont pas forcément les bienvenus et que pour en posséder un, il faut payer une taxe et le déclarer à la fourrière. Du coup, avec cette dimension un peu étrange (mais pas si éloignée de la réalité que ça…), le réalisateur affiche durement la haine, le racisme et l’eugénisme comme toile de fond méphitique de son film. On peut aussi également y voir l’acharnement des riches sur les pauvres, la violence des forts sur les faibles, la souillure de la méchanceté sur l’innocence.
Symboliquement, cet effet de style scénaristique est très bien rendu par la relation entre la petite fille et son chien, les deux innocents étant aux prises d’un monde qui les malmènent et les exploitent. Cela vous parait un peu manichéen ? Oui, ça l’est dans la dernière partie du film où White God se perd un peu dans le piège de sa force initiale. Cependant (et j’insiste), dans la première partie, le propos est si maitrisé et si proche de la réalité qu’on ne peut que se raccrocher aux mots que semblent nous crier White God : beaucoup d’ êtres humains sur terre sont des pourris.
À partir de là, White God n’y va pas avec le dos de la cuillère et toutes les couches de la société y passent. Qu’est-ce que notre façon de traiter les « parias » dit de notre société moderne ? À quel point pouvons-nous nous montrer complices de certains agissements à partir du moment où ils nous rassurent dans notre quotidien ? Jusqu’à quel point peut-on nous manipuler pour que nous devions les propres armes de nos peurs ? Les fantômes des génocides, des crimes contre l’humanité et de la haine nous arrivent alors en plein visage et peignent un message encore plus noir que celui qu’on lisait au départ : si l’homme est impitoyable quand il s’agit de ses propres intérêts, il peut aussi l’être de manière gratuite et naturelle. Le pire travers de notre espèce mis en image dans le tragique destin de Hagen… c’est fort, très fort.
Pas de spoiler ici, donc je ne vous dirais rien sur la scène qui m’a remué les tripes, mais étant plutôt attaché à la cause animale, cela fait toujours écho de voir un film qui peint la réalité crument. White God met parfois mal à l’aise… mais la réalité est hélas mille fois pire pour de nombreux animaux. En mélangeant les drames que vivent certains personnages à ceux des chiens, Kornel Mundruczó fait habillement tomber les barrières entre les hommes et les animaux, la violence finissant par gangréner la ville au fur et à mesure que les hommes tombent dans leurs plus bas instincts et que les chiens se révoltent à se livrant à un des plus vieux travers de l’homme : la vengeance.
Et c’est précisément à ce moment charnier que je trouve, personnellement, que le film trébuche. Je dis bien personnellement, car je comprend tout à fait qu’on puisse y adhérer totalement.
Si vous rentrez bien dans le côté un peu fantasmagorique du scenario, et que vous le transposez à la réalité que propose White God, alors le film fonctionnera du début à la fin. Si par contre, vous avez été comme moi complétement happé par le début du film et que le propos métaphorique vous suffit, les vingts dernières minutes vous plairont peut-être un peu moins. Vous pourrez nous dire ce que vous en pensez dans les commentaires, bandes de chiens fous….
Vous avez peut-être su que le film avait été projeté à Cannes et qu’il avait fait sensation. Les deux principaux toutous étaient présents et se baladaient sur le festival (il existe une vidéo que l’on peut facilement trouver sur le net) et avaient fait un bon buzz pour White God. Le film a assez remué les personnes qui l’ont vu là-bas, ce qui montre bien que (peut-être) face à un public un peu moins averti, White God peut avoir un impact retentissant. À mon gout, on n’est vraiment pas passé loin d’un très, très bon film…mais on y est pas. Reste une belle démonstration de force, un propos bien couillu et un film qui remplit le contrat à 80% du cahier des charges…. Ça mérite clairement un petit coup d’œil, et même deux.
@ Pamalach
Crédits photos : Pyramide Films chien critique drame Fehér Isten Kornel Mundruczó Lili Horváth L’Étrange Festival Sándor Zsótér White God Zsófia Psotta